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03/10/2019 | FRANCE | N°18DA01629

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 18DA01629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2018 par lequel le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre

part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2018 par lequel le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 1801681 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2018 et le 14 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2018 du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, de procéder à un nouvel de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 17 juin 1953, est entrée régulièrement en France le 19 juillet 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 18 mai 2009 au 12 novembre 2009. Elle a sollicité, le 7 août 2017, la délivrance du certificat de résidence d'un an portant la mention " visiteur " prévu au a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 7 février 2018, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme A... relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Mme A..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, est entrée régulièrement sur le territoire français le 19 juillet 2009, fait état de sa présence auprès de trois de ses six enfants, dont deux ont la nationalité française et l'autre est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans. Elle soutient que l'un de ses fils établis en France, qui l'héberge et la prend en charge, est atteint, à la suite d'un accident du travail, d'un handicap rendant nécessaire une aide quotidienne, notamment pour s'occuper de ses six enfants. Elle fait enfin état des relations proches qu'elle entretient avec ses deux autres enfants établis en France, qui lui apportent aussi une aide financière, ainsi qu'avec ses autres petits-enfants. Toutefois, Mme A..., âgée de soixante-cinq ans à la date de l'arrêté contesté, n'établit pas, quand bien même elle est divorcée depuis 2016, être dépourvue d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel elle a habituellement vécu durant cinquante-six ans et où demeurent deux de ses filles, qui sont susceptibles de veiller sur elle alors même qu'elles ne seraient pas en capacité de l'héberger ni de subvenir à ses besoins. En outre, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir que l'état de santé de son fils atteint d'un handicap du membre supérieur droit à l'origine d'un déficit fonctionnel de 25 % ferait obstacle à ce qu'il puisse s'occuper de ses enfants, ni qu'il rendrait nécessaire une assistance permanente pour l'accomplissement des actes de la vie courante. Ces mêmes pièces n'établissent pas davantage que l'aide prodiguée à celui-ci par son épouse hors de son temps de travail à temps plein ne serait pas suffisante. Par ailleurs, Mme A..., qui ne dispose que de ressources précaires en France, exclusivement constituées par l'aide financière qui lui serait consentie par trois de ses enfants, n'allègue pas qu'elle ne serait éligible à aucune aide sociale en Algérie, ni même que ses enfants établis sur le territoire français, ou même son fils installé à Dubaï, ne pourraient continuer à l'aider. Enfin, la requérante ne fait pas état d'une intégration notable dans la société française. Dans ces circonstances, eu égard aux conditions en majeure partie irrégulières du séjour de Mme A... et en dépit de l'ancienneté de ce séjour, qui n'a toutefois été rendue possible que par l'abstention de l'intéressée de se conformer à deux précédentes mesures d'éloignement, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

3. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. S'il n'est pas contesté que Mme A... entretient des liens étroits avec ses petits-enfants vivant en France, la décision en litige n'a, par elle-même, pas pour effet de faire obstacle à la poursuite de ses relations avec l'ensemble des membres de sa famille, ni, en particulier, à ce que l'intéressée puisse recevoir, dans son pays d'origine, des visites de ses petits-enfants, qui ont vocation à demeurer en France auprès de leurs parents. Par suite, le moyen tiré de ce que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Oise aurait insuffisamment tenu compte de l'intérêt supérieur de ses petits-enfants, en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... n'est entaché d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus doit être écarté.

6. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de séjour opposé à Mme A... aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, il n'est pas davantage établi que Mme A... aurait été, à la date de la décision contestée, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni, en conséquence, qu'elle n'aurait pu, à cette date, faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, il n'est pas établi que le préfet de l'Oise aurait accordé une insuffisante attention à l'intérêt supérieur des petits-enfants de Mme A... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français, ni qu'il aurait méconnu les stipulations, citées au point 3, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement doit être écarté.

11. En vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français dont elle détermine la durée, en tenant compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Ce même III ajoute que des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.

12. S'il est constant que Mme A..., entrée régulièrement sur le territoire français, le 19 juillet 2009, dispose de nombreuses attaches familiales en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que sa présence auprès des membres de sa famille installés en France, notamment de son fils atteint d'un handicap, serait particulièrement requise, alors que l'intéressée a conservé des attaches familiales proches dans son pays d'origine, où résident deux de ses filles et où elle a elle-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans. Hormis les attaches dont elle y dispose, Mme A... ne justifie d'aucun lien particulier avec la France, où elle ne justifie pas s'être particulièrement intégrée en plus de huit ans de présence à la date de l'arrêté contesté et où elle s'est maintenue alors qu'elle avait fait l'objet de deux mesures d'éloignement, devenues définitives. Ainsi, alors même que, comme l'a d'ailleurs admis le préfet de l'Oise, la présence de Mme A... ne représente pas une menace pour l'ordre public, cette autorité a pu, dans les circonstances de l'espèce, lui faire interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an sans méconnaître les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur d'appréciation, alors d'ailleurs que ces dispositions donnent à l'intéressée la faculté de solliciter l'abrogation de cette mesure de police administrative dès son retour dans son pays d'origine.

13. Le moyen tiré de ce que la décision faisant interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2.

14. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, en faisant interdiction à l'intéressée de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, aurait accordé une insuffisante attention à l'intérêt supérieur des petits-enfants de Mme A..., ni qu'il aurait méconnu les stipulations, citées au point 3, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera transmise au préfet de l'Oise.

N°18DA01629 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01629
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BROCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-03;18da01629 ?
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