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26/09/2019 | FRANCE | N°19DA01029

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 septembre 2019, 19DA01029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... alias M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour de trois ans, a refusé un départ volontaire et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1900673 du 9 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administr

atif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2019.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... alias M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour de trois ans, a refusé un départ volontaire et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1900673 du 9 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2019, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la requête en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 26 février 2019.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- et les observations de Me C... D..., représentant M. A..., et celles de l'intéressé, présent à l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, entré sur le territoire français via l'Espagne en juillet 2018, démuni de tout document d'identité et de voyage, se déclarant né le 3 février 2002, s'est spontanément présenté aux services de police du commissariat du Havre afin d'être pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, en sa qualité de mineur. Toutefois, le 6 février 2018, l'aide sociale à l'enfance a refusé de prononcer une mesure d'accueil provisoire d'urgence. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, avec une interdiction de retour de trois ans et fixant le pays de destination à l'encontre de M. A....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, aux termes du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " l'étranger mineur de dix-huit ans " ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. En vertu de l'article L. 111-6 du même code, la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil aux termes duquel " tout acte de l'état civil (...) fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il incombe à l'administration de renverser cette présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Cette preuve peut être apportée par tous moyens et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé dénommé Visabio, qui sont présumées exactes. Il appartient alors à l'intéressé de renverser cette présomption.

3. D'autre part, selon les dispositions de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est autorisée la création (...) d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO (...). / Ce traitement a pour finalité de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d'identité (...) ". Aux termes de l'article R. 611-9 du même code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis. (...) / 2° Les données énumérées à l'annexe 6-3 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas (...) lors de la demande et de la délivrance d'un visa. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Les données à caractère personnel mentionnées au 1° de l'article R. 611-9 peuvent également être collectées (...) : 1° Par les chancelleries consulaires et les consulats des autres Etats membres de l'Union européenne (...) ". Au nombre, des données énumérées à l'annexe 6-3 susmentionnée figurent celles relatives à l'état civil, notamment le nom, la date et le lieu de naissance et aux documents de voyage du demandeur de visa ainsi que ses identifiants biométriques.

4. Pour annuler l'arrêté du 26 février 2019 en litige, le premier juge a estimé qu'en l'état des connaissances scientifiques, l'examen osseux dont se prévaut l'administration est dépourvu de force probante et ne pouvait être regardé comme permettant de remettre en cause les mentions figurant sur les documents d'état civil produits par M. A..., que, dans ces conditions, la présomption de validité, qui s'attache aux actes d'état civil étrangers en vertu des dispositions de l'article 47 du code civil, n'était pas renversée et qu'ainsi M. A... devait être regardé comme établissant qu'il était âgé de moins de dix-huit ans à la date de la décision en litige. Il ressort des pièces du dossier que, pour prouver sa minorité, M. A... a produit un jugement supplétif de naissance établi à son nom tenant lieu d'acte de naissance, un extrait d'acte de naissance ainsi qu'une carte consulaire délivrée par l'ambassade de Guinée à Paris, indiquant tous trois qu'il était né le 3 février 2002. Cependant, la consultation des données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé " Visabio ", au vu des empreintes digitales de l'intéressé, qui sont présumées exactes, a fait apparaître que celui-ci était connu sous l'identité de M. F... A..., né le 3 février 1984 à Conakry en Guinée, et non le 3 février 2002, exerçant la profession d'informaticien, et qu'il a fait l'objet de deux refus de visa, l'un par le consulat d'Allemagne à Conakry, l'autre, par le consulat de France, pour risque migratoire, au vu du passeport guinéen N°000105970 valable jusqu'au 23 octobre 2020 qu'il a présenté aux autorités consulaires. Sans preuve contraire de la part de M. A..., qui se borne à de simples allégations tirées de la présentation aux autorités consulaires allemandes et françaises d'un passeport d'emprunt, et ne donne aucune explication probante sur les conditions dans lesquelles il aurait pu y apposer sa photographie et la concordance des empreintes digitales de ses dix doigts relevées lorsqu'il a présenté des demandes de visa, ce passeport doit être considéré comme étant le sien. En outre, l'administration préfectorale, qui a sollicité le concours d'un expert en fraude documentaire de la gendarmerie départementale, a émis un avis selon lequel l'extrait d'acte de naissance produit par M. A... était faux, notamment au regard de la comparaison avec d'autres documents du même type. Elle a aussi émis un avis selon lequel la carte consulaire présentée au préfet, qui pourrait être authentique, ne constitue ni un document de voyage, ni même un document d'identité et, ne comportant aucune sécurité, ne peut être authentifiée. Enfin, ces éléments sont corroborés par les résultats d'un examen radiographique de la main gauche de M. A..., par comparaison avec le tableau de Greulich et Pyle, qui fait apparaître que l'âge osseux de l'intéressé est supérieur à dix-huit ans. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, , que le préfet de la Seine-Maritime, qui a pu à juste titre considérer que la minorité de M. A... n'était pas établie à la date de l'arrêté en litige, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2019 en litige au motif que la présomption de validité, qui s'attache aux actes d'état civil étrangers en vertu des dispositions de l'article 47 du code civil, n'était pas renversée et qu'ainsi, M. A... devait être regardé comme établissant qu'il était mineur à la date de la décision en litige.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

6. Par un arrêté en date du 18 janvier 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-Maritime, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme B..., à l'effet de signer, notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté.

7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre, à l'encontre d'un ressortissant de l'Union Européenne, une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 26 février 2019, lequel a été signé par l'intéressé et son interprète. A cette occasion, l'intimé, a pu faire valoir ses observations concernant notamment sa situation administrative et personnelle, les raisons de son départ de Guinée et l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre. M. A... était assisté d'un avocat qui n'a pas souhaité formuler d'observation. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait été empêché de présenter des observations écrites. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Dès lors, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ". Il résulte de ces stipulations que, par principe, les décisions de justice sont rendues de manière contradictoire, c'est-à-dire en présence des parties ou des personnes habilitées à les représenter. Ainsi toute personne ayant un intérêt à défendre doit pouvoir être présente ou valablement représentée lors du procès. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., ayant reçu une convocation en justice à une audience du tribunal correctionnel du Havre le 26 juin 2019, se trouvait dans l'incapacité de s'y faire représenter pour y faire valoir ses arguments, dès lors que la représentation par ministère d'avocat est notamment possible en pareille circonstance. Par suite le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable tel que consacré par les stipulations de l'article 6 précitées doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que la préfète de la Seine-Maritime ne se serait pas livrée à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A... avant d'adopter la décision litigieuse.

11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° l'étranger mineur de 18 ans (...) ".

12. Il ressort de ce qui a été dit au point 4 que la préfète de la Seine-Maritime, qui ne s'est pas fondée uniquement sur les résultats de l'expertise osseuse, a pu estimer que le requérant n'était pas mineur à la date de la décision en litige. Elle n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni n'a commis d'erreur de fait, ni d'erreur dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. M. A... fait valoir que, dépourvu d'attaches en Guinée, il a fixé le centre de ses intérêts en France où il est scolarisé. Les bulletins de notes du premier semestre de l'année scolaire 2018-2019 du Centre de formation d'apprentis (CFA) de Seine-Maritime ainsi que les attestations des professeurs de M. A... démontrent son implication, sa réussite et son intégration. Toutefois, M. A... est entré irrégulièrement en France en juillet 2018, soit seulement sept mois avant la décision en litige, après avoir résidé trente-quatre ans dans son pays d'origine. Il ne dispose pas d'un logement permanent en France, et ne démontre pas non plus posséder de liens forts d'ordre privé et familial en France. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait pas poursuivre ses études en Guinée. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède, que la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire d'erreur de droit d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

16. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

17. Il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté en litige que la préfète de la Seine-Maritime a précisé, qu'au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la présence de M. A... constituait une menace pour l'ordre public en raison de la dissimulation de son identité dans le but de bénéficier d'un droit indu et que M. A... ne présentait pas les garanties de représentation suffisantes en retenant qu'il était sans ressources, sans domicile certain et permanent sur le territoire et qu'il ne démontrait pas être isolé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision de refus de délai de départ volontaire.

19. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :/ (...) / 3° s'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentations suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il est sans ressource, célibataire, sans enfant, n'a déclaré aucune adresse de résidence effective et permanente, et a tenté de dissimuler sa majorité pour obtenir un avantage indu d'une autorité publique. Dès lors, le risque de fuite est établi. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

21. Les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondée la préfète de la Seine-Maritime pour refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles du 7) de l'article 3 et de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer. En prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi, dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 1° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive précitée doit être écarté.

22. M. A... soutient que la décision en litige a violé les dispositions de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle porte une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 14, si M. A... est scolarisé en France, il y est entré seulement sept mois avant l'édiction de la décision contestée et il n'a aucun lien fort d'ordre privé et familial et le risque de fuite est établi. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision refusant le délai de départ volontaire d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

23. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

Sur le pays de destination :

24. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

25. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ".

26. Après avoir mentionné, dans son arrêté, que M. A... était de nationalité guinéenne, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation, par l'article 1er de son arrêté, " de quitter le territoire français sans délai ", et par l'article 2, a indiqué qu'il " sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de toute autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible ". Il doit ainsi être regardé comme ayant, par une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, décidé que l'intéressé pourrait notamment être reconduit en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

27. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 22, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation personnelle, ni d'erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

28. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

29. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

30. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

31. La décision en litige vise les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que M. A... est célibataire, dépourvu de toute attache familiale sur le territoire français et que la sollicitation d'un droit au séjour sur une fausse identité dans le but d'obtenir un avantage indu caractérise une menace pour l'ordre public. En outre, M. A... ne justifie pas de circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, qui feraient obstacle au prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime était tenue de se prononcer expressément sur celles-ci. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.

32. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et que celle-ci est récente. En outre, il est célibataire, sans enfant, et se déclare sans ressources. Par ailleurs, il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine et ne justifie pas plus des risques personnels qu'il y encourrait en cas de retour. Il résulte de ces éléments que la préfète de la Seine-Maritime n'a pas, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2019 en litige.

Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

34. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. A... de la somme qu'il demande sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. F... A... alias M. E... A... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... A... alias M. E... A... et à Me C... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA01029 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01029
Date de la décision : 26/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-26;19da01029 ?
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