Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 mai 2015 par lequel le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure a décidé que son accident déclaré depuis le 11 février 2015 n'était pas imputable au service.
Par un jugement n° 1600354 du 10 avril 2018 le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 22 mai 2015 du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2018 et le 1er octobre 2019, ce dernier non communiqué, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure, représenté par la SELARL A...-Sarfati, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de Mme C... D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure et de Me B..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., attachée principale au sein du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure, et exerçant les fonctions de directrice du pôle " emploi-compétence ", a déclaré avoir été victime, le 11 février 2015, d'un accident de service et que cet accident est imputable au service. Elle a demandé l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2015 par lequel le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 10 avril 2018, a annulé l'arrêté du 22 mai 2015. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure relève régulièrement appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable au jour de la décision attaquée, dispose : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.
4. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure soutient que depuis de nombreux mois, Mme D... était confrontée à des difficultés dans son travail dont il lui avait été fait part. Ainsi, il n'y a eu aucune annonce brutale sans remarque préalable lors de l'entretien du 11 février 2015 avec le président du centre de gestion et la directrice générale des services. Il précise que les résultats des entretiens menés avec l'ensemble des agents placés sous son autorité dans les semaines précédentes, ont été évoqués lors de cet entretien, ainsi que la souffrance au travail des agents placés sous son autorité, imputée au comportement de Mme D.... Il lui a alors été fait part de ce qu'il lui était proposé soit d'envisager une mutation à l'extérieur de l'établissement public, soit d'être mutée sur un nouveau poste, rattaché directement à la directrice générale des services et dépourvu de fonctions d'encadrement.
5. Mme D..., qui n'a pas eu de réaction vive au cours de l'entretien, soutient avoir alors été " abattue ". Elle a quitté les locaux du centre de gestion peu de temps après la fin de l'entretien, à 14 heures, après en avoir informé sa hiérarchie. Elle a été placée en arrêt de maladie, dès le lendemain, pour " trouble de l'adaptation " et " burn out ", sans être revenue au centre de gestion. Il ressort en outre du certificat médical établi par son médecin traitant le 1er avril 2015 que l'intéressée était alors placée en arrêt de maladie pour " syndrome anxio-dépressif réactionnel ". Elle fait valoir qu'après avoir appris l'éviction de ses fonctions de directrice de pôle, elle s'est trouvée en " état de choc " et qu'elle présentait un sentiment de tristesse et de dévalorisation personnelle et professionnelle. La dépression dont elle souffre est ainsi, selon elle, imputable au service et résulterait des conditions dans lesquelles s'est déroulé l'entretien du 11 février 2015.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme D... était alors parfaitement au courant des difficultés rencontrées par son service et de la circonstance que les agents placés sous son autorité avaient auparavant été reçus pour des entretiens individuels, à leur demande, en raison d'une souffrance au travail dont certains la rendaient responsable. Si ce n'est qu'à l'occasion de cet entretien que Mme D... a été informée de ce que ses fonctions de directrice de pôle allaient lui être retirées, pour des raisons tenant à ses qualités professionnelles et nonobstant l'absence de manifestation antérieure d'un état dépressif de l'interessée, il ne peut être établi un lien de causalité direct et certain entre son état de santé et l'entretien en litige dont il n'est pas démontré qu'il se soit déroulé dans des conditions anormales et qui constitue un évènement prévisible et normal de la carrière professionnelle d'un agent public. L'administration a pu, en conséquence, légalement et sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme D... et, par suite, refuser de prendre en charge les arrêts de travail en cause de Mme D... au titre de la maladie professionnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le contenu de l'entretien du 11 février 2015 et la concomitance entre la tenue de cet entretien et l'apparition des symptômes dépressifs présentés par Mme D..., pour regarder cet entretien comme constitutif d'un accident de service et annuler l'arrêté du 22 mai 2015 par lequel le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure a décidé que l'accident déclaré depuis le 11 février 2015 n'était pas imputable au service.
8. Toutefois il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif.
9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) " et de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il ressort des pièces du dossier que, si l'arrêté du 22 mai 2015 mentionne les éléments de droit relatifs à la saisine de la commission de réforme départementale, rappelle qu'il y a eu quatre votes pour un avis défavorable de la commission précitée réunie le 21 mai 2015, contre un vote pour un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'évènement survenu le 11 février 2015, il se borne, toutefois, à indiquer que la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle n'a pas été reconnue par cette commission, sans joindre cet avis ni le reproduire. Cet avis est, au demeurant, dépourvu de motivation. L'arrêté en litige ne comporte ainsi aucun motif de fait de nature à permettre à l'intéressée de comprendre les raisons pour lesquelles la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est atteinte lui est refusée. L'arrêté en litige en date du 22 mai 2015 est, dès lors, insuffisamment motivé.
10. Le détournement de pouvoir allégué n'est, en revanche, pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 22 mai 2015 du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les conclusions présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure sur le fondement de ces dispositions doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure une somme au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Eure et à Mme C... D...
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure
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N°18DA01165