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04/12/2019 | FRANCE | N°18DA00315

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 décembre 2019, 18DA00315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Littoral Investissements a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que de l'intérêt de retard dont ces rehaussements ont été assortis.

Par un jugement n° 1405752 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 février 2018, le 6 juillet 2018 et le 7 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Littoral Investissements a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que de l'intérêt de retard dont ces rehaussements ont été assortis.

Par un jugement n° 1405752 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 février 2018, le 6 juillet 2018 et le 7 novembre 2019, la SAS Littoral Investissements, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SAS Littoral Investissements.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Littoral Investissements, dont le siège est situé à Saint-Martin-Boulogne (Pas-de-Calais), avait pour activité l'exploitation, sur le territoire de cette commune, d'une clinique privée, sous la dénomination de Clinique médicale chirurgicale obstétricale de la Côte d'Opale (CMCO). Le 27 août 2010, elle a effectué un apport partiel d'actifs comprenant les éléments constitutifs de ce fonds de commerce de clinique privée à la SAS CMCO. En outre, par une convention de bail conclue le 20 septembre 2010, la SAS Littoral Investissements a donné en location à la SAS CMCO les locaux nécessaires à l'exploitation de ce fonds de commerce. La SAS Littoral Investissements, qui a pour activité la gestion patrimoniale de participations et d'immeubles et qui n'avait pas opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers versés par la SAS CMCO, a fait l'objet, en 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Estimant notamment, à l'issue de ce contrôle, que les loyers tirés par la SAS Littoral Investissements de la location de ses locaux trouvaient leur contrepartie dans un bail de nature commerciale et devaient, en conséquence, être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a décidé d'opérer les rectifications correspondantes, ce qu'elle a fait connaître à cette société par une proposition de rectification datée du 27 août 2013. Ces rectifications ont été maintenues en dépit des observations formulées par la société contribuable et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ont été mis en recouvrement le 17 février 2014. La SAS Littoral Investissements relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que de l'intérêt de retard dont ces rehaussements ont été assortis.

2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules ; toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire ; / (...) ". Doit être regardée comme une location de locaux nus celle qui porte sur des locaux qui ne sont pas pourvus des aménagements nécessaires, c'est-à-dire de ceux sans lesquels l'exploitation à laquelle ces locaux sont destinés n'est pas possible.

3. Il n'est pas contesté par le ministre de l'action et des comptes publics en cause d'appel que la convention de bail conclue le 20 septembre 2010 entre la SAS Littoral Investissements et la SAS CMCO avait pour objet de confier à cette dernière la location de locaux nus au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 261 D du code général des impôts. D'ailleurs, l'ensemble des mobiliers, équipements et matériels nécessaires à l'exploitation de la clinique que ces locaux sont destinés à accueillir, lesquels éléments sont constitutifs de l'actif corporel immobilisé de cette clinique, avaient été précédemment transmis par la SAS Littoral Investissements à la SAS CMCO en vertu du contrat d'apport partiel d'actif conclu par ces sociétés le 27 août 2010.

4. Le ministre soutient cependant que cette location, que les parties au bail ont elles-mêmes entendu qualifier de commerciale, aurait permis à la SAS Littoral Investissements de poursuivre, par la SAS CMCO, qui a, moyennant l'interposition d'une société, le même dirigeant, l'exploitation, sous la même dénomination, de son fonds de commerce de clinique. Il ajoute que, par la détention de la majorité des parts sociales de la SAS CMCO, la SAS Littoral Investissements, qui tire l'essentiel de ses revenus des loyers perçus de la SAS CMCO, est nécessairement intéressée aux résultats de l'entreprise locataire.

5. Toutefois, la SAS Littoral Investissements, dont l'objet social est, ainsi qu'il a été dit au point 1, la gestion patrimoniale de participations et d'immeubles, n'a pas d'activité commerciale et est juridiquement indépendante de la SAS CMCO, qui a quant à elle pour objet social l'exploitation de la clinique médicale, chirurgicale et obstétricale de Saint-Martin-Boulogne, ainsi que le confirme l'extrait du registre du commerce et des sociétés la concernant, versé au dossier. Dans ces conditions, les seules circonstances que la SAS Littoral Investissements était, à la date du bail en cause, l'un des trois associés de la SAS CMCO et que son conseil d'administration était dirigé par une société ayant le même dirigeant que la SAS CMCO ne peuvent suffire à établir que le bail de location immobilière en cause aurait eu pour objet et pour effet de permettre à la SAS Littoral Investissements de poursuivre, par la SAS CMCO, l'exploitation du fonds de commerce qu'elle avait précédemment cédé à cette dernière.

6. En outre, la seule détention par la SAS Littoral Investissements d'une part, certes très significative, du capital de la société preneuse ne permet pas, en l'absence de stipulation du bail ou de modalités de fixation de loyers qui l'associeraient à l'exploitation ou aux résultats de cette dernière, de regarder le bail en cause comme lui conférant le caractère d'exploitant délivrant des services autres que la simple mise à disposition de locaux. Il en est de même du fait que la SAS Littoral Investissements tirerait l'essentiel de ses ressources des loyers perçus de la SAS CMCO.

7. Enfin, si le bail consenti par la SAS Littoral Investissements à la SAS CMCO précise qu'il a pour objet de confier à cette dernière, à titre commercial, la location des immeubles et parties d'immeubles en cause, le juge de l'impôt, à qui il appartient de donner aux situations qui lui sont soumises la qualification qui s'impose au regard de la loi fiscale applicable, ne saurait être lié par la qualification retenue par les parties au contrat au sens et pour l'application d'une autre législation. Ainsi, le fait que le bail en cause a été qualifié de commercial par les parties elles-mêmes demeure sans incidence sur la qualification qu'il convient de lui donner au regard de l'article 261 D du code général des impôts

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Littoral Investissements est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que de l'intérêt de retard dont ces rehaussements ont été assortis. Dès lors, il y a lieu pour la cour de prononcer la décharge sollicitée. Enfin, il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure exposés par la SAS Littoral Investissements.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405752 du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La SARL Littoral Investissements est déchargée, en droits et intérêt de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Littoral Investissements la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Littoral Investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

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N°18DA00315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00315
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-04;18da00315 ?
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