Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par un arrêt avant dire droit du 6 mai 2019, la cour a ordonné un supplément d'instruction tendant à la production par les parties de tous les éléments relatifs aux poursuites pénales engagées contre M. C... et à la juridiction pénale s'étant déclarée compétente pour statuer sur ces poursuites, ainsi que, le cas échéant, du jugement définitivement rendu par le juge judiciaire.
Par un mémoire, enregistré le 5 août 2019 et un mémoire en production de pièces enregistré le 10 octobre 2019, M. C... conclut aux mêmes fins que sa requête.
Par un mémoire, enregistré le 13 août 2019, le préfet de la Seine-Maritime conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien, déclare être né le 31 décembre 2002 et être entré en France en mars 2018. Il a sollicité la protection des services du département en qualité de mineur étranger isolé en présentant un acte de naissance. Le procureur de la République, informé de sa prise en charge, a diligenté une enquête afin de vérifier son état de minorité. Par un arrêté du 11 avril 2018, la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... soutient que le président de la formation de jugement a publiquement, lors de l'audience du 11 mai 2018, ordonné le renvoi de l'affaire afin que puisse être communiqué le mémoire en défense reçu le 9 mai 2018 au greffe du tribunal administratif. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le greffe du tribunal administratif de Rouen a communiqué à la SCP Mary et E..., par lettre du 5 juin 2018, ce mémoire en défense. Cette communication vaut réouverture de l'instruction. Or, l'affaire n'a pas été radiée du rôle du 11 mai 2018 et le jugement a été lu le 7 juin 2018. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité du jugement, M. C... est fondé à soutenir que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire. Il est, par suite, entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur le moyen commun tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
4. Par un arrêté n° 18-24 du 9 avril 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 76-2018-41 du 9 avril 2018, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D..., sous-préfet, directeur de cabinet, à l'effet de signer notamment les décisions contenues dans l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. La décision obligeant M. C... à quitter le territoire français énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ; ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause. Cette preuve peut être apportée par tous moyens et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé dénommé Visabio. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de prise en charge auprès des services du département, M. C... a présenté un acte de naissance au vu duquel il serait né le 31 décembre 2002. Il ressort du rapport circonstancié de la cellule " fraude documentaire " de la direction interdépartementale de la police aux frontières que la mise en page de l'acte de naissance établi le 15 février 2018, produit par M. C..., n'est pas conforme à un acte authentique. Il ne contient notamment aucune numérotation et des erreurs de mise en page ont été constatées par rapport au contenu d'un document authentique. Il a été également ajouté que l'acte n'avait aucune valeur légale en l'absence de production du jugement du tribunal civil de Kayes du 7 février 2018 à partir duquel l'acte de naissance a été établi. Si le requérant produit en cause d'appel une copie littérale d'acte de naissance et un extrait du jugement supplétif du tribunal de Kayes, ces documents, qui auraient été établis en janvier 2019, ne suffisent pas à confirmer la minorité de M. C.... Il ressort également de l'audition menée par les services de police le 11 avril 2018 que M C... a admis que l'âge indiqué sur l'acte de naissance était inférieur au sien. Il a reconnu qu'il n'avait pas quinze ans. En outre, la consultation de la base de données Visabio à partir du relevé des empreintes digitales a révélé que M. C..., dont la photographie figure sur cette base et qui ne correspond pas à un enfant de onze ans, avait présenté en novembre 2013, au Sénégal, une demande de visa auprès des autorités consulaires italiennes, en faisant état d'une date de naissance au 12 juin 1982. Il s'est vu refuser ce visa au motif tiré du doute existant sur la volonté de quitter le territoire. Ses allégations sur les circonstances dans lesquelles cette demande de visa aurait été déposée, en son nom, par un entraîneur de football, dans le cadre d'un tournoi à venir en Italie sont dépourvues de tout commencement de preuve. Enfin, s'il ressort du le jugement du tribunal correctionnel du 26 juin 2019, qui n'a pas autorité de la chose jugée, devant lequel M. C... était poursuivi pour " usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation ", qu'il s'est déclaré incompétent, il ressort des motifs du jugement que c'est en raison seulement de la date de naissance mentionnée dans la citation à comparaître. Enfin, si le requérant produit désormais le récépissé de la demande de passeport qu'il a faite, ce document, à lui seul, ne permet pas d'établir qu'il est né le 31 décembre 2002. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'ensemble des éléments versés au dossier, M. C... doit être regardé comme majeur à la date de la décision. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
8. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. C... doit être regardé comme majeur. Il ne justifie d'aucune attache en France. Par suite, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / ; ".
10. Pour refuser à M. C... un délai de départ volontaire, la préfète s'est fondée sur l'absence de possession d'un document d'identité et de voyage, l'absence de domicile et de ressources et au surplus sur la circonstance selon laquelle il a tenté d'obtenir un avantage indu auprès d'une collectivité publique en présentant un acte de naissance contrefait le déclarant mineur. Par suite, la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est suffisamment motivée.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait estimée en situation de compétence liée pour refuser d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire. Le requérant a présenté un acte de naissance dont le caractère authentique a été remis en cause. Il ne se prévaut d'aucune résidence effective ou permanente. Il n'invoque aucune circonstance de nature à écarter un risque de fuite de sa part. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime a ainsi pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur le pays de destination :
13. La décision contestée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant le Mali, pays dont M. C... a la nationalité, la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
16. La décision contestée, qui se réfère à l'ensemble des éléments évoqués dans la mesure d'éloignement et en particulier de son entrée irrégulière sur le territoire et de demande de prise en charge en tant que mineur isolé, fait état notamment du délit reconnu et de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, la décision attaquée qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.
18. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est présenté à l'aide sociale à l'enfance en se déclarant mineur. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. C... était majeur à la date de l'arrêté. Ne disposant d'aucune ressource propre, ni d'un logement, il ne justifie d'aucune attache en France et reconnaît que son père vit au Mali. Dans ces conditions, et alors même que le préfet a indiqué à tort que le requérant aurait reconnu les faits qui lui étaient reprochés lors de sa garde à vue pour escroquerie, usage de faux documents administratifs, le préfet a pu légalement prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en appel qu'en première instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B... E....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°18DA01981
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