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08/10/2019 | FRANCE | N°17DA00689

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 17DA00689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer (CHAM) et, à défaut, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser à titre provisionnel une somme de 50 000 euros en indemnisation des préjudices résultant des fautes commises par cet établissement.

Par un jugement n°1406043 du 8 mars 2017, le tribunal administratif de Lille

a condamné le CHAM à verser à M. D... une somme de 12 000 euros et à la caisse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer (CHAM) et, à défaut, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser à titre provisionnel une somme de 50 000 euros en indemnisation des préjudices résultant des fautes commises par cet établissement.

Par un jugement n°1406043 du 8 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné le CHAM à verser à M. D... une somme de 12 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Opale une somme de 31 020,55 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 avril 2017, 18 octobre 2017 et 25 janvier 2018, le CHAM, représenté par Me C... B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de condamner la CPAM de la Côte d'Opale à lui rembourser la somme de 33 715,81 euros versée pour son exécution ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de fixer le montant de l'indemnité provisionnelle sollicitée par M. D... à la somme de 12 000 euros ou, à défaut, à la somme maximale de 17 906 euros, et de rejeter les conclusions présentées par la CPAM de la Côte d'Opale ;

4°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... D..., alors âgé de 70 ans, qui souffrait de douleurs au rein droit et d'une pollakiurie nocturne, a subi le 2 décembre 2011 au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer une résection de la prostate et une urétrotomie destinée à traiter une sténose de l'urètre. Les suites de l'intervention, d'abord simples, ont été par la suite marquées par une rétention urinaire imposant un retour aux urgences du CHAM le 8 décembre 2011 où l'échec du sondage vésical pratiqué nécessitera la mise en place par le chirurgien de garde d'un cystocathéter. L'évolution clinique sera marquée par une sténose de l'urètre récidivante qui nécessitera de nombreuses reprises chirurgicales et contraindra M. D... à porter sur une longue période une sonde vésicale et un cystocathéter. Estimant les fautes commises lors de sa prise en charge aux urgences du CHAM à l'origine des préjudices ainsi subis, M. D... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux du Nord-Pas-de-Calais qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 6 janvier 2014. Par un avis du 12 février 2014, la CRCI a estimé que le CHAM avait commis une faute dans la prise en charge de M. D.... Ce dernier, à la suite du refus du CHAM de lui verser une indemnisation, a saisi le tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 8 mars 2017, a condamné le centre hospitalier à verser à M. D... une somme de 12 000 euros en indemnisation des préjudices subis et à la CPAM de la Côte d'Opale une somme de 31 020,55 euros. Le CHAM interjette appel de ce jugement dont M. D... interjette appel incident en ce qu'il a excessivement minimisé le montant de ses préjudices.

2. Pour estimer que la responsabilité du CHAM était engagée en raison, d'une part, de la faute commise à l'occasion du sondage vésical pratiqué le 8 décembre 2011 par une infirmière et, d'autre part, de l'absence de prise en charge immédiate de l'intéressé par un médecin, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'avis de la CRCI du 12 février 2014 selon lequel " dès que l'infirmière a constaté des difficultés lors de la pose de la sonde, M. D... aurait dû être vu par le chirurgien qui aurait dû le faire hospitaliser et procéder à une reprise pour reprendre le trajet de l'urètre, ce qui n'a pas été fait. La prise en charge de M. D... n'apparaît dès lors pas conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science. Ce comportement fautif est responsable de la cascade de complications survenue ultérieurement ". Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, d'une part, que l'expert n'a pas reconnu le caractère fautif du geste pratiqué par l'infirmière, un sondage vésical conforme aux règles de l'art pouvant au demeurant être à l'origine d'une sténose récidivante de l'urètre, d'autre part, que contrairement à ce qu'ont retenu tant la CRCI que les premiers juges, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. D... a été vu par un chirurgien immédiatement après le constat par l'infirmière de l'échec du sondage vésical et que ce chirurgien a procédé à la mise en place d'un cystocathéter et a proposé à l'intéressé une hospitalisation qu'il a refusée, et, enfin, que la reprise du trajet de l'urètre, qui ne présentait aucun caractère d'urgence absolue, a été réalisée lors de l'intervention du 14 décembre 2011. Par ailleurs, si le rapport d'expertise estime que le geste du 8 décembre 2011, alors-même qu'il ne serait pas fautif et présenterait les caractéristiques d'un accident médical, est à l'origine de l'ensemble des complications ultérieures, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport critique établi par le médecin-conseil de l'assureur du CHAM, que le rapport de causalité ainsi établi " est loin d'être évident, M. D... présentant d'une part un état antérieur sur ce plan, les sténoses itératives après résection endoscopique de prostate étant d'autre part courantes même en l'absence de tout échec de sondage ".

3. Dans ces conditions, eu égard aux contradictions existant entre le rapport d'expertise et l'avis de la CRCI et aux incertitudes soulevées par le présent dossier, la cour n'est pas en mesure de se prononcer sur l'existence d'une faute qu'il serait possible de retenir à l'encontre du CHAM dans le cadre de la prise en charge de M. D... le 8 décembre 2011. Elle ne l'est pas non plus en ce qui concerne l'éventuelle qualification du dommage subi par l'intéressé en accident médical non fautif qui pourrait entraîner, si les conditions en étaient réunies, ce qu'il n'est pas non plus possible d'apprécier en l'état du dossier, l'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. L'expertise versée au dossier, remise le 6 janvier 2014, est enfin ancienne et ne détermine pas, en l'absence de consolidation à cette date de l'état de M. D..., le taux de déficit fonctionnel permanent. Il convient, dès lors, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins pour la cour de se prononcer sur la responsabilité du CHAM et, éventuellement, sur l'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant dire droit, procédé à une expertise avec mission pour l'expert :

1°/ de prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. D..., s'il l'estime nécessaire, d'entendre et, s'il y a lieu selon lui pour répondre aux questions de la cour, d'examiner celui-ci ;

2°/ après avoir rappelé les éléments pertinents de l'histoire médicale de M. D..., de décrire précisément les conditions dans lesquelles il a été pris en charge le 8 décembre 2011, et notamment de dire si le sondage vésical a été réalisé conformément aux règles de l'art, dans l'affirmative si une sténose récidivante de l'urètre peut avoir été causée par ce geste qui serait ainsi à l'origine de l'ensemble des complications ultérieures subies par l'intéressé, et si la pose d'un cystocathéter et l'absence d'hospitalisation après l'échec du sondage étaient conformes aux règles de l'art ;

3°/ à défaut de l'identification d'une faute dans la prise en charge de M. D..., de dire si le ou les faits générateurs du dommage subi présentent le caractère d'un accident médical non fautif ; dans cette hypothèse, de dire si le dommage subi a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et, si les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible et de déterminer cette probabilité ;

4°/ de déterminer la date de consolidation et d'évaluer les préjudices subis ainsi qu'il suit, le cas échéant en actualisant l'évaluation des préjudices faite dans le rapport d'expertise diligentée par la CRCI :

a) Préjudices patrimoniaux :

- temporaires (avant consolidation) : dépenses de santé, frais liés au handicap (aménagement du logement, du véhicule, aide par une tierce personne, etc.), frais divers ;

- permanents (après consolidation) : dépenses de santé, frais liés au handicap (aménagement du logement, du véhicule, aide par une tierce personne, etc.), frais divers ;

b) Préjudices extra-patrimoniaux :

- temporaires (avant consolidation) : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, en les évaluant sur une échelle de 1 à 7, préjudice esthétique temporaire, en l'évaluant sur une échelle de 1 à 7 ;

- permanents (après consolidation) : déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice esthétique (échelle de 1 à 7), préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel.

5°/ d'apporter tout élément complémentaire qui serait selon lui susceptible d'éclairer la cour sur la responsabilité du CHAM.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert prendra connaissance du dossier médical et de tous documents concernant M. D..., pourra se faire communiquer les documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission, et pourra entendre tout sachant.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2, R. 621-9 et R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, s'il l'estime nécessaire, s'adjoindre le concours d'un sapiteur, après avoir préalablement obtenu l'autorisation du président de la cour. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour en application des dispositions de l'article R. 621-2 du code de justice administrative. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 4 : La présente expertise sera réalisée au contradictoire de M. D..., du centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale et de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, à M. E... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

2

N°17DA00689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA00689
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP TOULET DELBAR BONDUE FISCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-08;17da00689 ?
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