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18/07/2019 | FRANCE | N°19DA00185

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 19DA00185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1804323 du 20 novembre 2018, la magistrate désignée par le prés

ident du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1804323 du 20 novembre 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, Mme C... B..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissant surinamienne née en 1971, a été interpellée dans un aéroport parisien le 23 décembre 2017 alors qu'elle tentait d'importer des produits stupéfiants sur le territoire français. Elle a été condamnée pour ces faits à une peine d'emprisonnement ferme exécutée, en dernier lieu, à la maison d'arrêt de Rouen. Par un arrêté du 18 septembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le Surinam comme pays de destination de son éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Mme B... a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande comme tardive, et par suite irrecevable.

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / III. - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) / IV. - Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure prévue au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil ".

3. D'une part, par sa décision n° 2018-741 QPC du 19 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que le délai de recours contentieux de quarante-huit heures prévu par les dispositions citées au point précédent pour la contestation d'une mesure d'éloignement notifiée par voie administrative ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur et des garanties prévues par ces dispositions, dont il appartient à l'administration d'assurer l'effectivité, en particulier lorsque l'étranger est détenu. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié, le 18 septembre 2018 à la maison d'arrêt de Rouen, d'une audition par un agent de police judiciaire avec l'assistance téléphonique d'une interprète en langue Sranan Tongoe, qu'elle a déclaré comprendre. Au terme de cette audition, la préfète de la Seine-Maritime a décidé, par l'arrêté en litige, de l'obliger à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Il résulte des mentions du procès-verbal de notification versé au dossier par la préfecture de la Seine-Maritime et signé par Mme B... que cet arrêté lui a été notifié immédiatement par voie administrative, avec l'assistance de la même interprète. A cette occasion, elle s'est vue remettre une copie de l'arrêté en litige et a été informée des voies et délais de recours, de la possibilité de transmettre son recours par l'intermédiaire de la maison d'arrêt, de prendre connaissance de son dossier, de bénéficier du concours d'un interprète et d'aviser un avocat, son consulat ainsi que toute autre personne de son choix. Si l'appelante soutient qu'aucune copie de l'arrêté contesté ne lui a été remise et qu'elle n'a pas compris la portée de la décision prise par la préfète de la Seine-Maritime à son encontre, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les indications du procès-verbal de notification et ne conteste pas avoir bénéficié de l'assistance d'une interprète. Dès lors, la notification de l'arrêté en litige ayant été réalisée dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 2, elle était de nature à déclencher le délai de recours contentieux de quarante-huit heures.

5. Il est vrai que, lorsque les conditions de détention portent atteinte au droit à un recours effectif en ne mettant pas le détenu en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir.

6. Toutefois, Mme B... a été immédiatement informée, ainsi qu'il a été dit au point 4, de la possibilité de demander l'assistance d'un interprète ou d'un avocat. Elle avait la possibilité de demander l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre dans le respect des délais impartis par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en s'adressant au greffe de la maison d'arrêt. Elle ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de le faire par l'administration pénitentiaire, ou que les contraintes matérielles inhérentes à sa détention auraient fait obstacle à ce qu'elle puisse faire valoir ses droits. Au contraire, elle indique elle-même n'avoir effectué aucune démarche en ce sens jusqu'à l'enregistrement de sa demande par le tribunal administratif de Rouen, le 16 novembre 2018.

7. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux, déclenché par la notification de l'arrêté en litige réalisée le 18 septembre 2018 dans les conditions rappelées au point 4, expirait le 20 septembre 2018. Dès lors, la demande de Mme B..., enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Rouen le 16 novembre 2018, était tardive, et par suite irrecevable. En la rejetant comme telle, la magistrate désignée par le président de ce tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A... D....

N°19DA00185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00185
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;19da00185 ?
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