La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2019 | FRANCE | N°19DA01468

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 19 novembre 2019, 19DA01468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1700653 du 29 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 16 janvier 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2019, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter l

a demande de M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des dro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1700653 du 29 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 16 janvier 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2019, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen, né le 5 mai 1994, déclare être entré en France le 21 janvier 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 février 2015. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 29 mai 2019, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 16 janvier 2017 refusant au requérant un titre de séjour.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

3. D'autre part, aux termes du 3 de l'article 10 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Lorsqu'il introduit une demande (de visa), le demandeur : (...) / b) présente un document de voyage conformément à l'article 12 ; / c) présente une photographie (...) conformément aux normes fixées à l'article 13 du présent règlement ; d) permet, s'il y a lieu, le relevé de ses empreintes digitales conformément à l'article 13 (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce règlement : " Le demandeur présente un document de voyage en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article 13 du même règlement : " 1. Les Etats membres recueillent les identifiants biométriques du demandeur, comprenant sa photographie et ses dix empreintes digitales (...). / 2. Tout demandeur qui soumet sa première demande est tenu de se présenter en personne. Les identifiants biométriques ci-après du demandeur sont recueillis à cette occasion : / - une photographie, scannée ou prise au moment de la demande, et / - ses dix empreintes digitales, relevées à plat et numérisées. (...) ". Selon les dispositions de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est autorisée la création (...) d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO (...). Ce traitement a pour finalité de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d'identité (...) ". Aux termes de l'article R. 611-9 de ce code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis. (...) / 2° Les données énumérées à l'annexe 6-3 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas (...) lors de la demande et de la délivrance d'un visa. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Les données à caractère personnel mentionnées au 1° de l'article R. 611-9 peuvent également être collectées (...) : 1° Par les chancelleries consulaires et les consulats des autres Etats membres de l'Union européenne (...) ". Il résulte de ces dispositions que parmi les données énumérées à l'annexe 6-3 au code, figurent celles relatives à l'état civil, notamment le nom, la date et le lieu de naissance et aux documents de voyage du demandeur de visa ainsi que ses identifiants biométriques.

4. Enfin, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause. Cette preuve peut être apportée par tous moyens et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé dénommé Visabio.

5. Il ressort de la base de données Visabio que M. A... C... est entré en France le 21 janvier 2013 muni d'un visa de court séjour sous l'identité de M. H... A... C..., né le 5 mai 1988. Il a par la suite sollicité l'asile puis, à deux reprises, la délivrance d'un titre de séjour sous l'identité de M. A... C..., identité sous laquelle il a également reconnu son enfant née d'une union avec Mme B... D..., ressortissante française. Le 27 avril 2016, il a présenté auprès du préfet de la Somme une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions citées au point 2. Par un arrêté du 16 janvier 2017, le préfet de la Somme a rejeté cette demande.

6. Pour rejeter cette demande de titre de séjour, le préfet de la Somme s'est fondé sur la circonstance que la consultation du fichier Visabio, qui comporte les empreintes digitales, avait permis d'établir que l'intéressé s'était vu délivrer le 29 novembre 2012, par les autorités consulaires française à Conakry, un visa de court-séjour sous l'identité de M. H... A... C..., né le 5 mai 1988 à Conakry. Le préfet fait également état dans ses écritures de ce que, par une ordonnance d'homologation du tribunal de grande instance d'Amiens du 28 juin 2017, M. A... C... a été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour détention d'un passeport falsifié. Le préfet a ainsi considéré que la demande de titre de séjour en date du 27 avril 2016, effectuée par M. A... C..., avait été formulée sous une fausse identité.

7.M. C... soutient qu'au contraire la fausse identité est celle déclarée pour obtenir le visa et non celle donnée au moment de la naissance de sa fille et du dépôt de sa demande de titre de séjour. A l'appui de ces allégations, M. C... produit une carte consulaire d'identité délivrée le 9 mai 2016 et un passeport délivré le 1er juin 2016 par les autorités guinéennes au nom de M. A... C... né le 5 mai 1994.

8. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ainsi, pour considérer que la demande de titre avait été effectuée sous une fausse identité, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de fait, se fonder sur la circonstance que M. C... avait été condamné par le tribunal de grande instance d'Amiens pour avoir détenu frauduleusement un document administratif falsifié, ainsi que, tel qu'il a été dit au point 4, sur les informations contenues dans le fichier Visabio et mentionnées au point 6. Par suite, la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu ce motif pour annuler sa décision du 16 janvier 2017 refusant à M. C... un titre de séjour.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre de l'arrêté attaqué devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés :

10. Lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée. S'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude.

11. L'intéressé déclare être entré en France le 21 janvier 2013 et réside, à la date de la décision attaquée, avec son enfant E... C..., née le 20 avril 2016, ainsi qu'avec la mère de cette dernière, Betty D..., ressortissante française. Il n'est pas contesté qu'il participe effectivement à l'entretien et l'éducation de sa fille. En outre, M. C... produit des certificats de scolarité pour les années 2012 à 2016, un diplôme de certificat d'aptitude professionnelle obtenu en 2015, une attestation du proviseur de son lycée du 2 avril 2015 témoignant de son investissement dans ses études ainsi que le diplôme du baccalauréat obtenu en 2016. Dans les circonstances particulières de l'espèce, M. C... est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts dans lesquels cette mesure a été prise et, par suite, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision du 16 janvier 2017.

Sur les frais liés au litige :

13. En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Me G... F..., sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Somme est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me G... F..., conseil de M. C..., une somme de 800 (huit cents) euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me G... F....

N°19DA01468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01468
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-19;19da01468 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award