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24/09/2019 | FRANCE | N°19DA01098

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 24 septembre 2019, 19DA01098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1901372 du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'a

nnuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1901372 du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ou, à défaut, la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-670/16 du 26 juillet 2017 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité guinéenne, née le 5 juin 1999, a sollicité le bénéfice de l'asile le 28 novembre 2018. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités espagnoles le 16 novembre 2018. Le préfet du Nord a, le 29 novembre 2018, saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge, en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 29 janvier 2019. Par un arrêté du 8 février 2019, le préfet du Nord a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles. Mme B... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il résulte des dispositions de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 604/2013 ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-670/16, qu'au sens de cet article, une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. La cour a également précisé, dans cet arrêt, que, pour pouvoir engager efficacement le processus de détermination de l'Etat responsable, l'autorité compétente a besoin d'être informée, de manière certaine, du fait qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité une protection internationale, sans qu'il soit nécessaire que le document écrit dressé à cette fin revête une forme précisément déterminée ou qu'il comporte des éléments supplémentaires pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, a fortiori, pour l'examen au fond de la demande, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure qu'un entretien individuel ait déjà été organisé (point 88).

3. Lorsque l'autorité compétente pour assurer au nom de l'Etat français l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a, ainsi que le permet l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévu que les demandes de protection internationale doivent être présentées auprès de l'une des personnes morales qui ont passé avec l'OFII la convention prévue à l'article L. 744-1 de ce code, la date à laquelle cette personne morale, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l'intention de ce dernier de solliciter la protection internationale doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande de protection internationale et fait donc courir le délai de trois mois fixé par l'article 23, paragraphe 2, de ce règlement. L'objectif de célérité dans le processus de détermination de l'Etat responsable, rappelé par l'arrêt précité de la CJUE, serait en effet compromis si le point de départ de ce délai devait être fixé à la date à laquelle ce ressortissant se présente au " guichet unique des demandeurs d'asile " (GUDA) de la préfecture ou celle à laquelle sa demande est enregistrée par la préfecture.

4. Mme B... soutient qu'elle a introduit sa demande d'asile dans le cadre du premier accueil des demandeurs d'asile, le 31 octobre 2018 et qu'ainsi, le préfet du Nord ne pouvait fonder l'arrêté litigieux sur la circonstance que la consultation des données de l'unité centrale Eurodac avait révélé que ses empreintes avaient été relevées, préalablement au dépôt de sa demande d'asile, par les autorités espagnoles le 16 novembre 2018. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Nord lui-même, en particulier de la convocation, établie sur papier à en-tête de la République française, qui a été remise à Mme B... en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique de la préfecture du Nord, prévu pour le 28 novembre 2018, que celle-ci est datée du 31 octobre 2018 et lui a été délivrée par le service de premier accueil du Nord, guichet unique de Lille. Dans ces conditions, la demande de protection internationale formée par Mme B..., au sens de l'article 20 du règlement précité, doit être regardée comme ayant été introduite le 31 octobre 2018 et non à la date du rendez-vous en préfecture de l'intéressé le 28 novembre suivant. A la date du 31 octobre 2018, il n'est pas établi que la requérante aurait fait l'objet d'un enregistrement dans la base Eurodac, ni qu'elle aurait irrégulièrement franchi la frontière d'un autre Etat membre. Par suite, le préfet ne pouvait légalement se fonder sur le relevé des empreintes de Mme B... le 16 novembre 2018 en Espagne pour en déduire qu'il s'agissait de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile et lui adresser une demande de prise en charge de l'intéressée.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2019 ordonnant son transfert aux autorités espagnoles.

Sur les frais de l'instance :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901372 du 12 mars 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Nord ordonnant le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... et à Me D... C....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°19DA01098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01098
Date de la décision : 24/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-24;19da01098 ?
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