Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le préfet de la Somme a ordonné la saisie provisoire de ses armes et munitions, subsidiairement du seul article 3 de cet arrêté en tant qu'il lui fait interdiction d'acquérir et de détenir des armes et munitions des catégories C et D.
Par un jugement n° 1500049 du 23 mars 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2017, et un mémoire, enregistré le 4 octobre 2018, M. A... C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui restituer toutes ses armes et munitions ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir le seul article 3 de l'arrêté du 23 octobre 2014 en tant qu'il lui fait interdiction d'acquérir et de détenir des armes et munitions des catégories C et D ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui restituer ses armes et munitions des catégories C et D ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2013-700 du 30 juillet 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". L'article L. 312-8 de ce code dispose que : " L'arme et les munitions faisant l'objet de la décision prévue à l'article L. 312-7 doivent être remises immédiatement (...) aux services de police ou de gendarmerie (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 312-9 : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci ". Aux termes de l'article L. 312-10 : " Il est interdit aux personnes dont l'arme et les munitions ont été saisies en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions, quelle que soit leur catégorie. / Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. / Cette interdiction cesse de produire effet si le représentant de l'Etat dans le département décide la restitution de l'arme et des munitions dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 312-9. Après la saisie définitive, elle peut être levée par le représentant de l'Etat dans le département en considération du comportement du demandeur ou de son état de santé depuis la décision de saisie ". Aux termes de l'article 63 du décret du 30 juillet 2013 portant application de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, alors en vigueur : " L'arme, les munitions et leurs éléments remis ou saisis provisoirement en application des articles L. 312-7 et L. 312-8 du code de la sécurité intérieure sont conservés, pendant une durée maximale d'un an, par les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. / A l'expiration de ce délai, le préfet prononce soit la restitution de cette arme et de ces munitions, soit leur saisie définitive, après avoir invité la personne qui détenait l'arme et les munitions à présenter ses observations, notamment quant à son souhait de les détenir à nouveau et quant aux éléments propres à établir que son comportement ou son état de santé ne présente plus de danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, au vu d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste mentionné à l'article 13 ".
2. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet s'est fondé sur le danger présenté par une personne pour lui ordonner de remettre une arme à l'autorité administrative, cette mesure emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions qui produit effet tant que le préfet n'a pas décidé la restitution de l'arme. Le préfet dispose d'un délai d'un an pour décider, après avoir invité la personne à présenter ses observations, la restitution ou la saisie définitive de l'arme. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'exercer un entier contrôle sur les décisions prises par l'autorité préfectorale en application de ces dispositions.
3. M. C... relève appel du jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le préfet de la Somme a, sur le fondement des dispositions citées au point 1, ordonné la saisie provisoire de ses armes et munitions.
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
4. La légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, et non à celle des faits sur lesquels elle repose. A la date de l'arrêté en litige, soit au 23 octobre 2014, le décret du 30 juillet 2013 mentionné au point 1 était entré en vigueur. Dès lors, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que ce décret est postérieur aux faits sur lesquels l'arrêté en litige est fondé pour soutenir que cet arrêté serait dépourvu de base légale ou entaché d'une erreur de droit.
Sur les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation :
5. L'arrêté en litige est fondé, notamment, sur les mentions figurant sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. C..., faisant apparaître que celui-ci a fait l'objet de deux condamnations pénales, la première prononcée par le tribunal correctionnel d'Abbeville le 10 mars 2003 pour des faits de détention sans autorisation d'arme ou munition de catégorie 1 ou 4, commis le 22 octobre 2002, et la seconde prononcée par le même tribunal le 12 octobre 2009 pour des faits de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité, commis le 31 mai 2008, et pour lesquels il a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis.
6. Cet arrêté est également fondé sur un compte rendu d'enquête de moralité et de voisinage établi le 12 septembre 2014 par le service de renseignement régional territorial de la Somme, qui comporte en annexe la liste des mentions inscrites au système de traitement des antécédents judiciaires concernant M. C.... Y figurent, notamment, les infractions suivantes, qui auraient été commises par M. C... : menace de mort (Beauval-en-Caux, 2009), destruction et dégradation de véhicules privés (Beauval-en-Caux, 2009), autres violences volontaires (Vismes, 2008), menaces et intimidation contre une personne dépositaire de l'autorité publique (Vismes, 2008), port ou détention d'armes prohibées (Vismes, 2002), violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours (Abbeville, 2002), menaces ou chantages dans d'autres buts (Manneville, 1999). Ces faits sont distincts de ceux pour lesquels M. C... a été relaxé par jugements correctionnels des 26 janvier 2016 et 20 octobre 2016. Si M. C... n'a fait l'objet d'aucune condamnation à raison de ces faits, il n'apporte aucune précision sur leur contexte ni ne conteste sérieusement avoir alors adopté un comportement violent le conduisant notamment à proférer des menaces.
7. Les faits ayant donné lieux aux condamnations mentionnées au point 5 et les faits de violence mentionnés au point 6 sont de nature, à eux seuls, à justifier le prononcé d'une remise provisoire à l'autorité administrative de toutes les armes et munitions, y compris celles des catégories C et D. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Somme, s'il s'était fondé sur ces seuls faits, aurait pris la même décision. Il suit de là que l'éventuelle illégalité du motif de l'arrêté en litige tiré de ce que M. C... aurait proféré des menaces le 3 juin 2013 est ainsi sans incidence sur sa légalité. En tout état de cause, M. C... ne peut se prévaloir de l'autorité absolue qui s'attacherait au jugement correctionnel du 21 novembre 2013 par lequel il a été relaxé de ce chef d'accusation dès lors qu'en se bornant, pour prononcer cette relaxe, à indiquer qu' " il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer des fins de la poursuite C... Régis ", le tribunal de grande instance d'Amiens n'a procédé à aucune constatation de fait à laquelle s'attacherait l'autorité absolue de la chose jugée.
8. Contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté en litige est fondé sur le caractère dangereux pour lui-même ou pour autrui de son comportement, et non de son état de santé. M. C... ne peut ainsi utilement soutenir que le préfet de la Somme a commis une erreur d'appréciation en estimant son état de santé dangereux pour lui-même ou autrui.
9. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
Sur le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété :
10. Eu égard au caractère proportionné de la mesure qui a été prise par le préfet en application de la loi pour assurer la protection de l'ordre public, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le dessaisissement dont il a fait l'objet porterait une atteinte illégale à son droit de propriété.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est d'ailleurs entaché d'aucune insuffisance de motivation, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du procès doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
N°17DA00991 2