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17/10/2019 | FRANCE | N°17DA01575

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 17DA01575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Import-Export Fonderie de Wimille (IEFW) a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402396 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 3 août 2017, la SARL IEFW, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Import-Export Fonderie de Wimille (IEFW) a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402396 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2017, la SARL IEFW, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) d'ordonner la mainlevée et la suppression de toutes inscriptions et sûretés pratiquées par l'administration fiscale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Import-Export Fonderies de Wimille (IEFW), dont le gérant est M. B..., exerce une activité d'import-export de pièces de fonderie en fonte. En 1999, a été créée la société Entrepôts de Wimille (EDW), sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) dont la SARL IEFW détient le capital et ayant le même gérant, pour exercer l'activité d'entrepositaire agréé sous douane dans le cadre de législation sur le commerce intracommunautaire de boissons alcooliques soumises à droits d'accise. La SARL IEFW a fait l'objet en 2011 de deux vérifications de comptabilité qui ont porté, respectivement, sur les périodes du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et du 1er janvier au 31 décembre 2010. A l'issue des opérations de contrôle, 1'administration fiscale a remis en cause la déduction, pour la détermination du résultat imposable de cette société, d'abandons de créances consenties au profit de sa filiale à hauteur de 700 000 euros en 2008, de 952 360 euros en 2009 et de 259 637 euros en 2010. La SARL IEFW fait appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 en conséquence de ces rectifications.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a répondu aux moyens, contenus dans les mémoires produits par la SARL IEFW, soulevés par cette société à l'encontre des impositions en litige. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens relatifs au bien-fondé des impositions et des pénalités en litige et a notamment relevé que la société n'établissait pas la réalité des créances qu'elle indiquait avoir abandonnées à sa filiale. Par suite, et alors même que le tribunal n'a pas explicité les conditions de dévolution de la charge de la preuve, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait de ce fait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

4. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. Pour l'application de ces principes, lorsqu'une société inscrit en comptabilité une écriture de charge correspondant selon elle à un abandon de créance consentie à l'une de ses filiales, elle ne peut procéder à la déduction de la somme correspondante pour la détermination de son résultat imposable qu'à la condition de justifier de la correction de son inscription en comptabilité, par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature des charges en cause. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, avant le cas échéant d'établir que, l'entreprise ayant décidé de s'appauvrir à des fins étrangères à son propre intérêt, cette déduction résulte d'un acte anormal de gestion.

En ce qui concerne la déductibilité des sommes en cause :

6. Il résulte de l'instruction que la SARL IEFW a, le 31 décembre des années 2008, 2009 et 2010, jour de clôture de ses exercices comptables, porté au crédit du compte 451, intitulé " groupe ", les sommes de 700 000 euros, 952 360 euros et 259 637 euros et a, concomitamment, débité les mêmes sommes du compte 671820, intitulé " charges exceptionnelles de gestion ". ¨Pour justifier de l'exactitude de ces écritures, la société requérante fait valoir que celles-ci retranscrivent des abandons de créances, décidées à la clôture de chaque exercice par son assemblée générale ordinaire au profit de la SARL EDW, qui est son unique filiale, et que les sommes en cause étaient destinées à permettre à celle-ci de s'acquitter auprès de l'administration des douanes du paiement d'une somme de près de 3 000 000 euros au versement de laquelle elle a été condamnée par un arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 30 juin 2009. Selon la SARL IEFW, les créances ainsi abandonnées au profit de sa filiale résultaient d'avances de trésorerie qu'elle avait accordées à cette dernière dans le cadre du " pool de trésorerie " prévu par la convention de groupe et inscrites en comptabilité au débit du compte 451.

7. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au titre de l'exercice clos par la SARL IEFW en 2008, les sommes inscrites au débit du compte 451, où selon le plan comptable général sont enregistrées les sommes avancées temporairement par la société aux autres membres du groupe, consistaient principalement en des virements effectués par elle au profit de sa filiale et des versements à des tiers, pour un montant total de 66 453,16 euros, alors qu'outre un report à nouveau créditeur de 136 539,56 euros, les sommes inscrites au crédit de ce compte, représentant les avances à court terme de la filiale à la société mère, s'élevaient au total à 705 662 euros, non comprise la somme litigieuse de 700 000 euros. Au titre de l'exercice clos par la SARL IEFW en 2009, le compte 451 enregistrait des débits, correspondant à des opérations de même nature, d'un montant total de 73 206,31 euros et, outre un report à nouveau créditeur de 1 405 662,87 euros, des crédits d'un montant total de 650 233,33 euros, non comprise la somme litigieuse de 952 360,45 euros. Enfin, au titre de l'exercice clos en 2010, si les débits inscrits au compte 451 s'élevaient à 310 189,89 euros, incluant les versements d'un montant total de 215 000 euros faits par la SARL IEFW à l'huissier de justice chargé du recouvrement des sommes dues à l'administration des douanes, alors que le total des crédits, à l'exclusion de la somme litigieuse de 259 636,89 euros, ne s'élevait qu'à 31 180,11 euros, ce compte, qui enregistrait un report à nouveau créditeur de 2 935 050,67 euros, présentait à la clôture de l'exercice un solde créditeur de 234 322 euros. Selon le service, la SARL IEFW aurait dû comptabiliser, non des abandons de créance de trésorerie donnant lieu à la comptabilisation d'une charge exceptionnelle, mais le remboursement de créances de trésorerie détenues par celle-ci.

8. D'une part, eu égard aux montant des reports du compte 451 constatés au début des exercices clos en 2008 et 2009 et des crédits enregistrés au cours de chacun de ces exercices, la SARL IEFW n'établit pas qu'elle disposait sur sa filiale de créances d'un montant au minimum égal à celui des sommes de 700 000 et 952 360,47 euros comptabilisées au crédit de ce compte en tant qu'abandon de créances.

9. D'autre part, en se bornant à invoquer le principe comptable de non compensation des écritures de crédit et de débit sans préciser quelles avances de trésorerie antérieurement consenties à sa filiale correspondraient aux créances abandonnées au profit de cette dernière, la SARL IEFW ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en application des principes énoncés au point 4 et précisés au point 5, de la nature des opérations litigieuses, y compris, compte tenu de la créance de trésorerie persistante de sa filiale en début et en fin de l'exercice clos en 2010, de celle de 259 636,89 euros figurant pour cet exercice au débit du compte 451.

10. Il s'ensuit, alors même qu'il est constant que l'assemblée générale de la SARL IEFW avait décidé à la fin de chaque exercice de procéder aux abandons de créance litigieux, que l'administration fiscale était fondée à estimer que la matérialité de ces abandons de créance n'était pas établie et, pour ce seul motif, à en réintégrer les montants dans les résultats imposables de la SARL IEFW.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de 1'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la SARL IEFW a déduit de ses résultats imposables, de manière répétée durant trois années consécutives, des sommes, au demeurant importantes, présentées comme les abandons de créances résultant d'avances de trésorerie consenties à la société EDW, alors même qu'il résulte des écritures passées au compte 451 durant les trois exercices correspondant qu'en matière de trésorerie, elle se trouvait en situation débitrice vis-à-vis de sa filiale. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant la volonté délibérée, de la société requérante, d'éluder l'impôt. En conséquence, c'est à bon droit que le service a appliqué aux impositions supplémentaires assignées à la SARL IEFW la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL IEFW n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par voie de conséquence, les conclusions de la SARL IEFW tendant à la mainlevée et à la suppression de toutes inscriptions et sûretés pratiquées par l'administration fiscale doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés par la SARL IEFW et non compris dans les dépens soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL IEFW est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL IEFW au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

2

No17DA01575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01575
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Divers.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges financières.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET ERIC GARDIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-17;17da01575 ?
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