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26/09/2019 | FRANCE | N°19D000856

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 septembre 2019, 19D000856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel la préfète de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804134 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, Mme D... C... E..., représentée par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel la préfète de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804134 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, Mme D... C... E..., représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel la préfète de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a abrogé le récépissé de demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Bangui le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., née le 19 décembre 1995, de nationalité centrafricaine, est entrée en France le 19 septembre 2015 pour poursuivre ses études. Elle a sollicité le renouvellement de son premier titre de séjour " étudiant " qui lui a été refusé par arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 8 octobre 2018, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et portant fixation du pays de destination. Mme C... E... relève appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. L'appelante se prévaut de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne pour soutenir que le droit de présenter des observations a été méconnu. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Néanmoins, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit de présenter des observations sera donc écarté comme inopérant.

3. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-centrafricaine qui régit les conditions dans lesquelles les ressortissants centrafricains peuvent être admis à séjourner en France pour y poursuivre leurs études : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou de stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. (...) ". Le respect de ces stipulations implique que le renouvellement de la carte de séjour temporaire étudiant est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme C... E... était inscrite en 2015-2016 dans un établissement supérieur d'enseignement privé, qu'elle n'a pas validé sa première année et s'est réorientée en licence d'administration économique et sociale. Aux termes de trois années d'enseignement supérieur dont deux dans la même orientation, elle n'a validé qu'un semestre de la première année de licence. La préfète de la Seine-Maritime, n'a ainsi pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 3 ci-dessus en refusant le renouvellement de son titre étudiant au motif que la réalité et le sérieux des études n'étaient pas établis, sans qu'il soit besoin d'apprécier les moyens d'existence de l'intéressée.

5. Mme C... E... soutient que la préfète de la Seine-Maritime a entaché sa décision d'erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle. Toutefois, elle n'est venue en France que pour poursuivre ses études. Elle soutient qu'elle est isolée dans son pays du fait du décès de ses parents, mais se borne à produire un certificat de décès sans établir la filiation et une attestation de son oncle, qui indique que compte tenu des responsabilités qu'il a exercées dans le précédent gouvernement, il a incité sa famille à quitter le Centrafrique. Compte tenu de ces éléments, le moyen sera écarté.

6. Mme C... E... entend se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la requérante n'a toutefois demandé le renouvellement de son titre de séjour qu'en vue de poursuivre ses études, ce moyen est donc inopérant ainsi que l'ont jugé les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne pourra qu'être écarté.

9. Mme C... E... se prévaut des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et du droit d'être entendu. Toutefois, le droit de l'étranger demandeur d'un titre de séjour d'être entendu, satisfait ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Ce moyen sera donc écarté.

10. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé. Par suite, Mme C... E... ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles, invoquées pour la première fois en appel, de l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés qui prohibe le refoulement des réfugiés dans un pays où leur vie ou leur liberté seraient menacées. Ces moyens seront donc écartés comme inopérants.

11. Mme C... E... se borne à reprendre en cause d'appel, sans les assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... E... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne pourra qu'être écarté.

14. Par un arrêté du 4 juin 2018, régulièrement publié le même jour, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. Yvan Cordier, secrétaire général, signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit, des réquisitions prises en application du code de la défense et des arrêtés pris sur le fondement de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte sera donc écarté.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 9, l'autorité administrative n'était pas tenue de mettre à même l'intéressée de présenter des observations sur la décision fixant le pays de destination dès lors qu'elle avait pu transmettre tous éléments qu'elle jugeait utiles à l'occasion de sa demande de titre ou au cours de l'instruction de celle-ci.

16. Mme C... E... se prévaut des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne produit toutefois qu'une attestation de son oncle, qui indique que, compte tenu de ses responsabilités dans le précédent gouvernement de Centrafrique, il était obligé d'envoyer sa famille, dont l'appelante à l'étranger. Ce seul élément ne suffit à démontrer le risque personnel et avéré que Mme C... E... soit soumise à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays.

17. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme C... E... seront écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 17 que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'illégalité.

Sur la décision abrogeant le récépissé de demande de titre :

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de refus de titre, décision qui impliquait nécessairement l'abrogation du récépissé de demande de titre de séjour, ne pourra qu'être écarté.

20. Compte tenu de ce qui a été dit au point 14 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée ne pourra qu'être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que, Mme C... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... E..., au ministre de l'intérieur et Me A... B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA00856 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19D000856
Date de la décision : 26/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CAMAIL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-26;19d000856 ?
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