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19/11/2019 | FRANCE | N°19DA00799

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 19 novembre 2019, 19DA00799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français et l'arrêté du 10 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1

900411 du 20 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français et l'arrêté du 10 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900411 du 20 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, et un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, Mme C..., représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision et cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante hondurienne née le 23 septembre 1997, est arrivée le 1er février 2019 à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle où elle a fait l'objet, le lendemain, d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français et de maintien en zone d'attente pour une durée de quatre jours. Le juge des libertés et de la détention a autorisé son maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours par ordonnance du 6 février 2019. Les 4 et 9 février 2019, Mme C... a refusé d'embarquer sur un vol à destination de la ville de Mexico d'où elle arrivait. Elle a été placée en garde à vue le 9 février 2019. Par arrêté du 10 février 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Elle relève appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 février 2019 lui refusant l'entrée sur le territoire et de l'arrêté du 10 février 2019 l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de refus d'entrée du 2 février 2019 :

2. Par une demande du 18 février 2019, enregistrée sous le n° 1900538, Mme C... a contesté devant le tribunal administratif de Rouen la décision de refus d'entrée qui lui a été opposée à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. Par une ordonnance du 20 février 2019, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis ces conclusions au tribunal administratif de Montreuil. Par une ordonnance du 1er avril 2019, devenue définitive, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme C.... Par suite, les conclusions présentées par la requérante devant la cour et tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2019 sont devenues sans objet.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d 'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

4. Pour motiver l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis, après avoir visé sans autre précision l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a énoncé que Mme C... a fait l'objet d'un refus d'entrée en France le 2 février 2019 pour détournement de l'objet de son voyage, qu'elle a déclaré vouloir travailler en Espagne sans toutefois disposer du visa lui permettant de solliciter un titre de séjour l'autorisant à travailler dans l'espace Schengen, qu'elle a refusé à deux reprises d'embarquer sur un vol à destination de Mexico et qu'elle manifeste par son comportement sa volonté de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France. Il ajoute que, pendant le temps du maintien en zone d'attente, " elle n'a pas effectué de démarche administrative en vue de régulariser sa situation au regard du droit au séjour " et que " ne bénéficiant pas d'un visa de long séjour au regard de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut ainsi prétendre à la délivrance d'un titre de séjour lui permettant de séjourner en France ". La lecture de ces motifs ne permet pas de savoir sur le fondement de quelle disposition de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à le supposer applicable au demeurant, la mesure d'éloignement a été prise. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et à en demander l'annulation pour ce motif.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence les décisions fixant le pays de destination et interdisant à Mme C... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante et sans qu'il soit nécessaire de saisir le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa requête dirigées contre l'arrêté du 10 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que réclame Mme C... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 2 février 2019.

Article 2 : Le jugement du 20 février 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées contre l'arrêté du 10 février 2019.

Article 3 : L'arrêté du 10 février 2019 est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., au ministre de l'intérieur et à Me B... A....

N°19DA00799 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00799
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Christian Boulanger
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SOUTY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-19;19da00799 ?
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