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14/11/2019 | FRANCE | N°17DA01784

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 novembre 2019, 17DA01784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le maire du Havre a mis fin à son stage et refusé sa titularisation et d'enjoindre, à cette commune, de prendre à nouveau position sur sa titularisation.

Par un jugement n° 1503354 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au maire du Havre de prendre une nouvelle décision sur la titularisation de Mme G... dans le déla

i de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le maire du Havre a mis fin à son stage et refusé sa titularisation et d'enjoindre, à cette commune, de prendre à nouveau position sur sa titularisation.

Par un jugement n° 1503354 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au maire du Havre de prendre une nouvelle décision sur la titularisation de Mme G... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2017, la commune du Havre, représentée par Me A... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande de Mme G... ;

3°) de mettre à la charge de Mme G... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune du Havre et de Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 juillet 2014 du maire du Havre, Mme D... G... a été nommée professeur d'enseignement artistique de classe normale stagiaire à temps complet à compter du 6 juillet 2014, suite à son succès au concours externe de 2013 de professeur d'enseignement artistique, au conservatoire à rayonnement départemental Arthur Honegger du Havre. Mme G..., qui enseignait la danse classique, occupait auparavant cette fonction en tant qu'agent non titulaire depuis le 6 janvier 2014. La commune du Havre relève appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le maire de cette commune a mis fin à son stage et refusé sa titularisation et, d'autre part, a enjoint à cette autorité de prendre une nouvelle décision sur sa titularisation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la commune du Havre soutient que le premier juge s'est mépris quant à l'étendue de son contrôle sur la décision contestée en procédant au contrôle de la matérialité des faits et qu'il aurait ainsi procédé à un contrôle normal au lieu d'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, ce moyen qui se rattache au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, est donc sans incidence sur celle-ci et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Mme G... a été licenciée en fin de stage. Lorsqu'il est saisi de moyens en ce sens, le juge de l'excès de pouvoir opère sur ce type de décisions un contrôle de l'exactitude matérielle des faits, de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir, ainsi qu'un contrôle restreint de la qualification juridique des faits. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges, qui ont procédé à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, auraient méconnu leur office en contrôlant l'exactitude matérielle des faits sur lesquels se fonde la décision en litige ne peut en tout état de cause, qu'être écarté.

4. Trois griefs fondent l'arrêté contesté refusant de titulariser Mme G... : son incapacité à s'adapter au public d'adolescentes, une prise en charge différenciée des élèves selon leurs aptitudes, des difficultés pour le travail en équipe. S'il est constant, d'une part, que trois élèves, mécontentes des exigences posées par leur enseignante, ont posé des problèmes de discipline à Mme G... et ce, plusieurs mois avant qu'elle ne soit nommée stagiaire, et que les mères de celles-ci ont critiqué Mme G... auprès de la direction du conservatoire du Havre, l'une de ces trois personnes exerçant, au demeurant, des fonctions d'encadrement au sein de ce conservatoire, l'incapacité de Mme G... à s'adapter au public d'adolescentes n'est pas établie par les pièces du dossier, notamment eu égard aux résultats d'entrée en 3ème cycle de danse en juin 2015 et à la quarantaine d'attestations d'élèves ou de leurs parents témoignant de leur satisfaction quant à son enseignement et son écoute. D'autre part, si la commune soutient que de nombreuses élèves n'ont pas renouvelé leur inscription en 2015-2016 en pensant que Mme G... allait continuer à assurer ses enseignements, elle ne produit aucun chiffre au soutien de ses allégations et n'établit pas la réalité d'une prise en charge différenciée des élèves selon leurs aptitudes. S'il est constant qu'une pétition critiquant Mme G... et ses méthodes d'enseignement a été signée par dix de ses élèves, la onzième signataire ne l'ayant pas comme enseignante, alors que l'intimée enseignait à soixante-dix élèves, il ressort des pièces du dossier que cinq des signataires de ce document faisaient partie des treize lauréates admises en 3ème cycle en juin 2015, ce qui est de nature à relativiser sensiblement les critiques ainsi formulées. S'il est enfin constant que des tensions ont existé entre deux enseignants de danse du conservatoire du Havre durant le stage de Mme G..., il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci ne soient imputables qu'à l'intimée et elles sont demeurées sur le strict terrain professionnel. Dès lors, la matérialité des faits reprochés à Mme G... n'est pas établie.

5. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'appréciation portée par l'administration sur la manière de servir de Mme G... a été faussée par des courriers électroniques de l'association des parents des élèves du conservatoire du Havre. Mme G... produit, sans être contredite, un message du 9 juin 2015 de cette association, intitulé " Eléments supplémentaires ", adressé au directeur du conservatoire, destiné à " enrichir votre réflexion ", et relatif à la situation administrative antérieure de Mme G... dans deux autres communes, alors que la sanction disciplinaire dont elle avait fait l'objet avait été annulée par un arrêt du 23 février 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Deux autres messages de cette association, datés du 11 septembre 2015 à 12h31 et 14h23, ont de surcroît informé les parents d'élèves que le directeur du conservatoire avait émis un avis négatif à la titularisation de Mme G... et qu'une fin de contrat lui serait notifiée, le 15 octobre 2015, date de réunion de la prochaine commission administrative paritaire. La précision de telles informations, outre l'absence de matérialité des faits reprochés à l'intimée, précisée au point 4, démontre la réalité d'une collusion entre certains parents d'élèves du conservatoire et l'administration. Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, la réalité d'une erreur manifeste dans l'appréciation du stage de Mme G... est établie. Par suite, les conclusions d'appel de la commune du Havre doivent être rejetées.

Sur les conclusions de Mme G... à fin d'injonction :

6. Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, le juge administratif peut prononcer des injonctions à l'égard de l'administration, éventuellement sous astreinte. La fin de non-recevoir opposée par la commune du Havre, tirée de l'irrecevabilité d'une demande d'injonction doit être écartée.

7. Eu égard au caractère accessoire des conclusions à fin d'injonction, les parties sont recevables à les présenter pour la première fois en appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune du Havre, tirée de l'existence de conclusions nouvelles en appel, doit aussi être écartée.

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

9. L'annulation du refus de titularisation pour erreur manifeste d'appréciation de l'aptitude d'un agent stagiaire implique nécessairement que l'administration le réintègre et, compte tenu du motif d'annulation, titularise le stagiaire. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la commune du Havre de réintégrer Mme G... dans ses effectifs et de la titulariser, dans le délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme G..., que la commune du Havre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 16 octobre 2015 de son maire mettant fin au stage de Mme G... et refusant sa titularisation. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me C..., avocat, de Mme G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune du Havre, le versement à Me C... de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune du Havre est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint à la commune du Havre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réintégrer Mme G... dans ses effectifs et de la titulariser.

Article 3 : La commune du Havre versera à Me C..., conseil de Mme G..., une somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Havre, à Mme D... G... et à Me B... C....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

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N°17DA01784

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01784
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CESSO - DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-14;17da01784 ?
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