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24/10/2019 | FRANCE | N°18DA01972

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 octobre 2019, 18DA01972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le département du Pas-de-Calais à lui payer la somme de 214 646,81 euros à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2015 avec la capitalisation des intérêts, à la suite du retrait de son agrément d'assistante maternelle par décision du 29 mars 2011 du président du conseil général du Pas-de-Calais.

Par un jugement n° 1509537 du 20 juillet 2018 le tribunal administratif de

Lille a condamné le département du Pas-de-Calais à verser à Mme D... la somme de 2 500...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le département du Pas-de-Calais à lui payer la somme de 214 646,81 euros à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2015 avec la capitalisation des intérêts, à la suite du retrait de son agrément d'assistante maternelle par décision du 29 mars 2011 du président du conseil général du Pas-de-Calais.

Par un jugement n° 1509537 du 20 juillet 2018 le tribunal administratif de Lille a condamné le département du Pas-de-Calais à verser à Mme D... la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2015, les intérêts échus à la date du 20 novembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts, a mis à la charge du département du Pas-de-Calais le versement à Mme D... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 septembre 2018 et le 10 juin 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 2 500 euros la somme due par le département du Pas-de-Calais à titre de dommages-intérêts ;

2°) de porter cette somme à la somme totale de 214 646,81 euros que le département du Pas-de-Calais sera condamné à lui verser, à savoir 44 231,79 euros pour perte de salaire, 20 415,02 euros pour manque à gagner et 150 000 euros pour préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance du 13 novembre 2015 ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant le département du Pas-de-Calais.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... D..., assistante maternelle agréée par le département de la Moselle le 30 mai 2002, puis, le 1er septembre 2010 par le département du Pas-de-Calais, pour l'accueil à la journée de trois enfants âgés de zéro à douze ans, et le 6 décembre 2010 pour l'accueil d'un enfant de trois à douze ans en périscolaire, s'est vue retirer cet agrément par décision du 29 mars 2011 du président du conseil général du Pas-de-Calais. Par jugement du 2 avril 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision. Mme D... relève appel du jugement du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à 2 500 euros la somme que le département du Pas-de-Calais a été condamné à lui verser en indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision de retrait de son agrément, les intérêts échus à la date du 20 novembre 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à la condamnation du département du Pas-de-Calais à lui payer la somme de 214 646,81 euros pour les préjudices subis.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par Mme D... à l'appui de ses moyens, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement, qui est suffisamment motivé, à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande en rappelant, notamment, que la réparation du dommage résultant de la perte par un assistant maternel de ses rémunérations à la suite du retrait illégal de son agrément par le président du conseil général doit être évaluée en tenant compte à la fois des revenus dont il a été privé et des revenus de remplacement qu'il a pu percevoir pendant la période au cours de laquelle il ne disposait plus de son agrément, que Mme D... est fondée à solliciter l'indemnisation de sa perte de revenus sur la période du 29 mars 2011, date du retrait illégal de l'agrément, au 31 juillet 2013, date à laquelle le département du Pas-de-Calais lui a délivré un nouvel agrément en exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 2 avril 2013, qu'elle produit un tableau établi par son expert-comptable, non sérieusement contesté par le département, reconstituant les salaires non perçus à partir des salaires perçus les mois précédant la suspension de son agrément et qu'elle a perçu au titre de la même période, à titre de revenus de remplacement, comprenant à la fois les allocations de chômage et les revenus perçus en tant que commerçante ambulante, une somme supérieure à la perte des revenus qu'elle aurait perçus pour la garde d'enfant, Mme D... n'étant pas fondée, dans ces conditions, à se prévaloir d'une perte de revenus résultant du retrait illégal de son agrément d'assistante maternelle. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité du département du Pas-de-Calais :

3. Par jugement du 2 avril 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 29 mars 2011 par laquelle le président du conseil général du Pas-de-Calais a retiré l'agrément d'assistante maternelle de Mme D..., au motif que les éléments portés à la connaissance du département du Pas-de-Calais, relatifs à une suspicion d'agression sexuelle et de défaut de surveillance, n'étaient pas de nature à justifier une telle mesure. Par suite, l'illégalité fautive de cette décision est de nature à engager la responsabilité du département du Pas-de-Calais.

En ce qui concerne les préjudices financiers :

4. Mme D... indique avoir subi un préjudice financier lié à la décision de retrait de son agrément entre le 29 mars 2011 et le 31 juillet 2013, date de réception de son nouvel agrément, à la suite du jugement du tribunal administratif de Lille du 2 avril 2013.

5. Pour apprécier le montant de l'indemnité due au titre de la période du 29 mars 2011 au 31 juillet 2013, correspondant à celle pendant laquelle l'intéressée a été privée de son agrément, il y a lieu de tenir compte, d'une part, des revenus qui auraient été versés à Mme D... au titre des enfants accueillis avant le retrait de l'agrément et, d'autre part, des revenus de remplacement et indemnités diverses perçus par l'intéressée au cours de la même période.

6. Mme D... produit un tableau établi par son expert-comptable, non sérieusement contesté par le département, reconstituant les salaires non perçus à partir des salaires perçus. Elle chiffre à 41 699,51 euros la perte de salaire correspondant à la garde des trois enfants Charles et David J. et Lorik J., à temps plein, et A... W. en périscolaire.

7. Toutefois, si les parents de la petite A... souhaitaient la confier à Mme D..., à compter du 1er février 2011, soit dès leur arrivée prévue à Bapaume après déménagement, l'appelante n'a pas justifié de l'existence d'un contrat dûment signé avec les parents, en se bornant à faire valoir qu'il n'a pu être signé eu égard à la mesure de suspension de ses fonctions dont elle a fait l'objet le 31décembre 2010, puis du retrait d'agrément le 29 mars 2011. Par suite c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que Mme D... ne peut se prévaloir d'une perte de revenu pour la garde de la jeune A... W.

8. Il ressort aussi du tableau précité que la perte de salaire correspondant à la garde des trois enfants Charles et David J. et Lorik J. est de 21 648,53 euros nets. Mme D... a cependant perçu, au titre de la période entre le 31 décembre 2010 et le 31 juillet 2013, ce qui ressort des avis d'imposition qu'elle produit pour ses revenus des années 2011 à 2013, des revenus de remplacement, comprenant à la fois les allocations de chômage et les revenus perçus en tant que commerçante ambulante (régime d'autoentrepreneur), soit 11 129 euros pour l'année 2011, 12 199 euros pour l'année 2012 et 3 984 euros pour l'année 2013, dont il convient de retenir les 7/12 èmes compte tenu de la date d'octroi du nouvel agrément accordé par le département du Pas-de-Calais, le 31 juillet 2013, soit la somme de 2 324 euros, ce qui donne une somme globale de 25 652 euros de revenus perçus par l'intéressée, peu important leur origine. Cette somme est donc supérieure à la somme de 21 648,53 euros résultant de la perte de revenus que l'intéressée aurait perçus pour la garde des trois enfants prénommés ci-dessus, si l'agrément ne lui avait pas été retiré. Sont à cet égard sans incidence, d'une part, l'origine des revenus de remplacement, qui ne seraient pas en lien avec le retrait d'agrément en litige mais concerneraient, en partie, des ruptures de contrat d'accueil d'enfants alors que l'intéressée résidait en Normandie avant la mutation de son mari, militaire de son état, et d'autre part, la circonstance qu'elle n'aurait perçu aucune indemnité de Pôle Emploi au titre de l'année 2013. Dans ces conditions, même si le tribunal n'a pas correctement expliqué son mode de calcul des différentes sommes qu'il a retenues, au demeurant erronées, Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir d'une perte de revenus résultant du retrait illégal de son agrément d'assistante maternelle.

9. Mme D... soutient de surcroît que l'intervention de la décision retirant son agrément en qualité d'assistante maternelle l'a privée d'une chance sérieuse de se voir confier à nouveau des enfants à plein temps. Toutefois, elle n'apporte pas d'éléments probants selon lesquels on ne lui confierait plus d'enfants à temps plein, depuis qu'elle a retrouvé son agrément, à cause de rumeurs la concernant. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice de perte de chance allégué n'était pas établi et ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice moral :

10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D..., du fait de l'illégalité du retrait de son agrément en qualité d'assistante maternelle, en condamnant le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 2 500 euros. Il n'y a pas lieu de porter cette indemnité à la somme de 150 000 euros qu'elle demande sans aucun élément de justification d'un tel préjudice.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a limité à 2 500 euros la somme que le département du Pas de Calais a été condamné à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2015, les intérêts échus à la date du 20 novembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, du paiement par l'autre partie, des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme D... doivent, dès lors, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre des frais exposés par le département du Pas-de-Calais et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département Pas-de-Calais tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au département du Pas-de-Calais

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N°18DA01972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01972
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-02-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance. Placement des mineurs.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CABINET BODEREAU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-24;18da01972 ?
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