La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2019 | FRANCE | N°18DA00332

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 décembre 2019, 18DA00332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Maquère Arras a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations de taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 2009 et des années 2010 et 2011, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un ju

gement n°1409201 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Maquère Arras a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations de taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 2009 et des années 2010 et 2011, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1409201 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge du supplément de cotisation foncière des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2010, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge du supplément de cotisation foncière des entreprises auquel la SARL Maquère Arras a été assujettie au titre de l'année 2010 et qu'il met une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de cette société l'imposition ainsi déchargée par ce jugement ;

3°) de prescrire le reversement de la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Maquère Arras, dont le siège social est situé à Arras (Pas-de-Calais), a été concernée par l'émission, au titre de l'année 2010, d'un rôle supplémentaire de cotisation foncière des entreprises à raison de locaux mis à sa disposition rue Diderot à Arras aux fins d'exploiter, dans le cadre de l'exécution de conventions de gérance-mandat conclues avec la société par actions simplifiée Babou, un fonds de commerce de vente d'articles de textile et d'éléments d'équipement de la maison sous l'enseigne " Babou ". La SARL Maquère Arras a contesté, par une réclamation du 16 juin 2014, le supplément de cotisation foncière des entreprises mis ainsi à sa charge au titre de l'année 2010. Cette réclamation n'ayant fait l'objet d'aucune réponse dans le délai de six mois imparti par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, la SARL Maquère Arras a porté, comme le lui permettaient les dispositions de l'article R. 199-1 du même livre, le litige devant le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement du 19 décembre 2017, a prononcé la décharge de ce supplément de cotisation foncière des entreprises, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande, qui était également dirigée contre d'autres impositions assignées à cette société. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement et demande à la cour de l'annuler, en tant qu'il prononce la décharge du supplément de cotisation foncière des entreprises en litige et qu'il met une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande, en outre, de remettre à la charge de cette société l'imposition ainsi déchargée par ce jugement et de prescrire le reversement de la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, repris à l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts, issu de la même loi, dans sa version applicable à l'année 2010 : " I. Pour le calcul des impositions à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent un taux relais, dans les conditions et limites prévues pour le taux de la taxe professionnelle par le présent code dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2009, à l'exception du 4 du I de l'article 1636 B sexies. / Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat. Elles sont calculées en faisant application des délibérations relatives aux exonérations et abattements prévues au I du 5. 3. 2 de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et en appliquant les taux communaux et intercommunaux de référence définis aux 1 à 6 du I de l'article 1640 C. / L'Etat perçoit 3 % du montant des impositions de cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010. Ces sommes sont ajoutées au montant de ces impositions. / II. 1. a) Par dérogation aux dispositions des articles L. 2331-3, L. 3332-1, L. 4331-2, L. 5214-23, L. 5215-32, L. 5216-8 et L. 5334-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 1379, 1586, 1599 bis, 1609 bis, 1609 quinquies C, 1609 nonies B et 1609 nonies C du présent code, les collectivités territoriales, à l'exception de la région Ile-de-France, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. / Le montant de cette compensation relais est, pour chaque collectivité ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, égal au plus élevé des deux montants suivants : - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009. Toutefois, pour le calcul de ce produit, d'une part, il est fait application des délibérations applicables en 2009 relatives aux bases de taxe professionnelle, d'autre part, le taux retenu est le taux de taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public pour les impositions au titre de l'année 2009 dans la limite du taux voté pour les impositions au titre de l'année 2008 majoré de 1 % ; / - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 ".

3. D'autre part, aux termes du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable " en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la cotisation foncière des entreprises a été instaurée à compter du 1er janvier 2010 en remplacement de la taxe professionnelle par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 dont les dispositions sont insérées au chapitre I " Impôts directs et taxes assimilées " du titre I " Impositions communales " de la deuxième partie du code général des impôts, consacrée aux " Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes ". Cette cotisation constitue l'une des deux composantes de la contribution économique territoriale. Si, pour l'année de sa mise en place, il a été prévu qu'elle serait affectée au budget général de l'Etat, cette affectation constitue le premier volet d'un dispositif dont le second volet consiste en la redistribution du produit de la cotisation foncière des entreprises aux collectivités territoriales et leurs groupements, afin de maintenir au même niveau les ressources qu'ils tiraient l'année précédente de la perception de la taxe professionnelle, au moyen d'une " compensation relais " calculée sur la base du produit de la taxe professionnelle perçu en 2009 ou du produit qui résulterait, au titre de l'année 2010, de l'application des dispositions en vigueur au 31 décembre 2009 en retenant le taux de 2009, dans la limite du taux appliqué en 2008 majoré de 1%. Il suit de là que les dispositions de l'article 1640 B du code général des impôts ne sauraient être interprétées comme ayant donné à cette imposition, du seul fait de l'affectation du produit de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 au budget de l'Etat, le caractère d'une imposition d'Etat à laquelle la procédure contradictoire serait, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales citées au point 3, applicable.

5. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir qu'en retenant que le supplément de cotisation foncière des entreprises mis à la charge de la SARL Maquère Arras au titre de l'année 2010 avait été établi à l'issue d'une procédure irrégulière en ce qu'elle n'avait pas été contradictoire, au motif que cette imposition était, pour l'année de sa mise en place, affectée au budget général de l'Etat, le tribunal administratif de Lille a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SARL Maquère Arras et dirigé contre le supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010, seul contesté en appel.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " et aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; / (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

8. Par une décision adressée le 29 septembre 2009 à la SAS Babou afin de rejeter la réclamation que celle-ci avait introduite en ce qui concerne la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 2008, l'administration énonce : " En conséquence, selon les éléments communiqués et exposés ci-avant, la SAS Babou doit être considérée comme disposant des biens qu'elle confie à ses mandataires, objets des conventions de gérance-mandat, pour les besoins de son activité professionnelle au sens de l'article 1467 du CGI. ". La SARL Maquère Arras, qui était liée, dès le 1er novembre 2008, à la SAS Babou par une convention de gérance-mandat, versée à l'instruction et qui a été renouvelée dans des termes identiques le 1er novembre 2009 puis le 1er novembre 2010, en exécution de laquelle les biens nécessaires à son exploitation lui avaient été confiés, se trouvait ainsi, à la date de cette prise de position formelle de l'administration sur l'application de l'article 1467 du code général des impôts, qui définit les biens entrant dans la base imposable à la cotisation foncière des entreprises, dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, alors même qu'elle n'y a pas été nommément désignée. Elle est, dès lors, fondée à s'en prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour soutenir qu'au cours de l'année d'imposition en litige, elle ne disposait pas, au sens et pour l'application de l'article 1467 du code général des impôts, des biens mis à sa disposition par son mandat pour les besoins de son exploitation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 1er du jugement du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge du supplément de cotisation foncière des entreprises auquel la SARL Maquère Arras a été assujettie au titre de l'année 2010. Dans ces conditions, le ministre n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du même jugement, le tribunal administratif de Lille a mis, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat après avoir estimé qu'il était la partie perdante. Ses conclusions à fin de restitution de cette somme doivent ainsi, et en tout état de cause, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SARL Maquère Arras.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

2

N°18DA00332

1

5

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00332
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Existence.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-04;18da00332 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award