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24/10/2019 | FRANCE | N°18DA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 octobre 2019, 18DA01792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) à le licencier pour cessation d'activité.

Par un jugement n° 1603689 du 26 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 août 20

18 et le 3 juillet 2019, la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR), représentée par Me C... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) à le licencier pour cessation d'activité.

Par un jugement n° 1603689 du 26 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 août 2018 et le 3 juillet 2019, la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR), représentée par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... D..., représentant la société Caterpillar Matériels Routiers.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été embauché le 26 décembre 2005 en tant que salarié par la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR), filiale du groupe américain Caterpillar. Cette société installée à Rantigny (Oise) employait 244 personnes et construisait des machines à compacter l'asphalte. Ce salarié occupait un emploi d'agent technique logistique 2 et exerçait le mandat de délégué du personnel suppléant. La société CMR a mis fin de manière totale et définitive à son activité le 17 juin 2016. La société CMR relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers à licencier M. B... pour cessation d'activité.

Sur l'appel de la société CMR :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Par un jugement du 18 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Beauvais a jugé que la société CMR n'avait pas respecté l'obligation de reclassement qui lui incombait en ce qui concerne les salariés non protégés et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêt à ces derniers pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société CMR ne peut sérieusement soutenir que le tribunal administratif d'Amiens se serait limité à reprendre les motifs retenus par le conseil de prud'hommes, dès lors que par un jugement suffisamment motivé au regard des circonstances de fait qui lui étaient soumises, le tribunal administratif a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise avait autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers à licencier M. B....

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1234-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

5. M. B..., titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, exerçait à Rantigny les fonctions d'agent technique logistique 2, au coefficient 215. Il ressort des pièces du dossier qu'une proposition de reclassement interne au groupe Caterpillar lui a été faite, consistant en un poste d'opérateur traitement chimique sous contrat à durée indéterminée au coefficient 170, à Chaumont. Toutefois, cette proposition ne peut être considérée comme portant sur un poste de même catégorie ou un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, dès lors qu'il s'agit d'un poste impliquant une nette diminution de coefficient. Si la société CMR soutient que le reclassement sur un poste d'une catégorie inférieure était possible, cette situation n'est toutefois envisageable qu'en cas d'absence d'emploi de même catégorie ou équivalent, situation qui n'est pas établie dans la présente instance. La production d'un courrier électronique du 25 août 2016 de la responsable des ressources humaines de la société CMR demandant à quatre interlocuteurs, dont les fonctions ne sont au demeurant pas connues, de lui communiquer " toute offre interne, y compris les missions d'intérim-CDD notamment en production " et les courriers électroniques du 25 avril 2016 et 22 juin 2016 récapitulant les offres de reclassement interne effectuées ainsi qu'une liste " d'offres à proposer cette semaine " n'établit ni la réalité d'une recherche systématique des postes vacants au sein des sociétés du groupe Caterpillar dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettraient, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel, ni la réalité d'offres précises et individualisées de reclassement interne. Il ressort, également des pièces du dossier que les propositions de reclassement externe faites à M. B... ne consistaient qu'en la transmission d'offres d'emplois, au demeurant souvent en intérim ou imprécises quant au salaire proposé, sur lesquelles le salarié était simplement invité à postuler. Par suite, la société CMR ne peut être regardée comme ayant rempli son obligation légale de reclassement. Ses conclusions d'appel doivent, dès lors, être rejetées.

Sur l'appel incident de M. B... :

6. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à la charge de l'Etat et de la société CMR le paiement à M. B... de la somme de 250 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par M. B.... Par suite, les conclusions de M. B... tendant à la réformation de l'article 2 du jugement attaqué doivent être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société CMR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société CMR à licencier M. B... et que, d'autre part, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a limité à la somme de 250 euros chacun le montant des frais respectivement mis à la charge de l'Etat et de la société CMR à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions de la société CMR tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CMR le versement d'une somme de 500 euros à M. B... au titre des dispositions précitées du code de justice administrative et de rejeter sa demande au titre des mêmes dispositions à l'encontre de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. B... et sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat en cause d'appel sont rejetées.

Article 3 : La société CMR versera une somme de 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) et à M. A... B....

Copie en sera adressée, pour information, à la ministre du travail.

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N°18DA01792

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01792
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : FIELDFISHER FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-24;18da01792 ?
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