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01/10/2019 | FRANCE | N°17DA01763

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 01 octobre 2019, 17DA01763


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2017, et des mémoires, enregistrés le 25 mai 2018 et le 5 juin 2019, la société Bricorama France, représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel les maires des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing ont délivré à la société immobilière Leroy Merlin France un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin spécialis

é dans le bricolage, le jardinage et l'aménagement de la maison d'une superficie de 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2017, et des mémoires, enregistrés le 25 mai 2018 et le 5 juin 2019, la société Bricorama France, représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel les maires des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing ont délivré à la société immobilière Leroy Merlin France un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin spécialisé dans le bricolage, le jardinage et l'aménagement de la maison d'une superficie de 13 384 m² et d'un point permanent de retrait avec cinq pistes de ravitaillement, au sein de la ZAC du Petit Menin ;

2°) de mettre à la charge de la société immobilière Leroy Merlin France et des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me A... D..., représentant la société Immobilière Leroy Merlin France.

Considérant ce qui suit :

1. La société immobilière Leroy Merlin France a présenté une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création, au sein de la ZAC du Petit Menin, sur le territoire des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing, d'un magasin spécialisé dans le bricolage, le jardinage et l'aménagement de la maison d'une superficie de 13 384 m² et d'un point permanent de retrait avec cinq pistes de ravitaillement. Ce projet, qui concerne le transfert d'un magasin existant situé à environ 200 mètres du futur site, a donné lieu à des avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord, le 26 janvier 2017, et de la Commission nationale d'aménagement commercial, le 23 mai 2017. Par un arrêté du 7 juillet 2017, les maires des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing ont délivré à la société immobilière Leroy Merlin France le permis de construire sollicité. Par la présente requête, la société Bricorama France demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur l'application de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme :

2. L'article L. 600-13 du code de l'urbanisme a été déclaré inconstitutionnel par une décision du Conseil constitutionnel n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019 qui précise en outre dans son point 12 que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de cette décision. Par suite, la société Immobilière Leroy Merlin France n'est pas fondée à soutenir que la requête présentée par la société Bricorama France est caduque faute d'avoir été complétée dans le délai de trois mois en application de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

3. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 9 mai 2017 à la séance du 23 mai 2017 au cours de laquelle la commission a examiné le projet de la société immobilière Leroy Merlin France. La lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement. Si la requérante fait valoir que rien ne permet de démontrer que les membres de la commission ont effectivement été convoqués en temps utile et qu'un dossier comportant les pièces mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce précité leur a bien été communiqué, elle ne fait état d'aucun élément concret susceptible d'établir que la convocation aurait été irrégulière. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation :

5. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) / 5° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / c) Le cas échéant, fourniture d'une liste descriptive des produits et équipements de construction et de décoration utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; / d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; / f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; / g) Le cas échéant, si le projet n'est pas soumis à étude d'impact, description des zones de protection de la faune et de la flore sur le site du projet et des mesures de compensation envisagées ; / (...) ".

6. La société immobilière Leroy Merlin France consacre trente pages de son dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale aux effets du projet en matière de développement durable évoquant notamment la politique de l'entreprise en la matière, les mesures destinées à la réduction de la consommation d'énergie des bâtiments, les énergies renouvelables intégrées au projet, les mesures prises pour limiter l'imperméabilisation des sols, la pollution liée à l'activité et les nuisances visuelles, olfactives et sonores du projet, enfin les mesures destinées à la protection de la flore et de la faune présentes sur le site. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le dossier de demande de permis de construire était insuffisant au regard des dispositions du 5° de l'article R. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

7. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce : " (...) / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...) ".

8. Aux termes du I de l'article L. 752-6 de ce code, dans sa version alors applicable : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

9. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

10. La construction projetée a pour vocation de venir en remplacement d'un magasin existant exploité sous la même enseigne et situé à 200 mètres environ du site du projet. Le nouveau magasin aura ainsi un impact limité sur l'animation de la vie urbaine. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet mettrait en péril l'existence de magasins de décoration implantés dans le centre-ville des deux communes concernées. La circonstance, à la supposer avérée, que les communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing feraient l'objet d'un financement du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) en soutien aux commerces de centre-ville, n'est pas, en soi, de nature à établir l'existence d'un impact négatif du projet sur ces commerces. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet serait insatisfaisant au regard du critère énoncé au c) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. La société pétitionnaire a joint à sa demande une étude d'accessibilité réalisée par un bureau d'études spécialisé qui conclut que l'impact du projet sur les voies d'accès sera limité car il existe de bonnes réserves de capacité des deux giratoires proches. Cette étude n'est pas sérieusement contestée par la requérante. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'une convention a été passée en juin 2016 entre l'Etat, la Métropole européenne de Lille et la société Immochan Aménagement dans le but d'améliorer l'accessibilité à la ZAC du Petit Menin par la modification d'une bretelle d'autoroute existante et la création d'une nouvelle bretelle d'autoroute, la mise en service de ces ouvrages étant envisagée pour le début de l'année 2018. Il n'est pas démontré que les travaux prévus par cette convention n'ont pas été exécutés ou ne le seront pas. Par ailleurs, le site est desservi tous les quarts d'heure par deux lignes de bus dont l'arrêt se situe à 300 mètres environ du projet. La mise en place de deux nouvelles lignes de bus, dont l'une à haut niveau de service, est également prévue. Des liaisons piétonnes et cyclistes seront également réalisées dans le cadre de l'aménagement de la ZAC. Dès lors, le projet n'apparaît pas contraire au critère énoncé au d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'isolation de la construction projetée sera supérieure à la norme RT 2012 et que le projet prévoit le recours à un système de gestion technique du bâtiment (GTB), à l'éclairage naturel ou par LED et à une pompe à chaleur par air réversible. Il peut également accueillir une centrale photovoltaïque. Une zone de tri spécifique pour les déchets sera créée. Une cuve récupératrice des eaux de pluie est également prévue. Dès lors, le projet n'apparaît pas contraire au critère énoncé au a) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

13. Il ressort également des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet de la société immobilière se situe dans une zone commerciale. Si des constructions à usage d'habitation se trouvent à proximité du projet, son environnement immédiat est principalement composé de bâtiments à usage commercial et ne présente pas un intérêt particulier. Le projet présente une architecture contemporaine caractéristique de ce type de construction. Les murs se composent d'un soubassement en béton, puis d'un bardage métallique nervuré gris anthracite et, enfin, en partie haute d'un bardage bois. La toiture de l'espace de vente extérieur et le mur anti-bruit sont végétalisés. Un aménagement paysager du parc de stationnement et des abords du site est également prévu. Dès lors, l'insertion architecturale et paysagère du projet, qui ne dépare pas le site d'implantation, apparaît satisfaisante. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet serait illégal au regard du critère de l'insertion paysagère et architecturale énoncé au b) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait pour effet la fermeture de magasins de centre-ville et nuirait ainsi à la protection du consommateur. En outre, il prévoit la création d'un point retrait des commandes télématiques que ne propose pas le magasin actuel. Ainsi le critère énoncé au b) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce n'est pas méconnu.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 14 qu'en émettant un avis favorable au projet de la société immobilière Leroy Merlin France, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce cité au point 8.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société immobilière Leroy Merlin France et les communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing, que la société Bricorama France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté des maires de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing du 7 juillet 2017.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des communes de Neuville-en-Ferrain et de Tourcoing et de la société immobilière Leroy Merlin France, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à la société Bricorama France de la somme qu'elle réclame sur ce fondement.

18. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bricorama France le versement de la somme de 1 000 euros à la société immobilière Leroy Merlin et le versement d'une même somme globale de 1 000 euros à la commune de Neuville-en-Ferrain et à la commune de Tourcoing sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bricorama France est rejetée.

Article 2 : La société Bricorama France versera à la société immobilière Leroy Merlin France une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Bricorama France versera à la commune de Neuville-en-Ferrain et à la commune de Tourcoing une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bricorama France, à la société immobilière Leroy Merlin France, à la commune de Neuville-en-Ferrain et à la commune de Tourcoing.

Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

N°17DA01763 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01763
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : WILHELM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-01;17da01763 ?
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