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23/01/2020 | FRANCE | N°19DA01523

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 janvier 2020, 19DA01523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901325 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 4 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901325 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la requête de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n'°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1990, déclare être entré sur le territoire français le 24 août 2016. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par une décision du 19 avril 2017. Par une décision du 18 mars 2018, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le rejet de cette demande. Par un arrêté du 21 mars 2019, la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Postérieurement à cette décision, le préfet de la Seine-Maritime a délivré à M. A... une attestation de demande d'asile dans le cadre d'une procédure accélérée, le 9 mai 2019. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 21 mars 2019 présentées par M. A....

Sur l'exception de non-lieu à statuer

2. Aux termes du III de l'article 35 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " les articles (...) L. 743-1 à L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...), dans leur rédaction résultant de la présente loi, s'appliquent aux demandes d'asile présentées à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat, qui ne peut être postérieure au 1er novembre 2015 ". Aux termes de l'article 30 du décret du 21 septembre 2015, les articles : " (...) L. 743-1 à L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi [n° 2015-925 du 29 juillet 2015], s'appliquent aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015 ". Aux termes de l'article L. 723-15 du même code : " constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les articles L. 743-1, L. 743-2 et L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, s'appliquent aux demandes d'asile introduites à compter du 1er novembre 2015. Pour l'application de ces dispositions, une demande de réexamen est regardée comme une demande d'asile.

4. Dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, l'article L. 741-1 du même code, dispose que : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans la rédaction issue de la même loi : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article L. 743-2 du même code énumère les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Enfin, l'article L. 743-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour ".

5. Il résulte ainsi des dispositions applicables aux litiges que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande respectivement prévus aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Si, préalablement à sa demande de réexamen, l'intéressé, en l'absence de droit au maintien sur le territoire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette mesure ne peut être exécutée avant qu'il soit statué sur la demande d'asile. Le droit au maintien sur le territoire est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.

6. Il ressort des pièces du dossier que la première demande d'asile de M. A... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2018. Par la suite, la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, par une décision du 21 mars 2019. Postérieurement à cette mesure, M. A... a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile le 9 mai 2019. Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que M. A... avait formulé sa volonté de demander le réexamen de sa situation antérieurement à la notification de la mesure l'obligeant à quitter le territoire. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime pouvait légalement édicter la mesure obligeant M. A... à quitter le territoire. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2019 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur les moyens soulevés devant le tribunal :

Sur la légalité de l'obligation à quitter le territoire français :

8. La décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment l'alinéa 6 du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que les problèmes de santé de M. A... ne figurent pas dans la rédaction de la décision contestée est sans incidence sur la légalité de celle-ci, dans la mesure où M. A... allègue souffrir de problèmes de santé devant le tribunal administratif sans l'établir.

9. M. A... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Toutefois, il n'apporte aucun élément au soutien de ce moyen et se borne à soutenir que sa situation personnelle justifie une régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante au regard de son pouvoir de régularisation ne peut être qu'écarté, manquant en fait.

10. Si M. A... soutient que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant au motif que la décision ne mentionne pas son état de santé et le fait qu'il risque d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations, alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2018. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté, manquant en fait.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. M. A... n'a pas établi l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de cette décision.

13. D'une part, la décision par laquelle la préfète fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions sus-rappelées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 précité. Le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative. Ainsi, l'arrêté attaqué visant l'article L. 511-1-I précité, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que le défaut de visa de l'article L. 513-3 du code précité relatif aux règles contentieuses concernant le recours contre la décision fixant le pays de renvoi n'est pas davantage de nature à entacher cette décision d'un défaut de motivation.

14. D'autre part, la décision contestée mentionne que M. A... déclare être entré en France le 24 août 2016 après avoir quitté son pays d'origine le 23 mars 2016. Elle mentionne également que les empreintes de M. A... n'ont pas été relevées dans un autre Etat membre de l'Union européenne et qu'ainsi une attestation de demande d'asile dans le cadre d'une procédure normale lui a été délivrée le 23 novembre 2016. Le préfet indique que sa demande d'asile a d'abord été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet ajoute qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que qu'il serait soumis à la torture ou à des traitements inhumains en cas de retour au Soudan. Le préfet, après un examen attentif de sa situation personnelle, a fait état de la situation personnelle du requérant en indiquant qu'il allègue sans l'établir être marié à une ressortissante soudanaise et ne démontre pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

15. Si M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, invoque les risques de persécutions qu'il encourrait en cas de retour au Soudan, il n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir qu'il serait effectivement et personnellement exposé à de tels risques. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le Soudan comme pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 tant en première instance qu'en appel doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1901325 du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA01523 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01523
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-23;19da01523 ?
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