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03/10/2019 | FRANCE | N°19DA00610

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19DA00610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse A... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai de trente jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de re

tard, une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an ou une autorisation prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse A... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai de trente jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1803818 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme C..., représentée par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juillet 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SELARL B... et Inquimbert sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, née le 12 décembre 1978, entrée régulièrement en France le 9 août 2015, a obtenu un certificat de résidence d'une durée d'un an en qualité de conjointe d'un ressortissant français après avoir épousé M. A... F... le 2 septembre 2015. Par un arrêté du 3 juillet 2018, la préfète de la Seine-Maritime a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, au motif que la vie commune effective avec son époux avait cessé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme C... soutient que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision rejetant sa demande de titre de séjour a été prise sur une procédure irrégulière, en l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration par la préfète de la Seine-Maritime. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions mêmes de l'arrêté attaqué, que Mme C... n'a pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatives à l'admission au séjour pour le suivi des soins, et que la préfète de la Seine-Maritime s'est bornée à refuser de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations des 2) et 5) de cet article, qui ne prévoient pas la consultation de ce collège de médecins à titre obligatoire ou même facultatif. Dès lors, les premiers juges, après avoir visé ce moyen qui était inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, n'ont pas entaché d'irrégularité le jugement en s'abstenant d'y répondre.

Sur la légalité du refus de séjour :

3. En premier lieu, la préfète de la Seine-Maritime n'était pas tenue, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de consulter le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, avant de se prononcer sur la demande de Mme C... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations des 2) et 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit que Mme C... ne peut utilement soutenir que le refus de séjour est intervenu sur une procédure irrégulière à défaut de cette consultation.

4. En deuxième lieu, il résulte des stipulations du dernier alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien que le premier renouvellement du certificat de résidence délivré en qualité de conjoint d'un ressortissant français, ce qui est le cas de la requérante, est subordonné à la communauté de vie effective entre les époux. Contrairement aux dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont le droit au séjour est régi de manière complète par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ces stipulations ne prévoient pas de dérogation de plein droit au respect de cette condition lorsque la rupture de la vie commune est imputable à des violences conjugales. Or, il est constant que, à la date de l'arrêté contesté, la vie commune entre les époux avait cessé. En conséquence Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime a fait une inexacte application de ces stipulations en refusant de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, quand bien même la procédure de divorce pour faute qu'elle avait engagée demeurait pendante devant la juridiction judiciaire.

5. En troisième lieu, si Mme C... fait valoir qu'elle réside en France en situation régulière depuis presque trois ans à la date de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier qu'elle est séparée de son époux depuis la fin de l'année 2015, qu'elle n'établit pas disposer en France d'attaches autres que sa soeur, de nationalité française, ni être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans et où elle exerçait, selon ses déclarations, une activité professionnelle. En outre, la requérante ne justifie pas d'une insertion sociale particulière quand bien même elle exerce en France depuis plus d'un an des activités salariées à temps partiel, comme l'ont relevé, sans contradiction de motifs, les premiers juges. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles thymiques dont elle souffre, nécessitant un traitement par psychotropes ainsi qu'un accompagnement psychologique, et qui sont, selon les certificats médicaux établis à partir de ses déclarations, réactionnels aux conditions de sa séparation, ne pourraient être pris en charge en Algérie. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts qu'elle a poursuivis en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

6. En quatrième lieu, il est constant que Mme C... a la possibilité soit de se faire représenter par un conseil lors des procédures juridictionnelles en cours relatives à son divorce, soit d'obtenir auprès des autorités consulaires un visa de court séjour, dans l'hypothèse où, après avoir quitté le territoire français en l'absence de droit au séjour, elle devrait comparaître personnellement à une audience à la demande de la juridiction statuant sur le fond. En conséquence, la décision contestée n'a pas méconnu les garanties relatives au droit à un procès équitable résultant des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni introduit une discrimination dans leur exercice en méconnaissance de l'article 14 de cette convention.

7. Enfin, Mme C... fait valoir qu'elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal à la suite de violences et d'un harcèlement psychologique par son époux dès le début de leur mariage. Toutefois, les certificat médicaux qu'elle produit, dont il résulte qu'elle a été hospitalisée du 31 décembre 2015 au 14 janvier 2016 après une intoxication médicamenteuse volontaire et qu'elle fait l'objet depuis d'un suivi pour des troubles anxieux qui sont réactionnels, selon ses déclarations, au comportement de son époux, ne suffisent pas à établir la matérialité de ces faits, alors que son dépôt de plainte n'a pas fait l'objet de suites pénales et que la procédure de divorce engagée aux torts de son époux demeure pendante à la date de la décision attaquée. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme C... en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte du point 8 du présent arrêt que l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour, en ce qu'elle est invoquée à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés, respectivement, aux points 5 à 7, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 6, 8, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences emportées sur la situation personnelle de l'intéressée par l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

11. Enfin, l'autorité préfectorale, lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, n'est tenue de recueillir l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'informations suffisamment précises permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il ne ressort pas pièces médicales versées au dossier, dont il résulte, comme il a été dit plus haut, que Mme C... souffre de troubles thymiques pris en charge par la prescription de psychotropes et un suivi psychologique, que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier en Algérie de soins appropriés à son état de santé ni même que l'interruption de la prise en charge médicale dont elle bénéficie en France aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, Mme C..., qui n'établit pas avoir porté à la connaissance de la préfète de la Seine-Maritime des éléments suffisamment précis de nature à justifier la saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est intervenue sur une procédure irrégulière en l'absence de cette consultation.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte des points 8 et 12 que les exceptions d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, en ce qu'elles sont invoquées à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination, doivent être écartées.

14. Enfin, la requérante se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de fait et de droit nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu tel que reconnu par le droit de l'Union européenne. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande, Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA00610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00610
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-03;19da00610 ?
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