La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2019 | FRANCE | N°18DA01578

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (ter), 09 juillet 2019, 18DA01578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté pris à son encontre le 16 janvier 2018 par le préfet du Nord.

Par un jugement n° 1800488 du 12 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, Mme A..., r

eprésentée par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté pris à son encontre le 16 janvier 2018 par le préfet du Nord.

Par un jugement n° 1800488 du 12 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, Mme A..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Nord du 16 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de procéder à un réexamen de sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., née le 14 avril 1963, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 26 août 2013 afin d'y demander l'asile. Sa demande d'asile ayant été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, elle a fait l'objet d'un arrêté du préfet de police de Paris le 7 juillet 2015 l'obligeant à quitter le territoire. Le 16 janvier 2018, à la suite de son interpellation par les services de police, le 15 janvier 2018, Mme A...a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Nord l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi. Elle fait appel du jugement du 12 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".

3. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

4. Il ressort des pièces du dossier que lors de son audition par un officier de police judiciaire, à la suite de son interpellation, Mme A... a déclaré avoir des " problèmes médicaux, de coeur, de tension et de thyroïde " pour lesquels elle devait suivre un traitement à vie. Pendant sa retenue par la police, Mme A... a, à sa demande, été examinée par un médecin afin qu'il se prononce sur son aptitude au maintien en retenue. Celui-ci a conclu que l'état de santé de l'intéressée était compatible avec son maintien en retenue, mais a relevé qu'elle suivait un traitement incluant du Levotyrox. Ces éléments suffisamment précis, que le préfet du Nord ne pouvait ignorer, révélaient que Mme A... était susceptible d'entrer dans la catégorie d'étrangers qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En s'abstenant d'engager la procédure de consultation du collège de médecins de l'OFII, le préfet du Nord, qui a ainsi privé Mme A... d'une garantie, a entaché d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, ainsi que la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire et celle fixant le pays de renvoi prises sur le fondement de cette obligation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation des décisions du 16 janvier 2018 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Compte tenu des motifs sur lesquels repose l'annulation de l'arrêté contesté, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800488 du 12 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les décisions obligeant Mme A... à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du préfet du Nord du 16 janvier 2018 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de se prononcer sur la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.

2

N°18DA01578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA01578
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-09;18da01578 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award