Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ainsi que d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour ou à défaut une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1902876 du 12 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du préfet du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, et a constaté le non-lieu à statuer sur la décision fixant le pays de destination.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de M. B... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien, né le 17 mai 1971, a fait l'objet, le 3 avril 2019, de décisions prises par le préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et interdisant son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et interdisant son retour sur le territoire français et a constaté le non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes du 2 de l'article 5 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Chambéry le 3 octobre 1997 susvisé : "Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalité, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. ".
3. M. B... était détenteur de documents italiens, en particulier d'un titre de séjour valable jusqu'au 31 octobre 2018, et a pu aussi justifier s'être acquitté le 24 septembre 2018 des droits pour le renouvellement de ce titre. Le préfet du Pas-de-Calais avait d'ailleurs initialement pris, le 29 mars 2019, un arrêté de remise aux autorités italiennes, sous réserve de l'accord de ces dernières et avait saisi ces autorités à cette fin, le 29 mars 2019. Le préfet du Pas-de-Calais produit néanmoins, pour la première fois en cause d'appel, le refus de réadmission par les autorités italiennes adressé aux autorités françaises, le 2 avril 2019, soit antérieurement à l'obligation de quitter le territoire français en litige. M. B..., ne pouvant justifier disposer d'une autorisation de séjour valide délivrée par les autorités italiennes, ne peut donc pas soutenir qu'il devait de plein droit être réadmis en Italie. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé l'obligation de quitter le territoire français, en se fondant sur le motif que M. B... devait faire l'objet d'une remise aux autorités italiennes.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle fait état du refus de réadmission par les autorités italiennes en date du 2 avril 2019. Si M. B... a indiqué lors de son audition être père de quatre enfants, il a précisé qu'ils étaient à la charge de leur mère et qu'il n'avait plus de contact avec sa famille. Par suite, en considérant que " l'examen approfondi de sa situation familiale ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé, au respect de sa vie privée et familiale ", le préfet du Pas-de-Calais n'a pas insuffisamment motivé sa décision. Le moyen tiré du défaut de motivation est donc écarté.
6. M. B... a produit, en première instance, une attestation de la mère de ses quatre enfants, dont il est séparé. Celle-ci, titulaire d'un titre de séjour valide, indique, à la date du 11 avril 2019, que l'intéressé voit ses enfants trois fois par semaine et participe aux dépenses alimentaires et vestimentaires. Des proches de l'appelant confirment également son lien avec ses enfants. Aucune autre pièce, ni en première instance, ni en appel ne vient néanmoins établir la réalité et l'intensité du lien que M. B... aurait gardé avec ses enfants. Or, il a indiqué, lors de son audition par les services de police qu'il n'était revenu en France que depuis février 2019 et que ses enfants étaient à la charge de leur mère. Il a également reconnu dans son mémoire complémentaire de première instance qu'il avait quitté sa famille pour s'établir en Italie, ce qu'attestent les documents italiens qu'il produits, notamment une carte d'identité italienne établie dès le 12 juin 2015. Compte tenu de ces éléments et des conditions de séjour et d'interpellation de M. B... en France, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et constate que M. B... ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'y a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, rentrant ainsi dans les conditions du a du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant au préfet de ne pas octroyer de délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation est écarté.
8. M. B..., contrairement à ce qu'il soutient ne justifie pas d'une résidence effective et permanente en France. S'il a fourni l'adresse de la mère de ses enfants lors de son audition, il n'est pas contesté qu'il est séparé de celle-ci et qu'il avait d'ailleurs fait élection de domicile auprès d'une association. Par suite, outre que le seul motif cité au point 7 suffisait à justifier un refus de délai de départ volontaire, il n'est pas établi que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressé en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
10. Il n'est pas sérieusement contesté que M. B... ne peut justifier de son entrée régulière sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser à M. B... un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
11. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation est, en conséquence, écarté.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté.
13. En application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est tenu d'assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'est prononcé, sauf si des circonstances humanitaires justifient de ne prononcer aucune interdiction. Si, en l'espèce, M. B... se prévaut de la présence de ses enfants en France, il ne démontre, ni qu'il ait maintenu le contact avec eux alors qu'il a décidé en 2015 de s'établir en Italie, ni, ainsi qu'il a été dit, la réalité et l'intensité de sa relation avec ses enfants. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions du 3 avril 2019 obligeant M. B... a quitté le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et lui interdisant son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
15. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. B... contre l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 avril 2019 est annulé en tant qu'il annule les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a obligé M. B... à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et interdisant son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, ainsi qu'à l'injonction sous astreinte de délivrance d'une carte de séjour, ou, à défaut d'une autorisation provisoire de séjour et au réexamen de sa situation sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais
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N° 19DA01250