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17/10/2019 | FRANCE | N°17DA01137

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 17DA01137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Gouvieux a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 014 614 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'omissions et d'erreurs commises par l'administration dans l'établissement des bases d'imposition à la taxe professionnelle sur son territoire au titre des années 2005 à 2009.

Par un jugement n° 1001057 du 18 octobre 2012, le tribunal admin

istratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12DA01907 du 28 mai 2014, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Gouvieux a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 014 614 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'omissions et d'erreurs commises par l'administration dans l'établissement des bases d'imposition à la taxe professionnelle sur son territoire au titre des années 2005 à 2009.

Par un jugement n° 1001057 du 18 octobre 2012, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12DA01907 du 28 mai 2014, la cour administrative d'appel de Douai a, par un article 1er, annulé ce jugement, par un article 2, condamné l'Etat à verser à la commune de Gouvieux la somme de 488 323 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, avec capitalisation de ces intérêts, par un article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa requête et, par un article 4, mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 383048 du 7 juin 2017, le Conseil d'Etat, saisi par le ministre des finances et des comptes publics, a annulé les articles 1, 2 et 4 de cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, initialement enregistrée le 24 décembre 2012, et des mémoires enregistrés le 30 septembre 2013 et, après renvoi, les 19 septembre 2017 et 20 décembre 2017, la commune de Gouvieux, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2012 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 488 323 euros, avec intérêts de droit à compter du 18 décembre 2009 et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de 2005 à 2009 du fait de l'absence d'émission de rôles supplémentaires et de rectification des bases d'imposition à la taxe professionnelle des associations " Centre médico-chirurgical des jockeys " et " Le pavillon de la chaussée " ainsi que de la fondation " Alphonse de Rothschild ", de l'association " International club du Lys ", de l'association " Le club du Lys Chantilly ", et de la société " Cap Gemini Université " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus a été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Gouvieux.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Gouvieux a demandé à l'administration fiscale, au titre des années 2006 à 2009, de soumettre à la taxe professionnelle des établissements auxquels aucune cotisation n'était réclamée et de rectifier les valeurs locatives déclarées par d'autres redevables. L'administration a accueilli certaines de ces demandes et a émis des rôles supplémentaires à la taxe professionnelle. Toutefois, la commune de Gouvieux, estimant que certains manquements subsistaient, a demandé à l'administration à être indemnisée du préjudice d'un montant de 1 014 614 euros, correspondant au montant des recettes fiscales dont elle soutenait avoir été privée au titre des années 2005 à 2009. La commune de Gouvieux a relevé appel du jugement du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi. Par un arrêt n° 12DA01907 du 28 mai 2014, la cour administrative d'appel de Douai a partiellement fait droit à la requête de la commune de Gouvieux et condamné l'Etat à lui verser la somme de 488 323 euros , avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts. Par une décision n° 3830481 du 7 juin 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il portait condamnation de l'Etat et renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de la cassation prononcée. Dans le dernier état de ses écritures, la commune de Gouvieux, prenant acte de la portée de cette annulation et du renvoi à la cour administrative d'appel d'une fraction du litige initial, demande à la cour administrative d'appel de Douai de condamner l'Etat à lui verser la somme de 488 323 euros en réparation du préjudice résultant selon elle de l'absence d'assujettissement à la taxe professionnelle des associations " Centre médico-chirurgical des jockeys ", " Le pavillon de la chaussée ", l'" International club du Lys ", " Le club du Lys Chantilly " et de la fondation " Alphonse de Rothschild ", ainsi que de l'imposition insuffisante à cette taxe de la société " Cap Gemini Université ".

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Une requête d'appel qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte des écritures de première instance et énonce de nouveau de manière précise, au soutien des conclusions soumises au juge d'appel, le fondement des demandes présentées au tribunal administratif répond aux exigences de motivation posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. En l'espèce, la requête d'appel présentée par la commune de Gouvieux comporte une critique des motifs du jugement dont elle conteste le bien-fondé, et n'est donc pas la reproduction littérale des écritures de première instance, ainsi que la reprise de l'exposé détaillé des moyens tendant à établir la faute commise par l'administration fiscale dans l'établissement des bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2005 à 2009. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par le ministre de l'action et des comptes publics de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. S'il appartient, en principe, à la victime d'un dommage d'établir la réalité du préjudice qu'elle invoque, le juge ne saurait toutefois lui demander des éléments de preuve qu'elle ne peut apporter.

4. En premier lieu, aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. ". Pour l'application de ces dispositions, les associations sont exonérées de la taxe professionnelle dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de la taxe professionnelle lui reste acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales.

5. D'une part, pour établir le caractère fautif de l'absence d'assujettissement à la taxe professionnelle au titre des années 2005 à 2009 de l'association régie par la loi du 1er juillet 1901 " Centre médico-chirurgical des jockeys ", de la fondation " Alphonse de Rothschild ", qui participent au service public hospitalier, et de l'association " Le pavillon de la chaussée ", qui gère une maison de convalescence et de repos, la commune de Gouvieux se prévaut du caractère concurrentiel de leurs activités, compte tenu de la présence dans le même secteur géographique de plusieurs établissements privés offrant, selon elle, des services comparables. Toutefois, le ministre fait valoir que la commune ne soumet, à l'appui des demandes d'assujettissement de ces personnes morales à la taxe professionnelle, aucun élément précis relatif au caractère concurrentiel de leurs activités, aux modalités d'exercice de leur activité ou au caractère intéressé de leur gestion, et que l'administration ne dispose, pour sa part, d'aucun élément de nature à remettre en cause le caractère désintéressé de leur gestion qui procède de leurs statuts respectifs, leur caractère non lucratif qui procède de la nature de leurs activités, ni même à laisser supposer un exercice de leur activité dans des conditions comparables de celles des entreprises commerciales. En outre, le ministre fait valoir, sans être contredit, que l'administration a conclu en 2009, aux termes de ses investigations, que la participation de l'association " Centre médico-chirurgical des jockeys ", avec un établissement privé, à la création d'un groupement de coopération dans le domaine médical était destinée à pallier l'insuffisance de l'offre de soins sur ce secteur et ne conférait aucune finalité lucrative à son activité. Si la commune se prévaut, également, de la détention par la fondation " Alphonse de Rothschild ", et l'association " Le pavillon de la chaussée ", de logements non assujettis à la taxe d'habitation, cette circonstance, qui n'est assortie d'aucun argumentaire venant à son soutien, ne suffit pas à établir qu'elles devraient nécessairement être assujetties, de ce fait, à la taxe professionnelle.

6. D'autre part, pour établir le caractère fautif de l'absence d'assujettissement à la taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009 de l'association régie par la loi du 1er juillet 1901 " Le club du Lys Chantilly ", la commune de Gouvieux se prévaut du caractère hautement concurrentiel dans son secteur géographique de l'activité de loisirs que présente la pratique du golf et de l'assujettissement, les années antérieures, à la taxe professionnelle de l'association " International club du Lys " qui a été dissoute en 2007 et à laquelle cette association a succédé. Toutefois, le ministre expose, que là encore, la commune de Gouvieux n'apporte aucun élément précis au soutien de sa demande et que l'administration a conclu en 2011, à l'issue de la vérification de l'association " Le club du Lys Chantilly " pour les années considérées, au caractère désintéressé de sa gestion, au caractère non lucratif de son activité qui, outre le loisir, comportait l'organisation de compétitions pour le compte de fédérations sportives nationales régissant le sport qu'elle enseigne, et, en outre, à l'absence d'exercice de son activité dans des conditions commerciales, compte tenu, notamment du recrutement de ses adhérents par cooptation restreinte.

7. Dans ces conditions, et à supposer même que la commune de Gouvieux ne pût disposer, comme elle l'allègue, de moyens suffisants pour connaître les conditions réelles de gestion et d'exercice de leur activité par ces personnes morales, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments en possession de l'administration pour les années en litige étaient suffisants pour donner à penser à celle-ci que l'exonération dont devaient en principe bénéficier ces organismes, eu égard à leurs statuts, leur activité et leur mode de fonctionnement, devait être remise en cause ou qu'ils justifiaient de diligenter des contrôles, au titre de ces années, et qu'ainsi, les services fiscaux se seraient abstenus fautivement d'accomplir les diligences normales leur incombant en ce domaine.

8. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1473 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise implantée dans plusieurs communes doit répartir ses bases imposables entre chacune de ces communes.

9. En imposant à la taxe professionnelle seulement dans la commune de Lamorlaye, où se situe son siège social, l'association " International club du Lys ", dont il n'est pas contesté qu'elle exploitait jusqu'en 2007 un golf situé sur le territoire des communes de Gouvieux et de Chantilly, le service des impôts, auquel la commune de Gouvieux avait demandé de rectifier les lieux d'imposition de cet équipement, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Il y a lieu d'accorder à la commune l'indemnisation du préjudice subi, égal à la perte de recettes fiscales lui revenant au titre des années 2005, 2006 et 2007, d'un montant total de 36 765 euros, sur la base de l'état estimatif des pertes de recettes qu'elle produit et qui n'est pas contesté par l'administration.

10. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que, à la demande de la commune de Gouvieux, l'administration a émis des rôles supplémentaires de taxe professionnelle, au titre des années 2007 et 2008, à la charge de la société " Cap Gémini Université ", dont l'assiette d'imposition ne prenait pas en compte les équipements et biens mobiliers. En outre, l'imposition mise à la charge de cette société au titre de l'année 2009 tient compte de ces immobilisations. En revanche, et malgré une demande présentée par la commune en 2006, renouvelée en 2009, ces biens n'ont pas été pris en compte pour l'établissement de l'assiette de la taxe professionnelle due par la société " Cap Gémini Université " au titre des années 2005 et 2006, sans que le ministre n'apporte d'éléments pertinents relatifs à l'évolution des bases d'imposition ou à la situation de ce contribuable. Dès lors, l'administration a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat et il y a lieu d'accorder à la commune de Gouvieux l'indemnisation du préjudice causé par la perte de recettes fiscales, pour les années 2005 et 2006, d'un montant total de 1 701 euros, sur la base de l'état récapitulatif produit par celle-ci, dont la teneur n'est pas utilement contestée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gouvieux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la totalité de sa demande et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 38 466 euros en réparation du préjudice causé par l'imposition insuffisante à la taxe professionnelle de l'association " International club du Lys " et de la société " Cap Gémini Université ".

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

12. La commune de Gouvieux a droit aux intérêts sur la somme de 38 466 euros à compter du 18 décembre 2009, date de réception de sa demande d'indemnisation par la direction des services fiscaux de l'Oise, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts, pour produire eux-mêmes intérêts, à compter de sa première demande, enregistrée le 24 décembre 2012, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Gouvieux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2012 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la commune de Gouvieux la somme de 38 466 euros (trente-huit mille quatre cent soixante-six euros). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009. Les intérêts échus à la date du 24 décembre 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Gouvieux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Gouvieux est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gouvieux et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA01137


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