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10/12/2019 | FRANCE | N°18DA00105,18DA00108

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 10 décembre 2019, 18DA00105,18DA00108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours, l'association " A contre-courant ", M. D... X... et Mme AB... X..., M. J... W..., Mme AD...-AJ... Y..., Mme AI...-AD... AF..., M. AE...-K... AF..., Mme F... AF...-AH..., M. AE...-K... AC..., M. B... N..., Mme P... N..., Mme AD...-AJ... H..., M. AA... H..., M. K... H..., M. V... H..., Mme L... AG..., M. et Mme S... R..., M. et Mme D... G..., Mme AD...-AK... T..., M. et Mme O... U... et M. AE...-AD... I... ont

demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours, l'association " A contre-courant ", M. D... X... et Mme AB... X..., M. J... W..., Mme AD...-AJ... Y..., Mme AI...-AD... AF..., M. AE...-K... AF..., Mme F... AF...-AH..., M. AE...-K... AC..., M. B... N..., Mme P... N..., Mme AD...-AJ... H..., M. AA... H..., M. K... H..., M. V... H..., Mme L... AG..., M. et Mme S... R..., M. et Mme D... G..., Mme AD...-AK... T..., M. et Mme O... U... et M. AE...-AD... I... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel le préfet de la Somme a délivré à la société Future Energy France SARL une autorisation d'exploiter un parc éolien situé sur le territoire des communes de Gorges, Bernaville et Fienvillers.

Par un jugement n° 1602333 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2018 sous le n° 18DA00105, et des mémoires, enregistrés les 3 juillet 2018 et 17 septembre 2019, la société Future Energy France SARL, représentée par Me E... M..., demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter les conclusions aux fins d'annulation ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'autorisation querellée pour permettre la notification à la cour d'une autorisation d'exploiter modificative qui régularisera le vice constaté après mise en oeuvre des mesures de mise à disposition du public qu'elle jugera adaptées et d'enjoindre au préfet de mettre en oeuvre les mesures ainsi définies ;

4°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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II. Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2018 sous le n° 18DA00108, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours et autres.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me A... Z..., représentant la société Future Energy France, et de Me C... Q..., représentant l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours et autres.

Deux notes en délibéré présentées par la société Future Energy France SARL ont été enregistrées les 19 et 26 novembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société Future Energy France SARL a déposé, le 22 octobre 2013, une demande d'autorisation d'exploitation, modifiée le 31 juillet 2015, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, portant sur un parc éolien composé de onze machines et trois postes de livraison, situé sur le territoire des communes de Gorges, Bernaville et Fienvillers. Le préfet de la Somme a accordé cette autorisation par un arrêté du 23 mars 2016. Le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Future Energy France SARL relèvent appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Si le préfet de la Somme soutient que le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas les raisons pour lesquelles le public aurait été privé en l'espèce d'une garantie essentielle, il résulte des termes du point 5 du jugement que le tribunal a considéré que la circonstance que les compétences décisionnaire et environnementale soient exercées par une même autorité n'est pas de nature à garantir que la compétence consultative en matière environnementale serait exercée dans des conditions assurant que l'autorité environnementale disposait d'une autonomie effective et qu'ainsi, le public a été privé de la garantie que l'autorité environnementale dispose d'une autonomie effective. Le moyen manque donc en fait.

4. La société Future Energy France SARL fait valoir que les demandeurs de première instance n'ont invoqué, à l'appui du moyen tiré de l'absence d'autonomie de l'autorité environnementale, que l'article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 alors que c'est l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 qui trouve à s'appliquer en l'espèce. S'ils ont effectivement visé, dans leurs écritures, la directive 2001/42/CE, il n'en demeure pas moins qu'ils ont soulevé le moyen tiré de ce que l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle doit disposer d'une autonomie réelle impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation, en invoquant l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10 qui a interprété l'article 6 de la directive du 27 juin 2001. Or, le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, que les deux directives ont pour finalité commune de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale. Dans cette décision, le Conseil d'Etat déduit de cette finalité commune et de l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt susmentionné, que : " il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ". Par suite, le tribunal, qui a cité les textes de droit interne applicables et indiqué que : " l'avis de l'autorité environnementale prévu par la loi en vertu des règles communautaires présente un caractère substantiel de nature à vicier la procédure en privant le public d'une garantie essentielle ", n'a ni répondu à un moyen non soulevé devant lui ou encore à un moyen inopérant, ni méconnu le champ d'application de la directive 2001/42/CE.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :

5. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

6. La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement vise à ce que l'autorisation de réaliser de tels projets ne soit accordée qu'après une évaluation des incidences notables sur l'environnement, réalisée sur la base d'informations appropriées. A cette fin, elle prévoit notamment, à son article 6 paragraphe 1, que : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. A cet effet, les Etats membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les Etats membres ".

7. L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV. - La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

9. Le projet éolien autorisé par l'arrêté en litige était préalablement soumis à la réalisation d'une étude d'impact en vertu de la rubrique 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur. Ce projet a, en conséquence, fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale visé au III de l'article L. 122-1 du même code, émis le 12 mars 2015 par le préfet de la région Picardie, conformément aux dispositions du III de l'article R. 122-6 du code de l'environnement rappelées au point 7, et préparé par la direction régionale pour l'environnement, l'aménagement du territoire et le logement de Picardie.

10. Ni cet article R. 122-6 du code précité, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ont prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 8 du présent arrêt. Les dispositions de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable au litige, sont ainsi, en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis sans que soit prévu un tel dispositif, incompatibles avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, ainsi que dans sa décision n° 414930 du 13 mars 2019.

11. En l'espèce, les requérants soutiennent que ce n'est pas le préfet de la région Picardie mais le préfet de la Somme qui a délivré l'autorisation. Toutefois, le préfet de ce département était également le préfet de la région Picardie. Si les requérants soutiennent, en outre, qu'il existerait une séparation fonctionnelle au sein des services déconcentrés de l'Etat, il ne résulte pas de l'instruction que l'avis émis le 12 mars 2015 aurait néanmoins répondu aux objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011.

12. L'évaluation environnementale a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement afin de respecter les objectifs des directives mentionnées ci-dessus. Compte tenu du rôle joué par l'autorité environnementale au début du processus d'évaluation, de l'autonomie dont cette autorité doit disposer, et de la portée de l'avis qu'elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre les objectifs en question. En l'espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles l'avis a été émis, rappelées au point 9, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée et, en particulier, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre autorité compétente et objective en matière d'environnement aurait rendu un avis sur l'étude d'impact du projet à la date de la délivrance de l'autorisation. En outre, si la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable a émis un avis le 9 juillet 2019, celui-ci contient plusieurs recommandations substantielles telles que la mise en oeuvre de mesures visant à réduire l'impact visuel du projet sur le village de Gorges, ou encore le déplacement de certaines éoliennes pour les éloigner de haies dans lesquelles des chiroptères sont susceptibles de se trouver. Ainsi, l'irrégularité de l'avis émis le 12 mars 2015 par l'autorité environnementale a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise et a privé le public d'une garantie.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que l'irrégularité de l'avis émis le 12 mars 2015 par l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté du 23 mars 2016.

Sur les conséquences à tirer des vices entachant d'illégalité l'arrêté en litige :

14. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable à compter du 31 mars 2017 : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

15. Lorsque le juge d'appel estime qu'un moyen ayant fondé l'annulation d'une autorisation d'exploiter par le juge de première instance est tiré d'un vice susceptible d'être régularisé et qu'il décide de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article L. 181-18 du code de l'environnement, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens ayant, le cas échéant, fondé le jugement d'annulation, ni aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens nouveaux et recevables présentés en appel, n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé.

16. La société Future Energy France SARL demande à la cour de surseoir à statuer au motif que la mission régionale d'autorité environnementale de la région Hauts-de-France a émis un avis le 9 juillet 2019 et de déterminer les mesures adéquates d'information du public. Toutefois, il apparaît également que le moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que les lacunes du dossier de demande d'autorisation s'agissant des capacités techniques et financières de l'exploitant ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, est fondé.

17. En effet, aux termes de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : / (...) 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ".

18. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement est tenu de fournir, à l'appui de son dossier, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

19. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société Future Energy France SARL expose que le montage financier repose sur l'apport de capitaux propres possédés par la maison mère BEC Energy Consult GmbH et sur le recours à un prêt bancaire. Il est précisé que, du fait de la particularité de ce type de financement, l'établissement bancaire partenaire choisi devra faire preuve d'une expérience dans le domaine des grands projets d'énergie renouvelable. Il est également indiqué que, le cas échant, l'apport de capitaux propres peut être élargi grâce au recours à un investisseur tiers de confiance. Il résulte des dispositions citées au point 17 et des principes rappelés au point 18 que si le demandeur entend se prévaloir de capacités financières qui lui sont fournies par des tiers, celles-ci doivent être suffisamment certaines. Or, la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société Future Energy France SARL prévoit que les apports en capitaux propres pourraient être réalisés par des investisseurs tiers sans préciser toutefois leur identité et ne comporte aucune information sur les principaux éléments financiers et comptables de la société mère chargée de l'apport de capitaux propres et aucun engagement ferme d'un établissement bancaire. Dès lors, cette demande ne satisfaisait pas à l'exigence prévue par le 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement quand bien même le commissaire enquêteur a indiqué en réponse aux observations du public que le financement serait réalisé à hauteur de 20 % par la société Futur Energy France garantie par les fonds propres de la société Bec-Energies-Product et de 80 % par la Saarland Bank de Sarrebruck.

20. Ces lacunes ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, qui n'a pas été mise à même, à l'occasion de l'enquête publique, d'apprécier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques pour mettre en oeuvre le projet, alors même que la demande d'autorisation d'exploitation expose que " dans le cas d'une centrale éolienne, des études de vent sont systématiquement menées pour déterminer le productible et un contrat d'achat sur une période déterminée, avec un tarif du kWh garanti, est conclu avec EDF Obligations d'Achat. Le chiffre d'affaires de la société est donc connu dès la phase de conception du projet avec un niveau d'incertitude extrêmement faible ". Par suite, cette irrégularité constitue un vice de procédure entachant d'illégalité l'autorisation d'exploitation délivrée par le préfet de la Somme.

21. Les illégalités relevées aux points 12 et 20 affectent deux phases distinctes de la procédure d'instruction de la demande d'autorisation, dès le commencement de celle-ci. En outre, il résulte de l'instruction que le vice relevé au point 20 ne pourra pas être réparé selon les modalités prévues par les dispositions mentionnées aux points 17 et 18, ce que reconnaît d'ailleurs la société Future Energy France SARL qui a indiqué dans sa demande d'autorisation : " que si la capacité de réaliser l'investissement initial est une preuve importante de la capacité financière nécessaire à son exploitation, celle-ci ne peut être rapportée qu'après l'obtention de l'autorisation ". La société requérante produit une lettre d'intention de la Saarland Bank de Sarrebruck datée du 12 octobre 2017 qui est toutefois conditionnée à l'obtention de l'ensemble des autorisations nécessaires définitives et à la réalisation d'" une étude plus complète du dossier au plan financier, juridique et technique ". Pour l'ensemble de ces raisons, et alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet autorisé aurait été mené à bien, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions mentionnées au point 14.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Future Energy France SARL et le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté en litige.

Sur les frais du procès :

23. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Future Energy France SARL et de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser à l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours et autres au titre des frais du procès.

24. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par la société Future Energy France SARL.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Future Energy France SARL et du ministre de la transition écologique et solidaire sont rejetées.

Article 2 : La société Future Energy France SARL et l'Etat verseront à l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours et autres une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Future Energy France SARL, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association de défense de l'environnement du Bernavillois, du Val-de-Nièvre, Vignacourt et alentours, qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Hauts-de-France et au préfet de la Somme.

Nos18DA00105,18DA00108 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00105,18DA00108
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT ; GREENLAW AVOCAT ; GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-10;18da00105.18da00108 ?
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