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03/10/2019 | FRANCE | N°18DA01562

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 18DA01562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., agissant pour le compte de son fils Baptiste B..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mai 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté son recours contre la décision du conseil de discipline du lycée Raymond Queneau de Villeneuve-d'Ascq du 18 janvier 2016 prononçant l'exclusion définitive sans sursis de M. C... B....

Par un jugement n° 1605126 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, Mme B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., agissant pour le compte de son fils Baptiste B..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mai 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté son recours contre la décision du conseil de discipline du lycée Raymond Queneau de Villeneuve-d'Ascq du 18 janvier 2016 prononçant l'exclusion définitive sans sursis de M. C... B....

Par un jugement n° 1605126 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 mai 2016 du recteur de l'académie de Lille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le proviseur du lycée Raymond Queneau de Villeneuve-d'Ascq (Nord), ayant eu son attention appelée sur des faits de harcèlement qui auraient été commis par un élève de seconde, M. C... B..., au détriment de deux de ses camarades de classe, a saisi le conseil de discipline qui, le 18 janvier 2016, a décidé d'exclure de façon définitive et sans sursis M. B... de l'établissement scolaire. Mme B..., agissant en tant que représentante légale de son fils mineur, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 4 mai 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté son recours préalable contre cette sanction. Elle relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 511-49 du code de l'éducation : " Toute décision du conseil de discipline de l'établissement ou du conseil de discipline départemental peut être déférée au recteur de l'académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite, soit par le représentant légal de l'élève, ou par ce dernier s'il est majeur, soit par le chef d'établissement. / Le recteur d'académie décide après avis d'une commission académique. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 511-53 de ce code : " La juridiction administrative ne peut être saisie qu'après mise en oeuvre des dispositions de l'article R. 511-49. ".

3. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Toutefois, un vice affectant le déroulement de la procédure administrative préalable à son intervention n'est de nature à entacher d'illégalité cette décision que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

4. Aux termes des dispositions de l'article D. 511-31 du code de l'éducation : " Le chef d'établissement convoque par pli recommandé les membres du conseil de discipline au moins huit jours avant la séance, dont il fixe la date. / Il convoque également, dans la même forme : / 1° L'élève en cause ; / 2° S'il est mineur, son représentant légal ; / (...) ". Mme B... soutient n'avoir pas reçu de convocation à la réunion au cours de laquelle le conseil de discipline a prononcé la sanction contestée. Si les documents produits par l'administration ne sont pas de nature à établir la réception par l'intéressée de cette convocation, Mme B... indique elle-même avoir pu se rendre à la réunion, ce qui est corroboré par les pièces du dossier. La requérante reconnaît, au demeurant, n'avoir été privée, en dépit de cette absence de convocation devant le conseil de discipline, d'aucune garantie de procédure. Dans ces conditions et alors que Mme B... a été mise à même, ainsi que le père de l'élève, de présenter utilement des observations devant le conseil de discipline, ce que confirment les mentions du procès-verbal de la réunion du 18 janvier 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de convocation de Mme B..., à le supposer même établi, aurait eu une incidence sur le sens de la décision contestée.

5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des témoignages concordants de camarades de classe et d'enseignants, que M. C... B... a, de manière répétée, insulté, bousculé et menacé deux de ses camarades de classe. Il a d'ailleurs fait l'objet d'un rappel à la loi, le 23 décembre 2015, pour menaces proférées à l'encontre de l'un d'entre eux. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. B... s'est rendu coupable, à plusieurs reprises, au détriment de ces deux mêmes camarades de classe, de faits constitutifs de harcèlement, subtilisant et s'appropriant un devoir de latin rédigé par l'un, de même que son agenda, qu'il a conservé durant une semaine, et dérobant durant une journée la carte de restauration de l'autre, ce qui a fait obstacle à ce que ce dernier puisse se restaurer. M. B... a également causé volontairement la chute du premier des intéressés durant un cours de physique-chimie et lui a donné à plusieurs reprises des coups d'épaule en le croisant. En outre, M. B... a posté sur un réseau social, à l'attention d'autres camarades de classe, une photographie du second accompagnée d'un message revêtant un caractère humiliant. Les pièces du dossier révèlent, par ailleurs, que, le 3 décembre 2015, M. B..., accompagné de deux autres élèves, a rejoint l'une de ses victimes à un rendez-vous convenu afin de s'expliquer. M. B... a alors tenté d'agresser cet élève et n'en a été empêché que grâce à l'intervention d'un autre élève qui s'est interposé et a réussi à l'immobiliser.

6. Mme B... conteste cette version des faits et soutient que son fils aurait lui-même subi, lors de cette rencontre, des faits de violence physique. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les excoriations constatées au niveau du genou droit de celui-ci par un médecin généraliste le 10 décembre 2015 résulteraient de coups, les mentions contenues dans le certificat médical révélant, aux dires mêmes du patient, qu'elles résultaient, de même que les douleurs dorsales dont il a, en outre, fait état, d'une immobilisation forcée. Si Mme B... reproche au conseil de discipline d'avoir retenu les éléments ainsi rapportés par des témoignages, sans prendre suffisamment en compte la situation de son fils, certes en relative difficulté scolaire mais n'ayant jamais été convoqué auparavant devant un conseil de discipline, et sans avoir cherché à recueillir leur version des faits, il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline que Mme B... a pris la décision, de même que le père de son fils, de quitter la séance après l'audition du professeur principal, ce qui a fait obstacle à ce que les membres du conseil de discipline puissent entendre leurs explications. A cet égard, si Mme B... relève une différence entre l'appréciation littérale portée sur le bulletin du premier trimestre transmis par l'établissement au conseil de discipline, laquelle se termine par la mention " Un changement radical est attendu au risque de compromettre grandement vos choix d'orientation ", tandis que cette phrase est absente sur l'exemplaire en sa possession, qui comporte, en lieu et place, une mention selon laquelle un avertissement concernant le travail et la conduite est signifié à l'élève, cette seule différence dans l'expression d'une même appréciation portée sur le comportement et l'investissement de M. B... dans sa scolarité, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas conduit à présenter aux membres du conseil une présentation erronée de la situation de l'élève. Par suite, il n'est pas établi que la décision contestée, prise à raison de " brimades et violences verbales relevant du harcèlement ", serait fondée sur des faits matériellement exacts.

7. Aux termes de l'article R. 511-12 du code de l'éducation : " Sauf dans les cas où le chef d'établissement est tenu d'engager une procédure disciplinaire et préalablement à la mise en oeuvre de celle-ci, le chef d'établissement et l'équipe éducative recherchent, dans la mesure du possible, toute mesure utile de nature éducative. ". Aux termes de l'article R. 511-13 du même code : " I.- Dans les collèges et lycées relevant du ministre chargé de l'éducation, les sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre des élèves sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La mesure de responsabilisation ; 4° L'exclusion temporaire de la classe. Pendant l'accomplissement de la sanction, l'élève est accueilli dans l'établissement. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ; 5° L'exclusion temporaire de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ; 6° L'exclusion définitive de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. / Les sanctions prévues aux 3° à 6° peuvent être assorties du sursis à leur exécution dont les modalités sont définies à l'article R. 511-13-1. / (...) / III.- En cas de prononcé d'une sanction prévue au 4° ou au 5° du I, le chef d'établissement ou le conseil de discipline peut proposer une mesure alternative consistant en une mesure de responsabilisation. / (...) ". L'échelle des sanctions contenue dans ces dispositions a été reprise au paragraphe IV-3 du règlement intérieur du lycée. Enfin, aux termes du paragraphe III-2-h du règlement intérieur du lycée : " En raison de l'atteinte insupportable à la dignité et à l'intégrité physique et morale des personnes qu'ils impliquent toujours, aucune brimade individuelle ou collective, aucun bizutage, ne sont tolérables, ainsi qu'aucune violence raciale ou sexiste, physique ou verbale. Ils seront toujours sévèrement réprimés, la sanction pouvant aller jusqu'à l'exclusion. ".

8. Il ne ressort pas des dispositions précitées que le chef d'établissement ait été tenu, avant de décider de saisir le conseil de discipline, de prononcer une mesure de " responsabilisation " ou tout autre mesure de nature éducative. En outre, eu égard au caractère répété et à la gravité des faits commis par M. B... en méconnaissance des dispositions précitées du règlement intérieur de l'établissement, en l'absence également de prise de conscience, par l'intéressé, de la gravité de ses actes, le recteur de l'académie de Lille, en prononçant à l'encontre de M. B... la sanction d'exclusion définitive sans sursis, n'a pas commis d'erreur d'appréciation, cette sanction ne pouvant davantage être regardée comme étant disproportionnée à la nature ou à la gravité des faits.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Lille, qui est suffisamment motivé, a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Lille.

1

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N°18DA01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01562
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-03 Enseignement et recherche. Questions générales. Questions générales concernant les élèves.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MARICOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-03;18da01562 ?
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