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21/11/2019 | FRANCE | N°19DA00457

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 21 novembre 2019, 19DA00457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer son passeport.



Par un jugement n° 1803404 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer son passeport.

Par un jugement n° 1803404 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2018 du préfet de l'Eure ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 7 décembre 1972, est entré sur le territoire français le 5 octobre 2011, selon ses déclarations. Il a formé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 janvier 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 12 février 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Ayant rencontré des difficultés de santé, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons médicales, qui lui a été délivrée le 6 juin 2015 et dont la durée de validité a été prolongée jusqu'au 5 juin 2017. Par un arrêté du 4 mai 2018, le préfet de l'Eure a refusé d'accorder à M. C... le renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit fait injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer son passeport.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Si M. C... soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter l'ensemble des signatures requises par ces dispositions, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, transmise à la cour par le greffe du tribunal administratif de Rouen et communiquée aux parties, que ce moyen manque en fait.

Sur la décision de refus de séjour :

4. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Eure, dans le respect du secret médical, pour refuser d'accorder à M. C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons de santé. Ces motifs ont, par suite, mis M. C... à même de comprendre les raisons pour lesquelles ce refus lui était opposé et de les contester utilement. Ils constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, la circonstance que ces motifs comporteraient des erreurs concernant les dates des avis médicaux précédemment émis par le médecin de l'agence régionale de santé demeure sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. C..., de même que leurs cinq enfants, demeurent en République démocratique du Congo. Par suite, alors même que l'intéressé n'aurait plus de nouvelles de ceux-ci et qu'il se serait constitué un cercle amical en France, le préfet de l'Eure, en retenant que l'intéressé avait conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, tandis qu'il ne justifiait pas, en France, de liens personnels et familiaux tels qu'un refus de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... a suivi, de février 2016 à mars 2017, un stage de remise à niveau dispensé par une association d'insertion, qui a été prolongé jusqu'au 31 octobre 2017, le préfet de l'Eure, en indiquant que l'intéressé ne justifiait pas d'une insertion significative dans la société française, n'a pas davantage entaché sa décision d'inexactitude matérielle.

6. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5, la double circonstance que le préfet de l'Eure a estimé, au vu des éléments d'information portés à sa connaissance, que M. C... ne justifiait pas d'une intégration significative dans la société française et qu'il avait conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où demeuraient son épouse et ses enfants, ne permet pas d'établir que cette autorité ne se serait pas livrée à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Eure, pour refuser d'accorder à M. C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons médicales, s'est notamment fondé sur un avis émis le 13 mars 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ressort des mentions de cet avis, versé au dossier par le préfet de l'Eure, que le collège de médecins a estimé que, si l'état de santé de M. C... continuait de rendre nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait désormais pas entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

9. M. C... soutient qu'il souffre d'un syndrome dépressif pour la prise en charge duquel il bénéficie en France d'un suivi médical régulier, ce qu'a attesté, le 17 juin 2017, puis le 11 juin 2018 dans les mêmes termes, le psychiatre qui le suit. Il ressort, en outre, des ordonnances médicales versées au dossier que cette pathologie justifie la prescription d'un traitement médicamenteux lourd. Toutefois, ni ces attestations, qui ne se prononcent aucunement sur ce point, ni le certificat médical établi le 17 juin 2017 par un médecin généraliste qui fait seulement état de ce que l'intéressé est également pris médicalement en charge à raison d'une hypertension artérielle, ne suffisent à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Eure, au vu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon laquelle, si l'état de santé de M. C... continue de rendre nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, pour refuser à M. C... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Eure, qui n'avait pas, compte-tenu du motif qu'il a retenu, à apprécier si l'intéressé pourrait effectivement accéder à un traitement approprié en cas de retour en République démocratique du Congo, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne s'est pas davantage mépris dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions.

10. Eu égard à ce qui vient d'être dit en ce qui concerne l'état de santé de M. C... et compte-tenu de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, dont l'essentiel des attaches privées et familiales se situe en République démocratique du Congo, où demeurent son épouse ainsi que leurs cinq enfants, et qui ne justifie pas d'une intégration notable ni de perspectives précises d'insertion professionnelle en France, le préfet de l'Eure, en refusant de renouveler son titre de séjour, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision de refus de séjour prononcée par l'arrêté contesté est suffisamment motivée. Par suite, la décision, contenue dans le même arrêté, faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée tant par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. C... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.

13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, il n'est pas établi que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français serait fondée sur des faits matériellement inexacts.

14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, il n'est pas établi que M. C... aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent prétendre, pour raisons médicales, à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", ni qu'il se serait, en conséquence, trouvé dans une situation faisant légalement obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée à son encontre.

15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, il n'est pas établi que, pour faire obligation à M. C... de quitter le territoire français, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. L'arrêté contesté, qui, sous le visa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de M. C..., rappelle le rejet de sa demande d'asile par une décision définitive et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel celui-ci pourra être reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration manque ne fait.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. C... avant de fixer le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

18. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. M. C... soutient qu'il encourt des risques pour sa sécurité et son intégrité physique en cas de retour en République démocratique du Congo, alors qu'il a quitté ce pays en raison des violences dont il a été victime, de la part d'un groupe armé en rébellion au pouvoir en place ainsi que des autorités de ce pays, qui le considèrent comme un opposant politique. Il ajoute que la situation sécuritaire et politique régnant en République démocratique du Congo est particulièrement instable depuis l'annonce des résultats des élections présidentielles du 30 décembre 2018. Toutefois, par la seule production d'un article publié le 13 janvier 2019 au sujet de la nouvelle organisation du pouvoir en République démocratique du Congo, ainsi que des recommandations adressées le 20 février 2019 par le gouvernement canadien en vue de dissuader les ressortissants du Canada de se rendre dans ce pays, M. C... n'établit pas la réalité des risques actuels auxquels il soutient être personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile que M. C... avait présentée a été rejetée par une décision devenue définitive. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure, en désignant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage établi que, pour prendre cette décision, cette autorité aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant rétention du passeport :

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 15 que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant rétention de son passeport serait dépourvue de base légale doit, en tout état de cause, être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°19DA00457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00457
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-21;19da00457 ?
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