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18/07/2019 | FRANCE | N°18DA02538

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 18DA02538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802779 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 13 décembre 2018, Mme M'B... C... épouse A..., représentée par la SELARL Deloge-Bah...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802779 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2018, Mme M'B... C... épouse A..., représentée par la SELARL Deloge-Bahma, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante marocaine née le 30 juin 1950, est entrée en France le 28 janvier 2017 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa valable du 26 avril 2016 au 25 avril 2017. Par un arrêté du 19 février 2018, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle avait sollicité en se prévalant de son état de santé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... épouse A... relève appel du jugement du 9 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision rejetant la demande de titre de séjour :

2. La décision comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'OFII ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre ". L'article 3 de cet arrêté dispose que : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office (...) ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 12 février 2018, le collège de médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de Mme C... épouse A... nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ci-dessus reproduites, Mme C... épouse A..., qui invoque le diabète de type II et l'affection cardio-vasculaire dont elle est atteinte, se borne à soutenir que l'avis du collège de l'OFII quant à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé marocain est inadéquat, car ne reposant pas sur une analyse individualisée de sa situation personnelle. Les éléments produits par Mme C... épouse A..., s'ils confirment les pathologies de celle-ci, ne comportent aucune appréciation ni aucun élément probant sur l'impossibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et ne remettent ainsi pas en cause la teneur de l'avis de l'OFII, lequel n'avait d'ailleurs pas, en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017, à détailler les motifs pour lesquels le collège de médecins a considéré qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, l'intéressée peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Si Mme C... épouse A... établit que quatre de ses sept enfants résident régulièrement en France, elle n'est cependant pas isolée dans son pays d'origine, ou résident ses trois autres enfants, et où elle a toujours vécu, y compris après le décès de son époux, jusqu'à son arrivée très récente en France, à l'âge de 66 ans. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme C... épouse A... en France, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est illégale.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

9. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... épouse A... ne pourrait effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En se prévalant uniquement de son état de santé, alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie au Maroc, Mme C... épouse A... n'établit pas être exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M'B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02538
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL DELOGE - BAHMA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;18da02538 ?
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