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26/09/2019 | FRANCE | N°19DA01528

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 septembre 2019, 19DA01528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, le comité d'établissement de l'usine de Maromme, M. L... A... et M. H... K... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Normandie a validé l'accord collectif majoritaire du

8 novembre 2018 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, le comité d'établissement de l'usine de Maromme, M. L... A... et M. H... K... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Normandie a validé l'accord collectif majoritaire du 8 novembre 2018 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société en nom collectif (SNC) Novandie.

Par un jugement n° 1900549 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir admis l'intervention de M. H... K..., a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2019, le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, le comité d'établissement de l'usine de Maromme, M. L... A... et M. H... K..., représentés par Me C... B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler la décision de validation du 18 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la société Novandie ou de l'Etat le versement à chacun d'entre eux d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me G... I..., représentant le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, le comité d'établissement de l'usine de Maromme, M. L... A... et M. H... K..., les observations de M. N... M..., représentant la ministre du travail et les observations de Me J... F..., représentant la SNC Novandie.

Une note en délibéré présentée par Me C... B... pour le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime et autres a été enregistrée le 18 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Novandie fait partie de l'activité " lait " du groupe agro-alimentaire Andros. Elle est spécialisée dans la fabrication de yaourts et de produits laitiers. Elle emploie 1 229 salariés sur cinq sites de production, à Maromme (Seine-Maritime), Auneau (Eure-et-Loir), Vieil-Moutier (Pas-de-Calais), Marcillé-Raoul (Ille-et-Vilaine) et Savigné-l'Evêque (Sarthe). Le siège social est situé à Maromme et Auneau. En 2018, la société Novandie a souhaité procéder à une restructuration pour motif économique visant à supprimer 149 postes de travail : 61 postes de production à Maromme, 46 postes de production à Savigné-l'Evêque, 22 postes administratifs à Maromme, 17 postes administratifs à Auneau. Parallèlement, 25 postes sont créés et 39 modifications de postes sont prévues. Un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 8 novembre 2018 entre la direction de la SNC Novandie et M. E... D..., délégué syndical central CFDT, désigné par la fédération CFDT des entreprises agro-alimentaires et agricoles. La CFDT a recueilli 85 % des voix lors des élections professionnelles et constitue, dès lors, le syndicat majoritaire. Le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, le comité d'établissement de l'usine de Maromme, M. L... A... et M. H... K... relèvent appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a validé l'accord collectif majoritaire du 8 novembre 2018 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société en nom collectif Novandie.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 1235-7-1 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4./ Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat. ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'il incombe à la juridiction administrative d'examiner l'ensemble des questions liées à l'élaboration d'un accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail et au contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi. D'autre part, l'interprétation de l'accord du 28 mars 2018 prorogeant les mandats des élus des instances représentatives du personnel de la SNC Novandie relève de l'examen des effets de cet accord et non de sa validité. Par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, eu égard au délai contraint fixé par les dispositions citées au point 2 imparti à la cour administrative d'appel pour statuer sur le présent litige, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des effets de l'accord de prorogation des mandats des élus des instances représentatives du personnel de cette société, opposée par le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime et autres, doit être écartée.

Sur l'intervention de M. H... K... :

4. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ". L'intervention de M. H... K..., salarié de la SNC Novandie sur le site de Maromme, dont le poste a été supprimé le 6 mars 2019, est contenue dans la requête introductive du syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime tendant à l'annulation de la décision précitée du 18 décembre 2018. Elle n'a pas été présentée par mémoire distinct. Par suite, cette intervention n'est pas recevable et ne peut dès lors être admise.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la SNC Novandie :

5. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code du travail : " Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ". Aux termes de l'article L 2133-3 de ce code : " Les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par le présent titre ".

6. L'article L. 1235-7-1 du code du travail, cité au point 2, pose le principe de l'intérêt à agir des organisations syndicales contre une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi. L'article L. 1233-57-4 du même code définit les modalités selon lesquelles une décision de validation ou d'homologation est, d'une part, notifiée à l'employeur, au comité d'entreprise, ainsi que, en cas de validation d'un accord collectif, aux organisations syndicales qui en sont signataires et, d'autre part, portée à la connaissance des salariés. Il résulte de ces dispositions que les syndicats présents dans l'entreprise ont qualité pour agir contre ces décisions et que leurs recours doivent être présentés dans un délai de deux mois à compter, soit de la notification de la décision lorsque celle-ci doit leur être notifiée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail, soit de l'accomplissement des modalités d'information des salariés prévues par cet article.

7. Il ressort des pièces du dossier que le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime est présent au sein de l'établissement de Maromme de la société Novandie. Tout d'abord, les mesures envisagées de suppression de postes touchent principalement le site de Maromme, situé en Seine-Maritime, même si l'accord du 8 novembre 2018 produit également des effets dans le département de la Sarthe, sur le site de Savigné-l'Evêque, et dans le département d'Eure-et-Loir, sur le site d'Auneau. Le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime doit, dès lors, être regardé comme agissant dans le cadre de son périmètre géographique. En outre, la circonstance que ce syndicat, non signataire de l'accord majoritaire, demande l'annulation de la décision du 18 décembre 2018 validant cet accord majoritaire alors que celui-ci a été signé par la fédération générale de l'agroalimentaire CFDT, dont il est membre, n'est pas de nature, au nom de " l'unicité syndicale " invoquée par la SNC Novandie, principe applicable aux seules élections professionnelles, à l'empêcher d'agir en justice, ces deux organisations constituant des personnes morales différentes. Enfin, le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime est représenté par son secrétaire, M. L... A..., régulièrement habilité par un mandat spécial du 5 mars 2019 du bureau syndical pour agir en justice, conformément aux stipulations de l'article 14 des statuts de ce syndicat. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SNC Novandie à l'action du syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, tirée de l'absence de qualité lui donnant intérêt pour agir et de l'absence d'identification du représentant légal de ce syndicat, doit être écartée.

Sur l'intérêt à agir de M. L... A... :

8. M. L... A..., salarié de la SNC Novandie, occupe un poste de conducteur de ligne de suremballage sur le site de production de Maromme. Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit la suppression de quatre postes de conducteurs de ligne de suremballage sur le site de Maromme. M. A... est donc susceptible d'être directement touché par les mesures envisagées. Par suite, il dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. Aux termes du II du 3° de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " 3° Lorsque, en dehors du cas prévu au 1° du présent II, les mandats des délégués du personnel, des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, leur durée peut être réduite ou prorogée au plus d'un an, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée ".

10. En application des dispositions citées au point 9, les partenaires sociaux de la société Novandie ont souhaité procéder à une prorogation des mandats des élus des instances représentatives du personnel élues en mars 2014. Il est constant que les mandats des élus au comité d'établissement de Savigné-l'Evêque expiraient le 4 mars 2018, ceux de l'établissement de Marcillé-Raoul le 6 mars 2018 et ceux de Maromme le 18 mars 2018 pour le siège social et le 20 mars 2018 pour l'établissement de production. Les mandats des élus des comités d'établissement des sites d'Auneau et Vieil-Moutier expiraient le 16 avril 2018. Un accord de prorogation des mandats jusqu'au 2 mars 2019, daté du 28 mars 2018, a été signé entre la direction de la SNC Novandie, le délégué syndical central CFDT et les syndicats non représentatifs FO, CFE-CGC et CGT.

11. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 6 avril 2018 du directeur des ressources humaines de la SNC Novandie adressé à M. D..., délégué syndical central CFDT, pour lui transmettre l'accord qu'il a signé, évoque un accord signé le 28 mars 2018, et que cet accord figure aussi dans la base de données économiques et sociales de l'entreprise, constituée en application de l'article L. 2312-18 du code du travail, comme daté du 28 mars 2018. Il ressort également des stipulations de l'article 5 de cet accord, que les formalités de son dépôt auprès des services de l'administration du travail et auprès du secrétariat du greffe du conseil de prud'hommes, prévues par les dispositions des articles L. 2231-6 et D. 2231-2 du code du travail, seraient opérées par la société Novandie dans le délai d'un mois à compter de la signature. Or, il est constant que cet accord a été déposé le 16 avril 2018 au greffe du conseil de prud'hommes de Rouen, puis, le 19 avril 2018, auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie de Rouen. Enfin, le comité central d'entreprise de la société Novandie a rendu, le 13 mars 2018, son avis sur le projet d'accord de prorogation qu'il a approuvé à l'unanimité, selon les termes mêmes du compte-rendu de cette réunion versé au dossier. Dès lors, à supposer même la consultation de cette instance comme étant facultative, cet accord n'a pu être signé antérieurement au 13 mars 2018.Dans ces conditions la production de simples attestations, établies au demeurant pendant la procédure contentieuse, ne peut établir la réalité d'une date de signature antérieure à la date du 28 mars 2018 figurant sur l'accord ainsi que le soutient la SNC Novandie. A cet égard, s'il est constant que M. D... atteste avoir signé cet accord de prorogation dès le 13 février 2018, sa seule signature ne peut établir que cet accord serait entré en application le 28 février 2018, date à laquelle les signatures des organisations syndicales non représentatives CGT, FO et CFE-CGC auraient déjà toutes été réunies. Cette dernière date est aussi celle à laquelle le gérant de la société Novandie, affirme avoir signé cet accord, selon son attestation datée du 1er avril 2019 produite uniquement en cause d'appel, le 31 juillet 2019. Toutefois, compte tenu de ce qui précède, elle n'est pas de nature à faire regarder la date de signature du 28 mars 2018 mentionnée sur l'accord de prorogation des mandats comme entachée d'une erreur matérielle. Par suite, cet accord de prorogation des mandats des élus des instances représentatives du personnel, doit être regardé comme ayant été signé le 28 mars 2018. Le syndicat requérant et M. A... sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a jugé que la date du 28 mars 2018 figurant sur cet accord était entachée d'une erreur matérielle et qu'il devait être regardé comme ayant été signé le 28 février 2018.

12. A la date du 28 mars 2018, les mandats des élus du comité d'établissement de Savigné-l'Evêque étaient expirés depuis le 4 mars 2018, ceux des élus du comité d'établissement de Marcillé-Raoul depuis le 6 mars 2018 et ceux des élus des comités d'établissement de Maromme depuis le 18 mars 2018, pour le siège social, et depuis le 20 mars 2018, pour l'établissement de production. Ces mandats n'ont ainsi pas fait l'objet d'une prorogation régulière, l'accord de prorogation étant intervenu postérieurement à leur échéance. Il ressort des pièces du dossier que les comités d'établissement de Savigné-l'Evêque, de Maromme-siège et Maromme-établissement de production et le comité central d'entreprise, irrégulièrement composés, ont rendu leur avis sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi le 6 septembre 2018, le 18 novembre 2018 et 5 décembre 2018. L'irrégularité de la composition de ces instances a eu pour conséquence de retirer toute portée aux avis ainsi recueillis, de vicier ces consultations et, par suite, l'accord majoritaire du 8 novembre 2018.

13. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, sous réserve de ce qui est dit aux points 15 à 19, la décision du 18 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a validé l'accord collectif majoritaire du 8 novembre 2018 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Novandie et le jugement du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Rouen doivent être annulés.

14. Il résulte également de ce qui vient d'être dit que le comité d'établissement de l'usine de Maromme, du fait de l'absence de prorogation régulière du mandat de ses membres élus, ne pouvait légalement habiliter, par sa délibération du 11 janvier 2019, M. A... à agir en justice, en sa qualité de membre de cette instance, contre la décision de validation du 18 décembre 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie. Par suite, la requête est irrecevable en tant qu'elle émane du comité d'établissement de l'usine de Maromme.

15. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui n'est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours se prononcer, s'il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, même lorsqu'un autre moyen est de nature à fonder l'annulation de la décision administrative.

16. En l'espèce, les moyens tirés de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Novandie étaient soulevés dans la requête introductive d'appel du 4 juillet 2019 et n'ont pas été explicitement énoncés et abandonnés par le mémoire du 23 août 2019 du syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime et autres, qui se limitait uniquement à expliciter les moyens conservés. Les moyens tirés de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi étaient tirés de l'insuffisance du plan en matière de recherche de reclassement interne, en matière de reclassement externe, ainsi que par son insuffisance vis-à-vis des populations fragilisées et par son inadéquation vis à vis des moyens du groupe Andros.

17. Si les requérants soutiennent que les recherches de reclassement interne au groupe Andros ont été insuffisantes, l'employeur n'ayant pas identifié tous les postes disponibles, il résulte toutefois du 3° de l'article L. 1233-57-2 du code du travail que, lorsque le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l'article L. 1233-24-1 du même code, l'administration doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 de ce code. Un moyen tiré de ce que le plan de reclassement prévu par l'accord collectif est insuffisant au regard du nombre de postes vacants au sein de l'entreprise est dès lors inopérant. Au surplus, une liste de 19 postes disponibles au sein de la SNC Novandie et de 163 postes de reclassement disponibles au sein de sept sociétés du groupe Andros en France figurait en annexe du plan de sauvegarde de l'emploi.

18. Ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions de l'article L. 1233-57-2 du code du travail limitent le contrôle de l'administration validant un accord collectif au seul contrôle de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 du code du travail. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que ce plan méconnaitrait les stipulations de l'article 15.7 de la convention collective des industries laitières relatives au reclassement externe des salariés ainsi que celles de l'article 12.1 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatives aux mesures d'accompagnement ou encore que le plan de reclassement prévu par l'accord collectif du 8 novembre 2018 serait insuffisant au regard des moyens du groupe Andros.

19. Il ressort des pièces du dossier que la société Novandie avait tenu compte des demandes de l'administration destinées à améliorer son plan de sauvegarde de l'emploi en ce qui concerne les publics fragilisés. Ce plan prévoyait, à la suite de ces modifications, pour les salariés de plus de cinquante ans, les personnes handicapées, les parents isolés et les couples de salariés de Novandie qui seraient licenciés ensemble, diverses mesures figurant dans ses chapitres 7.4, 7.5 et 8. Ces mesures consistaient en une majoration des budgets de formation d'adaptation, de formation longue et de formation diplômante à hauteur de 1 000 euros, en un dispositif incitatif d'embauche en contrat à durée indéterminée par remboursement de 50 % des charges patronales pendant trois mois à l'entreprise engageant un de ces salariés, en trois offres valables d'emploi au lieu de deux aux autres salariés, en une assistance individuelle de reconversion durant onze mois contre neuf mois pour les autres salariés, et en un congé de reclassement de onze mois pour les salariés fragilisés contre huit mois pour les autres. Le moyen tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi en ce qui concerne les publics fragilisés doit, par suite, être écarté.

20. Le présent litige n'ayant pas entraîné de dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société Novandie doivent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Il y lieu, par suite, de mettre à la charge de la SNC Novandie et de l'Etat, parties perdantes, le paiement par chacun d'une somme de 1 000 euros à ce syndicat et à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En vertu des mêmes dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou une partie dont la requête a été jugée irrecevable des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la SNC Novandie et le comité d'établissement de Maromme doivent, dès lors, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de M. H... K... n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Rouen et la décision du 18 décembre 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie validant l'accord collectif majoritaire du 8 novembre 2018 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société en nom collectif Novandie sont annulés.

Article 3 : La SNC Novandie et l'Etat verseront chacun au syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime et à M. A... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SNC Novandie relatives aux dépens et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions du syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de la Seine-Maritime et de M. A..., ainsi que les conclusions présentées par le comité d'établissement du site de Maromme de la SNC Novandie, sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT des entreprises agroalimentaires et agricoles de Seine-Maritime, au comité d'établissement de Maromme de la SNC Novandie, à M. L... A..., à M. H... K..., à la société en nom collectif Novandie et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Normandie, à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie et à M. E... D....

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01528
Date de la décision : 26/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Existence d'un intérêt - Syndicats - groupements et associations.

Travail et emploi - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BRAND-FAUTRAT-LAMBINET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-26;19da01528 ?
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