Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... veuve D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande de titre de séjour, a abrogé son document provisoire de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à remettre l'original de son passeport aux services de police, à se présenter auprès des services de police afin d'indiquer les démarches engagées en vue de la préparation de son départ, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n°1901090 du 21 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 6 août 2019, Mme E... veuve D..., représentée par Me C... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante marocaine née en 1968, déclare être entrée sur le territoire français le 15 novembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Mme E... a présenté une première demande de titre de séjour le 7 février 2014. Par un arrêté du 20 mars 2015, le préfet de l'Aisne a refusé de faire droit à cette demande et l'a obligée à quitter le territoire français. Par une demande du 31 mai 2018, Mme E... a de nouveau sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 4 mars 2019, le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande, en abrogeant son document provisoire de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à remettre l'original de son passeport aux services de police, à se présenter auprès des services de police afin d'indiquer les démarches engagées en vue de la préparation de son départ, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme E... relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Par un arrêté du 20 septembre 2018, régulièrement publié, le préfet de l'Aisne a délégué à M. Pierre Larrey, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne, sa compétence pour prendre l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
3. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à reprendre expressément, et de manière exhaustive, la situation personnelle de l'intéressée, a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent ses décisions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. L'arrêté attaqué fait état des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, ainsi que de sa situation personnelle, professionnelle et familiale. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aisne n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".
6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. La circonstance que Mme E... bénéficie en France de la réversion de la pension de retraite de son époux décédé n'est pas de nature à conférer à l'intéressée un droit au séjour. Il ne ressort pas non plus des pièces versées au dossier que la pathologie dont la requérante fait état nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravite, ni même qu'elle ne pourrait bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié. Dans ces conditions, Mme E... veuve D... ne saurait être regardée comme justifiant d'un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
9. Mme E... est entrée en France le 15 novembre 2013 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, alors même que par un arrêté du 20 mars 2015, le préfet de l'Aisne avait rejeté sa demande de titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français. Si la requérante allègue avoir des liens familiaux stables en France, notamment deux de ses tantes ainsi que sa fille, majeure, scolarisée en certificat d'aptitude professionnelle, elle a quitté le Maroc alors qu'elle était âgée de plus de quarante-cinq ans et n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où vivent trois de ses quatre enfants. En outre, l'intéressée ne démontre pas, par une promesse d'embauche sous contrat à durée indéterminée à temps partiel ainsi que par une fiche de paie délivrée pour le mois d'août 2018, une intégration professionnelle stable et d'une particulière intensité. Dès lors, en refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Aisne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celle présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... veuve D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... A....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
N°19DA01433 4