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22/08/2019 | FRANCE | N°19DA00825

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 22 août 2019, 19DA00825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804576 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2019, Mme A... E..., représentée par Me C... B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804576 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2019, Mme A... E..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans d'un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas démontré que le rapport médical a été préalablement transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne permet pas de vérifier que le médecin auteur du rapport ne siégeait pas au sein du collège ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, le préfet de la Seine-Maritime de conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 juin 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2019 à 12h00.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante russe née le 9 avril 1961, déclare être entré sur le territoire français le 16 juin 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 décembre 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2017. En raison de son état de santé, elle a sollicité le 11 décembre 2017, un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 novembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme E... relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

3. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment de l'attestation établie le 18 décembre 2018 par le directeur territorial de Rouen de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le docteur Marc Baril a rédigé le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a été transmis au collège des médecins le 11 juillet 2018. Il ressort en outre de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 septembre 2018, que le docteur Baril n'a pas siégé au sein de ce collège, qui était composé par les docteurs Amoussou, Benazouz et Joseph. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

4. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme E... souffre de syndrome post-traumatique avec un risque suicidaire. Par un avis du 21 septembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, l'intéressée verse au dossier un certificat médical établi le 15 décembre 2018 peu circonstancié, le certificat médical confidentiel du 14 février 2018 ainsi que de la documentation générale sur la prise en charge des troubles psychiatriques en Tchétchénie. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de démontrer qu'elle ne pourrait pas effectivement avoir accès à un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. Mme E... déclare être entrée le 16 juin 2016. Si elle se prévaut de la présence, sur le territoire français, de trois de ses filles ainsi que de l'intégration sociale de ses petits-enfants, elle n'établit pas qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans et où résident deux de ses enfants. Elle ne démontre pas qu'elle aurait noué des liens sociaux d'une particulière intensité sur le territoire français. Si elle allègue qu'elle aurait rompu tout lien avec l'une de ses filles dans son pays d'origine depuis son mariage avec le fils d'un responsable politique tchétchène, elle ne produit aucun élément probant. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté, au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris. Par suite, cette autorité n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 5, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. Il résulte de ce qui précède que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

11. La décision fixant le pays de destination comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. Mme E... soutient qu'elle encourt des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison du fait que sa fille et son gendre ont obtenu le statut de réfugié en France. Toutefois, elle n'établit pas qu'elle pourrait être exposée personnellement et actuellement à de tels traitements, en cas de retour en Tchétchénie. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant le pays de destination, la préfète de la Seine-Maritime ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'une astreinte ainsi que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Valérie Petit, président-assesseur,

- M. Hervé Cassara, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 août 2019.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : V. PETITLe président de chambre

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

N°19DA00825 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00825
Date de la décision : 22/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-08-22;19da00825 ?
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