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26/09/2019 | FRANCE | N°19DA00815

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 septembre 2019, 19DA00815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime décidant son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n°1900635 du 26 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 1er février 2019, a enjoint à la préfète de Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. D..., dans un délai d'un mois à compter de la notificati

on du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application de l'al...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime décidant son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n°1900635 du 26 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 1er février 2019, a enjoint à la préfète de Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. D..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application de l'alinéa 2 de l'article 37 du la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan, né le 30 août 1983, est entré sur le territoire français en compagnie de sa femme et de ses deux enfants. M. D... a présenté, le 8 janvier 2019, une demande d'asile auprès des services de la préfecture de Seine-Maritime. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées le 13 juillet 2016 en Allemagne, en tant que demandeur d'asile. Par un arrêté du 1er février 2019, la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités allemandes. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Pour annuler l'arrêté en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a relevé que la belle-mère de M. D... s'est vue reconnaître le bénéfice de l'asile en France et qu'elle y séjourne avec ses trois autres enfants, dont deux encore mineurs, régulièrement scolarisés et s'exprimant parfaitement en français et que M. D... avait informé l'administration préfectorale de cette situation, qui lui permettrait de faire valoir utilement ses droits au séjour en France avec l'assistance de sa belle-famille. Le magistrat désigné a ainsi estimé que la décision de transfert était entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. D..., au regard des dispositions de l'article 17 du règlement cité au point 2.

4. Il ressort des pièces du dossier et des observations présentées lors de l'audience devant le tribunal administratif de Rouen que Mme A... B..., mère de Mme F..., épouse de M. D..., est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2022. Deux des enfants de la belle-mère de M. D... ont d'ailleurs été entendus au cours de cette audience. M. D... avait également indiqué lors de son entretien individuel du 8 janvier 2019, que la mère de son épouse avait obtenu le statut de réfugié. Le préfet de la Seine-Maritime ne peut utilement soutenir que la belle-mère de M. D... ne saurait être considérée comme un membre de la famille au sens des dispositions du g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que le magistrat désigné ne s'est pas fondé, pour annuler l'arrêté, sur les dispositions de l'article 9 du même règlement relatif aux critères de détermination de l'Etat responsable lorsqu'un membre de la famille bénéficie d'une protection internationale. Le préfet de la Seine-Maritime ne conteste pas non plus ne pas avoir interjeté appel devant la cour du jugement n° 1900636 du 26 mars 2019, par lequel le magistrat désigné a annulé son arrêté du 1er février 2019 ordonnant le transfert de l'épouse de M. D... aux autorités allemandes. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté de transfert en litige de M. D... comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 1er février 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été prescrite par le tribunal administratif de Rouen. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... ne peuvent, dès lors, être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me E..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me E... une somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... D... et à Me G....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA00815

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00815
Date de la décision : 26/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-26;19da00815 ?
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