Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éloignement.
Par un jugement n° 1804218 du 13 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 avril 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du 5 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. F....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant guinéen, est entré en France le 21 mars 2016 et a présenté une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 août 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 février 2018. Par un arrêté du 5 avril 2018, le préfet du Nord a refusé de délivrer à M. F... la carte de résident qu'implique la reconnaissance de la qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit. M. F... a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté. Par un jugement du 13 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 avril 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination de l'éloignement de M. F... et rejeté le surplus de la demande. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation partielle de son arrêté du 5 avril 2018. M. F... demande, par voie d'appel incident, l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance de la carte de résident.
Sur la légalité de la décision relative au séjour :
2. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A... C..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment, en cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions de refus de titre de séjour. Dès lors, M. F... n'est pas fondé à soutenir que cette décision a été prise par une autorité incompétente.
3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. F... n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet du Nord du 5 avril 2018, en tant qu'il refuse de lui délivrer la carte de résident qu'implique le statut de réfugié.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
4. La délégation de signature consentie par le préfet du Nord à Mme C..., par l'arrêté du 19 mars 2018 cité au point 2, lui permet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1er liste un certain nombre de décisions parmi lesquelles se trouvent notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. D... n'aurait pas été absent ou empêché. Mme C... était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des éventuelles incohérences qui entacheraient d'autres articles de l'arrêté. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. F... :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
7. L'arrêté en litige, en tant qu'il fait obligation à M. F... de quitter le territoire français, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
8. M. F... a sollicité son admission au séjour le 28 avril 2016. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure. Au demeurant, l'intéressé ne précise pas quels sont les éléments propres à sa situation personnelle qu'il aurait pu faire valoir et qui auraient été de nature à conduire le préfet du Nord à ne pas lui faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à l'intervention d'une mesure d'éloignement, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.
9. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
10. Le préfet du Nord produit un extrait de la base de données " Telemofpra ", relative à l'état des procédures des demandes d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. F... lui a été notifiée le 15 mars 2018. L'intéressé, qui ne fait état d'aucun élément contraire, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le 5 avril 2018, date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, il bénéficiait du droit de se maintenir en France, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10 que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que M. F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 5 avril 2018, en tant qu'il fait obligation à M. F... de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il doit être reconduit. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. F... n'est quant à lui pas fondé à soutenir que c'est à tort que le même jugement a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 13 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. F... et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., au ministre de l'intérieur et à Me B... G....
N°18DA01671