Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1811908 du 29 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, M. A..., représenté par Me F... I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de résident, ou à titre subsidiaire, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme H... G..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 6 août 1995, de nationalité turque, a sollicité le 11 décembre 2017, son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. M. A... interjette appel du jugement en date du 29 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des écritures de première instance que M. A... soutenait dans un mémoire enregistré au tribunal le 22 janvier 2019 que le préfet avait insuffisamment motivé l'arrêté en litige et qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif n'a pas statué sur ces moyens, non visés par le jugement attaqué, et qui n'étaient pas inopérants. Par suite, ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Par un arrêté du 25 juillet 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 165 du même jour, le préfet du Nord a donné à Mme C... D..., délégation à effet de signer les décisions contestées du 28 novembre 2018. Si M. A... soutient que la signature de l'arrêté en litige est illisible, cet arrêté mentionne le nom, le prénom, la qualité et est revêtu de la signature de son auteur, de sorte que l'appelant était en mesure d'identifier l'auteur de l'acte. En outre, eu égard au caractère réglementaire d'un arrêté de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de cet arrêté alors même que celui-ci n'est pas versé au dossier. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées manque en fait et doit être écarté.
5. La décision en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Elle indique, notamment, que la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 20 février 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 6 juillet 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. En outre, cette motivation fait état d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, précisant notamment qu'il est entré à une date récente en France, qu'il est célibataire et sans enfant et que, s'il fait valoir la présence de son frère en situation régulière en France, il n'établit toutefois pas être isolé dans son pays d'origine. Par suite, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision litigieuse, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, le préfet du Nord a visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de cet article, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée.
6. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". L'article R. 733-32 du même code dispose que : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) ". L'article R. 213-6 du même code issu de l'article 2 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 qui reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 213-3, prévoit en son premier alinéa que " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. ".
7. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification régulière, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour. D'autre part, la notification des décisions prises par la Cour nationale du droit d'asile est en principe accompagnée d'une fiche informant le demandeur d'asile du caractère positif ou négatif de la décision le concernant dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend.
8. Il ressort de la fiche TelemOfpra produite par le préfet du Nord que la décision prise par la Cour nationale du droit d'asile le 6 juillet 2018 a été notifiée à l'appelant le 16 juillet 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de la production par le requérant d'un document intitulé " la Cour nationale du droit d'asile a décidé de rejeter votre recours ", traduit en plusieurs langues, dont le turc, que la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile comprenait une information, dans une langue que M. A... comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, sur le caractère négatif de la décision rendue sur la demande d'asile qu'il avait formée. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de justification d'une notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue comprise par le requérant ne peut qu'être écarté.
9. M. A... soutient qu'il devrait bénéficier d'un titre de séjour en qualité de réfugié en vertu des dispositions précitées des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la reconnaissance du statut de réfugié ou l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes qui encourent des risques graves en cas de retour dans leur pays d'origine. Toutefois, la demande d'asile présentée par M. A... ayant été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, celui-ci ne bénéficie donc pas du statut de réfugié. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme inopérant.
10. M. A... est entré en France, selon ses déclarations, le 28 août 2017, soit à peine plus d'un an avant la décision contestée. Si l'intéressé, célibataire et sans enfant, se prévaut de la présence sur le territoire national de son frère, en situation régulière, et de son oncle, il n'établit, ni même d'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Il ne justifie pas davantage d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui n'est pas entachée d'erreur de fait quant à sa situation familiale, ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il n'est ni allégué, ni démontré que M. A... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne résulte pas non plus de l'arrêté contesté que le préfet aurait examiné de sa propre initiative la demande de M. A... sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de séjour.
12. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour qui n'emporte pas par elle-même retour dans le pays d'origine.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Nord. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1811908 du 29 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
3
N°19DA00627 2