Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par une première demande enregistrée sous le n° 1602365, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Liancourt a refusé de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
Mme D... a également demandé au tribunal administratif d'Amiens, par une seconde demande enregistrée sous le n° 1602736, d'annuler la décision du 5 août 2016 du maire de la commune de Liancourt de ne pas renouveler son engagement en qualité de professeur de musique à compter de la rentrée de septembre 2016.
Par un jugement n°s 1602365, 1602736 du 2 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 avril 2018 et 30 août 2019, Mme F... D..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 24 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Liancourt a refusé de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ;
3°) d'annuler la décision du 5 août 2016 du maire de la commune de Liancourt de ne pas renouveler son engagement en qualité de professeur de musique ;
4°) d'enjoindre à la commune de Liancourt de lui proposer un contrat à durée indéterminée ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Liancourt la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n°91-857 du 2 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me A... E..., représentant la commune de Liancourt.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée, à compter de septembre 1997, par la commune de Liancourt pour assurer, pendant la période scolaire, des fonctions de professeur de musique au sein de l'école municipale de musique. Elle a poursuivi ses fonctions, chaque année scolaire, jusqu'en juillet 2016. Le 23 mars 2016, elle a demandé au maire de la commune de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. Par un courrier du 24 mai 2016, le maire de la commune de Liancourt lui a répondu en indiquant être disposé à l'intégrer dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique dès l'obtention de son concours. Il doit, ce faisant, être regardé comme ayant rejeté sa demande tendant à l'obtention d'un contrat à durée indéterminée. Par une seconde décision du 5 août 2016, le maire a décidé de ne pas renouveler l'engagement de D... en qualité de professeur de musique à compter de la rentrée de septembre 2016. Mme D... relève appel du jugement du 2 mars 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions du 24 mai 2016 et 5 août 2016 du maire de la commune de Liancourt.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Liancourt :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 5 avril 2014, Mme D... a demandé à être titularisée, autrement dit à intégrer la fonction publique territoriale, en se prévalant des modes de recrutement particuliers prévus par les dispositions des articles 13 à 16 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Dans son courrier du 23 mars 2016, elle a, cette fois, demandé à pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article 21 de la même loi. Dès lors, contrairement à ce que soutient la commune de Liancourt, la décision du 24 mai 2016 en litige, eu égard à son objet, ne saurait être regardée comme purement confirmative de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune sur sa demande de titularisation présentée le 5 avril 2014. En outre, les circonstances de droit ont également évolué entre ces deux décisions, la loi du 12 mars 2012 ayant été modifiée par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Par suite, la fin de non-recevoir, tirée de l'irrecevabilité des conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 24 mai 2016, doit être écartée.
Sur la légalité de la décision du 24 mai 2016 :
3. Aux termes des dispositions de l'article 21 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. Toutefois, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans à cette même date, la durée requise est réduite à trois années au moins de services publics effectifs accomplis au cours des quatre années précédant la même date de publication. Les cinquième, avant-dernier et dernier alinéas du I de l'article 15 de la présente loi sont applicables pour l'appréciation de l'ancienneté prévue aux deuxième et troisième alinéas du présent article ". Aux termes des cinquième, avant-dernier et dernier alinéas du I de l'article 15 de cette même loi : " (...). Toutefois, n'entrent pas dans le calcul de la durée mentionnée aux alinéas précédents les services accomplis dans les fonctions de collaborateurs de groupes d'élus définies aux articles L. 2121-28, L. 3121-24, L. 4132-23 et L. 5215-18 du code général des collectivités territoriales, non plus que dans les emplois régis par les articles 47 et 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée. Les périodes d'activité accomplies par un agent en application du deuxième alinéa de l'article 25 de la même loi ne sont prises en compte que si elles l'ont été auprès de la collectivité ou de l'établissement l'ayant ensuite recruté par contrat. / (...) Les agents dont le contrat a été transféré ou renouvelé du fait d'un transfert de compétences relatif à un service public administratif entre une personne morale de droit public et une collectivité ou un établissement public mentionné à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conservent le bénéfice de l'ancienneté acquise au titre de leur précédent contrat. / Le bénéfice de cette ancienneté est également conservé aux agents qui, bien que rémunérés successivement par des personnes morales distinctes parmi celles mentionnées à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, continuent de pourvoir le poste de travail pour lequel ils ont été recrutés. ".
4. Il résulte également des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, que les collectivités territoriales ne peuvent recruter par contrat à durée déterminée, des agents non titulaires que, d'une part, au titre des premier et deuxième alinéas de cet article, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas et, d'autre part, s'agissant des dérogations, énoncées aux quatrième, cinquième et sixième alinéas du même article, au principe selon lequel les emplois permanents sont occupés par des fonctionnaires, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient et, dans les communes de moins de mille habitants, lorsque la durée de travail de certains emplois n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a assuré, à compter de septembre 1997, des cours de chants selon un volume horaire variable chaque année. Elle a bénéficié ainsi de contrats au titre de chaque année scolaire jusqu'en 2016, qui se sont succédés de manière discontinue, toujours sur une période allant approximativement de septembre à fin juin ou début juillet. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de son engagement et du fait qu'elle occupait un emploi répondant à un besoin permanent, et alors même que Mme D... était rémunérée à la vacation, elle ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de vacataire engagée pour accomplir ponctuellement une tâche déterminée mais devait être considérée comme un agent non titulaire de la fonction publique territoriale recruté sur un emploi permanent. En raison de la nature même des fonctions exercées, comparable aux emplois susceptibles d'être occupés par des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, dans la spécialité " musique ", en application du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, Mme D... doit être regardée comme ayant occupé un emploi permanent du niveau de la catégorie A, en application du cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, justifié pour des raisons tenant à la nature des fonctions ou aux besoins des services. Par suite, Mme D... doit être regardée comme employée par la commune de Liancourt conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... était en fonction le 13 mars 2012, date de publication de la loi du 12 mars 2012. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, elle doit être regardée comme employée par la commune de Liancourt conformément à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012. S'agissant de la durée de services publics effectifs et alors qu'aucune condition relative à la quotité de travail n'est exigée par les dispositions de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 et que le législateur n'a pas entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 12 mars 2012, subordonner l'appréciation de la durée de service effectif, au sens de l'article 21, à la quotité de travail ou à une conversion en temps plein, Mme D... justifie avoir été en fonctions du 13 mars 2004 au 30 juin 2004, du 1er septembre 2004 au 2 juillet 2005, du 1er septembre 2005 au 5 juillet 2006, du 1er septembre 2006 au 30 juin 2007, du 6 septembre 2007 au 4 juillet 2008, de septembre 2008 à juin 2009, du 3 septembre 2009 au 2 juillet 2010, de septembre 2010 à juin 2011, du 1er septembre 2011 au 13 mars 2012. Mme D..., qui n'était pas âgée d'au moins cinquante ans à la date du 13 mars 2012, justifie ainsi de plus de six ans et huit mois de services publics effectifs entre le 13 mars 2004 et le 13 mars 2012, au cours de la période de huit années précédant la publication de la loi du 12 mars 2012. La circonstance que le taux horaire dont elle bénéficiait incluait l'indemnité de congés payés, ne fait pas non plus obstacle à la prise en compte de la période totale des vacances scolaires incluse entre septembre et juin. Par suite, Mme D... qui remplit l'ensemble des conditions requises prévues par l'article 21 de la loi du 12 mars 2012, est fondée à soutenir que la commune était tenue de lui proposer un contrat à durée indéterminée et que la décision du 24 mai 2016 doit être annulée.
Sur la légalité de la décision du 5 août 2016 :
7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la commune de Liancourt était tenue de proposer à Mme D... un contrat à durée indéterminée. Dès lors, la décision du 5 août 2016 par laquelle la commune de Liancourt a décidé de ne pas renouveler son contrat, à partir de la rentrée de septembre 2016, doit nécessairement s'analyser comme un licenciement. Aucune procédure de licenciement n'ayant été menée, cette décision est, par conséquent, illégale et doit, par suite, être annulée. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 mai 2016 et 5 mai 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. Eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Liancourt de proposer à Mme D... un contrat à durée indéterminée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Liancourt demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Liancourt une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 mars 2018 et les décisions du 24 mai 2016 et du 5 août 2016 sont annulés.
Article 2 : Il y a lieu d'enjoindre à la commune de Liancourt de proposer à Mme D... un contrat à durée indéterminée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Liancourt versera à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Liancourt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et à la commune de Liancourt.
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N°18DA00876
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