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14/11/2019 | FRANCE | N°18DA01851

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 novembre 2019, 18DA01851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sos Ambulance a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 novembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie portant retrait temporaire de son agrément de transport sanitaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 102 120 euros en réparation du préjudice causé par le retrait de cet agrément et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice admini

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Par un jugement n° 1600032 du 5 juillet 2018 le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sos Ambulance a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 novembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie portant retrait temporaire de son agrément de transport sanitaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 102 120 euros en réparation du préjudice causé par le retrait de cet agrément et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600032 du 5 juillet 2018 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, ce dernier non communiqué, enregistrés le 7 septembre 2018 et le 25 septembre 2019, la société Sos Ambulance, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 novembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie portant retrait temporaire de son agrément de transport sanitaire ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice causé par le retrait de cet agrément ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sos Ambulance, qui exerce des activités de transport sanitaire de personnes pour lesquelles elle dispose d'un établissement implanté à Amiens, relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie portant retrait temporaire de son agrément de transport sanitaire et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 102 120 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce retrait temporaire.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé (...). " et aux termes de l'article L.6312-4 du même code : " Dans chaque département, la mise en service par les personnes mentionnées à l'article L. 6312-2 de véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres est soumise à l'autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé. Aucune autorisation n'est délivrée si le nombre de véhicules déjà en service égale ou excède un nombre fixé en fonction des besoins sanitaires de la population (...) ", d'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 6312-5 du code de la santé publique : " En cas de manquement aux obligations de la présente section par une personne bénéficiant de l'agrément, celui-ci, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, en préalable à l'avis du sous-comité des transports sanitaires, peut être retiré temporairement ou sans limitation de durée par décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé ". et aux termes de l'article R. 6313-6 de ce code : " Le sous-comité donne un avis préalable au retrait par le directeur général de l'agence régionale de santé de l'agrément nécessaire aux transports sanitaires mentionné à l'article L. 6312-2. Cet avis est donné au vu du rapport du médecin désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé et des observations de l'intéressé. (...) ".

3. En outre, aux termes de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La présente loi s'applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu'aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers (...) " et aux termes de l'article 6 de la même loi : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes :1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ; 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.... ". Aux termes de l'article 32 de la même loi applicable dans les mêmes conditions : " I. La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant... ". Aux termes de l'article 34 de la même loi applicable dans les mêmes conditions ; " Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès... ".

4. Il n'est pas contesté qu'au début de la séance du sous-comité des transports sanitaires, réuni le 22 septembre 2015, il a été proposé à l'ensemble des participants, qu'il soit procédé à l'enregistrement de leurs observations. En l'absence d'opposition, notamment de la part de M. B..., gérant de la société mise en cause, qui représente la profession au sein du sous-comité et s'est retiré avant la discussion concernant les faits reprochés à cette entreprise, les propos tenus lors de la réunion ont été reproduits sur un support dématérialisé. L'agence régionale de santé des Hauts-de-France, venant aux droits de l'agence régionale de santé Picardie, a néanmoins reconnu, auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie par le conseil de la société Sos Ambulance, que les enregistrements qu'elle effectuait n'avaient pas encore donné lieu à déclaration et fait l'objet d'une mise en œuvre des dispositions alors en vigueur de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, visées au point 3. Dans un avis du 7 août 2018, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a aussi adressé à l'agence régionale de santé Picardie un rappel à la loi, soulignant que cet enregistrement constitue un traitement de données à caractère personnel entrant dans le champ d'application défini par ces mêmes dispositions. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le procédé ainsi employé est uniquement destiné à permettre aux membres du sous-comité de vérifier la cohérence et la conformité du procès-verbal de séance aux propos tenus lors de ses réunions, aux fins de validation, et que l'enregistrement sonore de la réunion du 22 septembre 2015 leur a été communiqué. Pour regrettable que soient les conditions d'utilisation de ce procédé, il ne constitue pas en lui-même, dans ces conditions, une atteinte aux droits de la défense ou une atteinte au principe de loyauté. La société Sos Ambulance, qui a pu faire valoir ses observations lors de la réunion, par l'intermédiaire de son conseil, et n'allègue pas non plus qu'elles auraient été contrefaites, déformées ou tronquées, n'a ainsi pas été privée de ce seul fait d'une garantie procédurale. Dans ces conditions, la circonstance que ses observations ont été enregistrées à l'insu de son conseil, à la supposer établie, ne l'a ainsi ni privée d'une garantie, ni n'a exercé une influence sur le sens de la décision. Par suite le moyen doit être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que la société Sos Ambulance exerce des activités de transport sanitaire de personnes, pour lesquelles elle dispose d'un établissement implanté à Amiens, qui a été agréé à cet effet conformément à l'article L. 6312-2 du code de la santé publique. Elle exerce aussi des activités de transport public de personnes et de location d'immeubles à usage de bureaux. Elle a demandé en février 2015 à l'agence régionale de santé Picardie l'autorisation d'implanter un nouvel établissement de transport sanitaire dans la commune de Vauchelles-les-Quesnoy et d'y transférer l'autorisation de mise en service qui lui avait été délivrée à deux de ses ambulances. Après avoir rejeté le 22 avril 2015 les demandes que la société Sos Ambulance lui avait présentées, le directeur général de l'agence régionale de santé Picardie a diligenté un contrôle sur place, le 15 juin 2015, aux fins de vérifier qu'aucune activité de transport sanitaire n'était exercée dans les locaux dont elle disposait à Vauchelles-les-Quesnoy. Le rapport de contrôle du 15 juin 2015, sur la base duquel le sous-comité précité réuni le 22 septembre 2015 a émis son avis, a été établi par un inspecteur principal, coordonnateur de mission, et par une inspectrice des affaires sanitaires et sociales, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils ne seraient pas habilités pour ce faire, assistés par les services de la gendarmerie d'Abbeville, et a donné lieu à constatation d'activité non agréée au titre de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique, non-respect d'agrément, et stationnement de véhicules en violation de l'article L. 6312-4 du même code. La circonstance que le tribunal de grande instance d'Amiens, statuant en matière correctionnelle par jugement du 9 décembre 2016, a relaxé M. B..., gérant de la société Sos Ambulance, des fins de poursuites pénales en l'absence de saisine par procès-verbal de police ou gendarmerie, est par suite sans incidence, alors qu'il ne ressort ni du dispositif de ce jugement, ni des motifs qui en sont le soutien nécessaire, que la matérialité de faits qui fondent la décision en litige n'aurait pas été établie. Par suite, le moyen tiré de ce que le sous-comité en question a émis son avis seulement sur la base d'une constatation d'infraction par la gendarmerie, qui s'avérerait inexistante, doit être écarté comme manquant en fait.

6. Lors du contrôle effectué le 15 juin 2015 à 8 h 05, rue René Dingeon à Vauchelles-les-Quesnoy, à l'adresse de la société Sos Ambulance, les fonctionnaires de l'agence régionale de santé Picardie ont constaté la présence de deux ambulances, portant la raison sociale de cette entreprise et dûment identifiées par leur immatriculation, stationnées devant un garage susceptible de les accueillir, et de quatre personnes revêtues de tenues d'ambulancier. Une note de service ayant trait aux modalités administratives de prise en charge des patients sur le secteur d'Abbeville, au titre du transport sanitaire, était affichée dans les locaux de la société, dotés de mobiliers et d'aménagements sommaires, où était installée une chambre avec deux lits.

7. La société Sos Ambulance n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant de tenir pour établies ses affirmations selon lesquelles les locaux de Vauchelles-les-Quesnoy étaient principalement affectés à l'activité de transport public de personnes qu'elle exerce dans l'ensemble du département, et ne servaient qu'occasionnellement au stationnement, des véhicules de transport sanitaire, sans remisage, et de lieu d'attente pour le personnel assurant le transport sanitaire des patients durant les consultations, notamment au centre hospitalier d'Abbeville. Bien au contraire, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. B..., son gérant, par les services de gendarmerie, le 23 juillet 2015, que le local en cause servait non seulement au nettoyage et à la désinfection des ambulances, mais aussi de local d'attente et de repos pour les chauffeurs de ces véhicules. Le directeur général de l'agence régionale de santé Hauts-de-France n'a pu, par suite, ni commettre une erreur de fait, ni entacher sa décision d'une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article R. 6312-5 du code de la santé publique en retirant l'agrément de la société Sos Ambulance pour une durée de sept jours, aux motifs qu'elle exerçait, sans y avoir été autorisée préalablement, une activité de transport sanitaire de personnes non agréée au titre de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique, qu'elle ne respectait pas l'agrément qui lui avait été délivré et qu'elle faisait stationner des véhicules, en violation de l'article L. 6312-4 du même code, dans ses locaux sur le territoire de la commune de Vauchelles-les-Quesnoy.

8. En l'absence d'illégalité de l'arrêté du 26 novembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie portant retrait temporaire de son agrément de transport sanitaire constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la société Sos Ambulance n'est pas fondée à demander une indemnisation de conséquences dommageables de cette décision, telles qu'un préjudice d'image et un préjudice financier pour la perte de chiffre d'affaires ainsi que la poursuite du paiement de la rémunération de ses salariés et de charges sociales durant une période d'inactivité causées par cet arrêté.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des solidarités et de la santé, que la société Sos Ambulance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société Sos Ambulance est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Sos Ambulance, à la ministre des solidarités et de la santé et à l'agence régionale de santé Hauts-de-France.

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N°18DA01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01851
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Transports sanitaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELURL GILBERT MATHIEU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-14;18da01851 ?
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