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09/07/2019 | FRANCE | N°17DA02173,17DA02174,18DA00041

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 09 juillet 2019, 17DA02173,17DA02174,18DA00041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...W..., M. et Mme B...F..., M. et Mme C...J..., Mme O...L..., M. et Mme K...N..., Mme S...G..., M. U...G..., M. et Mme D...R..., M. T...I...et M. C...E...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, par une première demande enregistrée sous le n° 1501459, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet de la région Picardie a autorisé la société " Parc Eolien Nordex III " à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Voharies, Saint-Gobert, Lugny et Houry, et,

par une seconde demande enregistrée sous le n° 1600209, d'annuler l'arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...W..., M. et Mme B...F..., M. et Mme C...J..., Mme O...L..., M. et Mme K...N..., Mme S...G..., M. U...G..., M. et Mme D...R..., M. T...I...et M. C...E...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, par une première demande enregistrée sous le n° 1501459, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet de la région Picardie a autorisé la société " Parc Eolien Nordex III " à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Voharies, Saint-Gobert, Lugny et Houry, et, par une seconde demande enregistrée sous le n° 1600209, d'annuler l'arrêté du 22 mai 2015 par lequel le préfet de la région Picardie a modifié cet arrêté du 6 novembre 2014.

Par un jugement nos 1501459,1600209 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint ces deux demandes et donné acte du désistement de Mme V...J..., a annulé ces arrêtés des 6 novembre 2014 et 22 mai 2015.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017 sous le n° 17DA02173, et un mémoire, enregistré le 13 juin 2019, la société " Parc éolien Nordex III ", représentée par la société d'avocats LPA-CGR, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) ou, à défaut, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation par la délivrance d'une autorisation modificative ;

4°) de mettre à la charge de chacun des appelants la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, entaché d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs, est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrégulier l'avis émis par le préfet de la région Picardie en sa qualité d'autorité environnementale, aucune disposition ne faisant obstacle à ce qu'une même autorité autorise un projet éolien et soit chargée de la consultation en matière environnementale ;

- l'éventuelle irrégularité de cet avis n'a pas, en l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises, ni privé les intéressés d'une garantie ;

- si le moyen tiré de ce vice devait être confirmé, il y aurait lieu, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer dans l'attente de sa régularisation par la délivrance d'une autorisation modificative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé insuffisantes les indications relatives aux capacités techniques et financières contenues dans le dossier de demande ;

- l'éventuelle insuffisance de ces indications n'a pas, en l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises, ni privé les intéressés d'une garantie ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, et autre mémoire, enregistré le 18 juin 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme A...W..., M. et Mme B...F..., Mme O...L..., M. U...G..., Mme S...G..., M. et Mme D...R..., M. T...I...et M. C...E..., représentés par Me P...H..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat et de la société " Parc éolien Nordex III " de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les arrêtés en litige méconnaissent les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement.

II. Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017 sous le n° 17DA02174, la société " Parc éolien Nordex III ", représentée par la société d'avocats LPA-CGR, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement, sur le fondement soit de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, soit de l'article R. 811-17 du même code ;

2°) de mettre à la charge des appelants la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la demande de sursis fondée sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative :

- le jugement, entaché d'une insuffisance de motivation, est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrégulier l'avis émis par le préfet de la région Picardie en sa qualité d'autorité environnementale, aucune disposition ne faisant obstacle à ce qu'une même autorité autorise un projet éolien et soit chargée de la consultation en matière environnementale ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé insuffisantes les indications relatives aux capacités techniques et financières contenues dans le dossier de demande ;

- en ce qui concerne la demande de sursis fondée sur l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences irréparables ;

- le jugement est irrégulier et mal-fondé, pour les mêmes raisons que celles invoquées à l'appui de la demande de sursis fondée sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, M. et Mme A...W..., M. et Mme B...F..., Mme O...L..., Mme S...G..., M. U...G..., M. et Mme D...R..., M. T...I...et M. C...E..., représentés par Me P...H..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat et de la société " Parc éolien Nordex III " de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

III. Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2018 sous le n° 18DA00041, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Amiens.

Le ministre soutient que :

- le jugement attaqué, entaché d'une insuffisance de motivation, est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrégulier l'avis émis par le préfet de la région Picardie en sa qualité d'autorité environnementale, aucune disposition ne faisant obstacle à ce qu'une même autorité autorise un projet éolien et soit chargée de la consultation en matière environnementale ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé insuffisantes les indications relatives aux capacités techniques et financières contenues dans le dossier de demande ;

- les autres moyens des demandeurs ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, M. et Mme A...W..., M. et Mme B...F..., Mme O...L..., Mme S...G..., M. U...G..., M. et Mme D...R..., M. T...I...et M. C...E..., représentés par Me P...H..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat et de la société " Parc éolien Nordex III " de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 juin 2019, la société " Parc éolien Nordex III ", représentée par la société d'avocats LPA-CGR, demande à la cour :

1°) de faire droit aux conclusions de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) ou, à défaut, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation par la délivrance d'une autorisation modificative ;

4°) de mettre à la charge de chacun des intimés le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, entaché d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs, est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrégulier l'avis émis par le préfet de la région Picardie en sa qualité d'autorité environnementale, aucune disposition ne faisant obstacle à ce qu'une même autorité autorise un projet éolien et soit chargée de la consultation en matière environnementale ;

- l'éventuelle irrégularité de cet avis n'a pas, en l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises, ni privé les intéressés d'une garantie ;

- si le moyen tiré de ce vice devait être confirmé, il y aurait lieu, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer dans l'attente de sa régularisation par la délivrance d'une autorisation modificative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé insuffisantes les indications relatives aux capacités techniques et financières contenues dans le dossier de demande ;

- l'éventuelle insuffisance de ces indications n'a pas, en l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises, ni privé les intéressés d'une garantie ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement n'est pas fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2009-235 du 27 février 2009 ;

- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;

- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me Q...M..., représentant la société " Parc éolien Nordex III ", et de Me P...H..., représentant M. et Mme A...W...et autres.

Deux notes en délibéré présentées par la société " Parc éolien Nordex III " ont été enregistrées le 26 juin 2019, dans les requêtes n°17DA02173 et n° 18DA00041.

Considérant ce qui suit :

1. La société " Parc éolien Nordex III " a déposé le 4 janvier 2012, et complété le 18 février 2013, une demande d'autorisation d'exploitation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement portant sur un parc éolien composé de six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Voharies, Saint-Gobert, Lugny et Houry. Le préfet de la région Picardie, qui, par un arrêté du 14 juin 2012, avait évoqué la compétence des préfets de départements en matière d'éoliens, a accordé cette autorisation par un arrêté du 6 novembre 2014, et l'a modifiée par un arrêté du 22 mai 2015. La société " Parc éolien Nordex III " sous le n° 17DA02173, et le ministre de la transition écologique et solidaire sous le n° 18DA00041, relèvent appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. et Mme A...W..., de M. et Mme B...F...,de M. et Mme C...J..., de Mme O...L..., de M. et Mme K...N..., de Mme S...G..., de M. U...G..., de M. et Mme D...R..., de M. T...I...et de M. C...E..., annulé ces arrêtés. La société " Parc éolien Nordex III " demande également, par une requête distincte enregistrée sous le n° 17DA02174, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 ou de celles de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Le jugement attaqué cite les dispositions, dans leur rédaction applicable, du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, prévoyant la transmission pour avis à l'autorité environnementale du dossier présentant le projet, et notamment de l'étude d'impact, et du III de l'article R. 122-6 du même code, désignant comme autorité environnementale le préfet de région dans les cas ne relevant pas du I ou du II. Ce jugement mentionne également l'arrêté du 14 juin 2012, par lequel le préfet de la région Picardie a décidé, à compter du 30 juin 2012 et jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard, d'évoquer la compétence des préfets de départements, afin d'assurer " à l'échelle des trois départements de la région Picardie, l'harmonisation de l'instruction des dossiers et des décisions accordant ou refusant les permis de construire et les autorisations d'exploiter les éoliennes terrestres ". Les premiers juges ont ainsi déduit de l'application de ces dispositions du code de l'environnement et de cet arrêté du 14 juin 2012 que " le préfet de la région Picardie exerçait simultanément les fonctions d'autorité décisionnaire en ce qui concerne l'autorisation d'exploiter le parc éolien de Vilpion par la société "Parc éolien Nordex III" et d'autorité environnementale chargée d'émettre un avis sur la demande correspondante de cette société ". Pour accueillir le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis le 27 mai 2013 par le préfet de la région Picardie en sa qualité d'autorité environnementale, ils ont estimé que " les requérants sont fondés à soutenir que cette réunion de la compétence décisionnaire et de la compétence environnementale dans une même autorité n'est pas de nature à garantir que la compétence consultative en matière environnementale serait exercée, par cette autorité, dans des conditions assurant que l'autorité environnementale disposait d'une autonomie effective ". Mais ils n'ont pas exposé les motifs de droit en vertu desquels cette autonomie effective devait être assurée, alors que les dispositions du code de l'environnement précédemment citées ne l'exigent pas, et qu'il leur appartenait ainsi, pour motiver en droit leur jugement, d'indiquer quelle est la règle, en l'espèce la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, qui impose cette autonomie effective et avec laquelle, en conséquence, ces dispositions du droit national sont incompatibles. Le jugement attaqué est, ainsi, insuffisamment motivé et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme W...et autres devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs :

6. Aux termes du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement relatif au contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7-3 à L. 512-7-5, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 512-20, L. 513-1, L. 514-4, du I de l'article L. 515-13 et de l'article L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ". Selon les dispositions de l'article R. 514-3-1 du même code, dans leur version alors applicable : " Sans préjudice de l'application des articles L. 515-27 et L. 553-4, les décisions mentionnées au I de l'article L. 514-6 et aux articles L. 211-6, L. 214-10 et L. 216-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / - par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions (...) ".

7. En application de ces dispositions, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.

8. Il résulte de l'instruction que M. et Mme W...et autres sont propriétaires ou occupants de terrains situés à des distances variant de 600 à 2 150 mètres par rapport à un ou plusieurs des six aérogénérateurs, lesquels, d'une hauteur d'environ 150 mètres, seront visibles à partir de ces terrains ainsi qu'il ressort des photomontages versés au dossier. Si la société " Parc éolien Nordex III " fait valoir que ces photomontages dont la méthodologie ne serait pas indiquée seraient faussés par l'usage du contre-jour, une couleur grise pour les mâts et une focale trop importante, ces éléments, s'ils peuvent amplifier la prégnance des éoliennes dans le paysage en cause, n'exagèrent pas pour autant leur visibilité depuis les parcelles en cause, situation qui est d'ailleurs corroborée par le tableau de comparaison altimétrique produit par les requérants. Si cette même société fait également valoir que l'éolienne n° 6 ne serait pas visible depuis le point de vue adopté depuis le terrain de M.J..., à supposer cette allégation avérée, les éoliennes nos 4 et 5 sont également visibles depuis ce terrain. La modification substantielle de l'environnement visuel des intéressés leur donne ainsi intérêt pour agir contre les arrêtés attaqués des 6 novembre 2014 et 22 mai 2015. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la société " Parc éolien Nordex III " doivent être rejetées.

Sur la légalité des arrêtés des 6 novembre 2014 et 22 mai 2015 :

En ce qui concerne la compétence du préfet de région :

9. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " (...) le préfet de région peut également évoquer, par arrêté et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département ".

10. Par un arrêté du 14 juin 2012, le préfet de la région Picardie, préfet de la Somme, a décidé d'évoquer les compétences des préfets de département à compter du 30 juin 2012 jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard, afin d'assurer " à l'échelle des trois départements de la région Picardie, l'harmonisation de l'instruction des dossiers et des décisions accordant ou refusant les permis de construire et les autorisations d'exploiter les éoliennes terrestres ". Cet arrêté permet ainsi, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 ci-dessus reproduites, de coordonner, pour une durée limitée, l'instruction et la délivrance des autorisations d'exploiter susceptibles de favoriser le développement de l'énergie éolienne et de respecter ainsi les objectifs internationaux de la France relatifs à la réduction des gaz à effet de serre visés dans l'arrêté préfectoral d'évocation. La circonstance alléguée que la procédure d'élaboration du schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Picardie comprenant le schéma régional éolien n'avait pas encore été engagée à la date de cet arrêté du 14 juin 2012 est sans incidence sur la légalité de celui-ci dès lors que le préfet de région a entendu maintenir un cadre d'implantation cohérent des éoliennes en Picardie.

11. Par suite, M. et Mme A...W...et autres ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de région n'avait pas régulièrement évoqué sa compétence relative à la délivrance des autorisations d'exploiter les éoliennes et que, par conséquent, les arrêtés préfectoraux en litige auraient été signés par une autorité incompétente.

En ce qui concerne l'insuffisante indication des capacités techniques et financières dans le dossier de demande d'autorisation :

12. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

13. Aux termes de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date des arrêtés en litige : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : / (...) 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement est tenu de fournir, à l'appui de son dossier, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

15. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société " Parc éolien Nordex III " expose que celle-ci est une société de projet, sous-filiale à 100 % du groupe Nordex SE, spécialisé dans la construction et l'exploitation de parcs éoliens. Elle indique que l'investissement nécessaire au projet doit être financé à hauteur de 80 % par un emprunt bancaire qui ne pourra être conclu qu'au moment de l'obtention de l'autorisation, de sorte que la pétitionnaire n'est pas en mesure de justifier, au moment du dépôt de sa demande, de l'engagement financier d'un établissement bancaire. Il résulte des dispositions citées au point 13 et des principes rappelés au point précédent que si le demandeur entend se prévaloir de capacités financières qui lui sont fournies par des tiers, celles-ci doivent être suffisamment certaines. Dans la mesure où l'investissement nécessaire à la réalisation de l'opération nécessite, en l'espèce, le recours à un emprunt bancaire représentant 80 % du montant total de cet investissement, et malgré les indications données par la pétitionnaire selon lesquelles l'octroi de ce prêt présente un caractère suffisamment certain, cette condition ne saurait être regardée comme remplie en l'espèce. Dès lors, la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société " Parc éolien Nordex III " ne satisfaisait pas à l'exigence prévue par le 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement.

16. Toutefois, il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploitation de la pétitionnaire rappelle que, s'agissant d'un projet de construction et d'exploitation d'un parc éolien, la totalité de l'investissement requis est réalisée avant la mise en service de l'installation, les charges d'exploitation du parc étant très faibles par rapport au montant de cet investissement initial et très prévisibles dans leur montant. Elle expose, de façon précise, que la construction de parcs éoliens donne lieu, de manière habituelle, à des prêts sans recours de la part d'établissements bancaires, ceux-ci considérant que les flux de trésorerie futurs sont suffisamment sûrs, compte tenu des études de vent réalisées au préalable et de l'obligation d'achat de l'électricité produite par EDF à un tarif garanti, pour rembourser l'emprunt en dehors de toute garantie fournie par les actionnaires du parc. Par ailleurs, la demande indique que l'investissement sera financé, à hauteur des 20 % restants, par un apport en capital des actionnaires de la société " Parc éolien Nordex III ", et donne des précisions sur les activités du groupe Nordex SE dans le secteur de l'énergie éolienne et sur les principaux éléments financiers et comptables de celui-ci. Enfin, la société " Parc éolien Nordex III " s'engageait à constituer les garanties financières qui sont imposées par la loi en vue du démantèlement du parc éolien à l'issue de son exploitation. Cette demande d'autorisation d'exploitation expose ainsi, de façon complète, les modalités selon lesquelles la pétitionnaire entend financer l'investissement requis pour la réalisation de son projet et les raisons pour lesquelles ce type de financement est communément pratiqué dans le secteur de l'énergie éolienne. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'absence, dans ce dossier, d'engagement ferme d'un établissement bancaire d'octroyer à la société " Parc éolien Nordex III " le prêt requis pour son projet n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que cette lacune du dossier a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Par conséquent, et compte tenu des principes rappelés au point 12, cette lacune ne saurait être regardée comme constituant un vice de procédure de nature à entacher d'illégalité l'autorisation d'exploitation délivrée par le préfet de la région Picardie.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 16 que le moyen tiré de l'insuffisante indication des capacités techniques et financières dans le dossier de demande d'autorisation doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'avis émis par l'autorité environnementale :

18. La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement vise à ce que l'autorisation de réaliser de tels projets ne soit accordée qu'après une évaluation des incidences notables sur l'environnement, réalisée sur la base d'informations appropriées. À cette fin, elle prévoit notamment, à son article 6 paragraphe 1, que : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les Etats membres ".

19. L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". L'article R. 122-6 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle a été émis l'avis de l'autorité environnementale au vu duquel le préfet de la région Picardie a pris l'arrêté du 6 novembre 2014, prévoit que : " (...) III.- Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé (...) ".

20. La directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement comme la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ont pour finalité commune de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle " des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement ", il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

21. Le projet éolien autorisé par les arrêtés en litige des 6 novembre 2014 et 22 mai 2015 était préalablement soumis à la réalisation d'une étude d'impact en vertu de la rubrique 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur. Ce projet a en conséquence fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale visé au III de l'article L. 122-1 du même code, émis le 27 mai 2013 par le préfet de la région Picardie, conformément aux dispositions du III de l'article R. 122-6 du code de l'environnement rappelées au point 6, et préparé par la direction régionale pour l'environnement, l'aménagement du territoire et le logement (DREAL) de Picardie.

22. Ni cet article R. 122-6, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ont prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 20 du présent arrêt. Les dispositions de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable au litige, sont ainsi, en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis sans que soit prévu un tel dispositif, incompatibles avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 407601 du 28 décembre 2017 ainsi que dans sa décision n° 414930 du 13 mars 2019.

23. En l'espèce, la circonstance, alléguée sans autre précision par le ministre de la transition écologique et solidaire, que l'étude d'impact n'est entachée d'aucune insuffisance ne saurait, à elle seule, suffire à établir que l'avis émis le 27 mai 2013 aurait néanmoins répondu à ces mêmes objectifs.

24. L'évaluation environnementale a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement afin de respecter les objectifs des directives mentionnées ci-dessus. Compte tenu du rôle joué par l'autorité environnementale au début du processus d'évaluation, de l'autonomie dont cette autorité doit disposer, et de la portée de l'avis qu'elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre les objectifs en question. En l'espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles l'avis a été émis, rappelées au point précédent, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée et, en particulier, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre autorité compétente et objective en matière d'environnement aurait rendu un avis sur l'étude d'impact du projet.

25. Il résulte de ce qui a été dit aux points 18 à 24 que M. et Mme W...et autres sont fondés à soutenir que l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté du 6 novembre 2014, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 22 mai 2015.

En ce qui concerne la régularité de l'avis émis par le maire de Saint-Gobert :

26. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) 7° Dans le cas d'une installation à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le demandeur, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le demandeur (...) ".

27. Le principe d'impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté durant l'intégralité de la procédure d'instruction et de délivrance d'une autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, y compris, dès lors, dans la phase de consultation précédant la prise de décision.

28. Il résulte de l'instruction que le maire de Saint-Gobert a été consulté en application des dispositions citées au point 26. Ce maire, propriétaire de la parcelle cadastrée ZI n° 3 située sur le territoire de la commune de Voharies et sur laquelle doit être édifiée l'une des éoliennes du projet, était ainsi intéressé au projet. Cette consultation est dès lors viciée.

29. Cependant, cet avis porte uniquement, ainsi que le précisent expressément les dispositions de l'article R. 512-6 du code de l'environnement ci-dessus reproduites, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation, et non sur l'ensemble des aspects du projet éolien. En outre, cet avis est vicié dans la seule mesure où il porte sur l'une des six éoliennes. Dans ces conditions, cette irrégularité ne peut être regardée comme ayant exercé une influence sur la décision prise par le préfet de la région Picardie d'accorder l'autorisation sollicitée. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ce vice, eu égard notamment à l'objet de cet avis, aurait privé les intéressés d'une garantie.

30. Le moyen tiré de l'irrégularité affectant la consultation du maire de Saint-Gobert doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact :

31. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, alors en vigueur : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : 1° Une description du projet (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code, alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : / 1°) L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, (...) le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer (...) ".

32. D'une part, si la régularité de la procédure d'instruction d'une autorisation d'exploitation requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions ci-dessus reproduites, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents au regard desdites dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant du volet paysager :

33. L'étude d'impact comporte plusieurs cartes représentant l'ensemble des monuments historiques inscrits ou classés situés à proximité de la zone d'implantation des éoliennes projetées dans le cadre d'une évaluation de leur impact paysager, ainsi qu'une analyse de la présence d'autres parcs éoliens situés à proximité.

34. S'agissant du château du Marfontaine, inscrit au titre des monuments historiques et situé à environ 2 kilomètres du projet de parc éolien, il est constant que le dossier de demande d'autorisation comportait un photomontage démontrant une faible co-visibilité entre le château et le projet éolien. Si le dossier de demande n'incluait pas de photographies prises depuis ce château, l'étude d'impact fait état d'un écran végétal masquant la vue depuis celui-ci. M. et Mme W...et autres n'apportent aucun élément établissant une présomption de visibilité forte qui aurait rendu nécessaire la prise de photographies depuis ce château.

35. Des photographies du village de Saint-Gobert et de son église sont produites dans le volet paysager, lequel rappelle qu'elle n'a pas fait l'objet d'un classement. La circonstance que le dossier ne comporte pas de photomontage permettant d'apprécier l'impact du parc vis-à-vis du château de Saint-Gobert ou de l'église de Rougeries, n'a pas, malgré l'intérêt patrimonial de ces bâtiments, été, en l'espèce, de nature à vicier l'analyse de l'intégration paysagère du projet éolien critiqué, compte tenu des autres pièces du dossier qui permettent d'apprécier la position des installations projetées par rapport à ces édifices ainsi que leur impact qui est faible ou inexistant.

S'agissant du volet acoustique :

36. Pour évaluer l'incidence sonore des éoliennes en particulier au niveau du bourg de Saint-Gobert, deux points de mesures y ont été installés. La circonstance alléguée, et au demeurant non établie, que l'un d'eux était situé au niveau d'une habitation située à environ 625 mètres de l'éolienne la plus proche alors qu'une autre habitation est située à 580 mètres, ne caractérise pas, à elle seule, une insuffisance de l'étude acoustique, dès lors notamment qu'il n'est pas contesté que le volet acoustique de l'étude d'impact a été réalisé sur le base de six points de mesures et qu'il n'est pas contesté que ces points de mesures ont été placés à l'abri du vent, de la végétation et des infrastructures de transports proches.

37. Le volet acoustique de l'étude d'impact indique que " les niveaux de bruits mesurés sont très constants et proviennent essentiellement de la papeterie située juste à côté, dont l'activité (24h/24) prend le pas sur l'influence du vent ". Si M. et Mme W...et autres soutiennent, au demeurant sans le démontrer, que cette papeterie a cessé toute activité, il ne résulte pas de l'instruction que cette inexactitude, à la supposer établie, qui ne concerne que l'un des six points de mesure, ait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou qu'elle ait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

38. Les moyens tirés des insuffisances de l'étude d'impact doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne l'absence au dossier d'enquête publique des avis émis par le ministre en charge de l'aviation civile et par le ministre de la défense :

39. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. ". Aux termes de cet article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions du premier alinéa ont été abrogées à compter du 1er décembre 2010 pour être reprises à l'article L. 6352-1 du code des transports : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation dispose que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".

40. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement et en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord. Cependant, les dispositions ci-dessus reproduites, pas plus qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire, ne prévoient que ces accords devraient figurer dans le dossier de l'enquête publique relative à l'autorisation d'exploiter un parc éolien. Ainsi, ces avis, s'ils devaient être émis dans le cadre de l'instruction des permis de construire les éoliennes, n'avaient pas à être joints au dossier d'enquête publique préalable à la délivrance de l'autorisation d'exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. En tout état de cause, à supposer même que tel aurait dû être le cas, l'absence de ces avis favorables au dossier d'enquête publique n'a privé le public d'aucune garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision en litige. Par suite, une telle omission n'est pas de nature à entacher d'illégalité les arrêtés en litige.

41. Le moyen tiré de ce que ces avis n'ont pas été joints au dossier d'enquête publique préalable à la délivrance de l'autorisation d'exploiter doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les capacités techniques et financières :

42. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ". Ces dispositions modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 du code de l'environnement.

43. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

44. Il résulte de l'instruction que l'investissement nécessaire pour la réalisation du parc d'éolien en litige s'élève à 21 millions d'euros et doit être financé, ainsi qu'il a été dit au point 15, par un emprunt bancaire représentant 80 % de cette somme et par un apport de fonds propres de la société " Parc éolien Nordex III ". S'agissant de cet apport de fonds propres, le groupe Nordex SE s'est engagé à apporter " tant son soutien financier que son soutien technique à la société en vue de la réalisation et l'exploitation du projet conformément aux engagements pris dans la demande d'autorisation ". Les principaux éléments financiers et comptables du groupe Nordex SE sont présentés et permettent de garantir la réalité de ses propres capacités financières, la demande d'autorisation d'exploitation indiquant notamment qu'à la clôture de l'exercice 2010, le montant total des actifs du groupe s'élevait à 987 millions d'euros. S'agissant de l'emprunt bancaire, la société " Parc éolien Nordex III " produit devant la cour une lettre d'un établissement bancaire confirmant, en 2016, son intention de financer le projet par l'octroi d'un prêt sans recours, sous certaines conditions et notamment celle de l'obtention d'une autorisation d'exploitation purgée de tous recours. Par ailleurs, un plan d'affaires prévisionnel a été adressé à la préfecture de l'Aisne, indiquant les montants prévisionnels de chiffre d'affaires, de coûts et de flux de trésorerie du parc éolien avant et après impôts, notamment les charges et produits d'exploitation mettant en évidence les prestations de maintenance et les réserves éventuellement constituées pour faire face aux opérations de démantèlement. La société " Parc éolien Nordex III " expose, sans être sérieusement contredite, que l'équilibre financier de l'exploitation, une fois l'investissement initial réalisé, ne fait pas de doute, compte tenu en particulier de l'obligation d'achat de l'électricité produite à un tarif réglementé. Enfin, la société pétitionnaire s'est engagée à constituer les garanties qui sont en tout état de cause imposées par la loi dans la perspective des frais de remise en état du site à l'issue de l'exploitation. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les modalités selon lesquelles la pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation d'exploitation et de la remise en état du site apparaissent pertinentes.

45. L'autorisation d'exploitation délivrée par le préfet de la région Picardie n'est dès lors pas contraire aux dispositions citées au point 42.

En ce qui concerne l'atteinte aux paysages :

46. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes du I de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".

47. Il résulte de ces dispositions que, pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

48. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, de façon générale, le projet critiqué soit de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants et aux paysages de la basse-Thiérache qui, s'ils présentent un caractère pittoresque, ne font l'objet d'aucune inscription ou classement et ne nécessitent pas une protection marquée. En outre, les photographies et photomontages dont se prévalent M. et Mme W...et autres ne suffisent pas, compte tenu de la configuration des lieux, du relief et des effets masquant de la végétation abondante, à établir la réalité d'une atteinte aux éléments patrimoniaux dignes d'intérêt existant à proximité notamment à Saint-Gobert ou à Marfontaine, en particulier, au château de Marfontaine inscrit au titre des monuments historiques et situé à environ 2 kilomètres des éoliennes.

49. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en délivrant les autorisations querellées, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point 46 doit être écarté.

En ce qui concerne l'étendue des obligations de démantèlement et de remise en état :

50. Aux termes de l'article L. 515-46 du code de l'environnement : " L'exploitant d'une installation produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent ou, en cas de défaillance, la société mère est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site, dès qu'il est mis fin à l'exploitation, quel que soit le motif de la cessation de l'activité. Dès le début de la production, puis au titre des exercices comptables suivants, l'exploitant ou la société propriétaire constitue les garanties financières nécessaires. / (...). / Un décret en Conseil d'Etat détermine, avant le 31 décembre 2010, les prescriptions générales régissant les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site ainsi que les conditions de constitution et de mobilisation des garanties financières mentionnées au premier alinéa du présent article. (...) ". Aux termes de l'article R. 553-6 du même code, aujourd'hui repris à son article R. 515-106 : " Les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site après exploitation comprennent : a) Le démantèlement des installations de production ; b) L'excavation d'une partie des fondations ; c) La remise en état des terrains sauf si leur propriétaire souhaite leur maintien en l'état ; d) La valorisation ou l'élimination des déchets de démolition ou de démantèlement dans les filières dûment autorisées à cet effet. / Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe les conditions techniques de remise en état. ". L'article 1er de l'arrêté du 26 août 2011 du ministre en charge de l'environnement relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dispose que: " Les opérations de démantèlement et de remise en état des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent prévues à l'article R. 553-6 du code de l'environnement comprennent : 1. Le démantèlement des installations de production d'électricité, des postes de livraison ainsi que les câbles dans un rayon de 10 mètres autour des aérogénérateurs et des postes de livraison. (...) ".

51. Cet arrêté du 26 août 2011 précise l'étendue des obligations de démantèlement et de remise en état des parcs éoliens, conformément à l'habilitation donnée par les dispositions de l'article R. 515-106 ci-dessus reproduites, lesquelles, pas plus que celles de l'article L. 515-46, n'exigent la suppression de l'ensemble du réseau électrique, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs. Dès lors, ces derniers ne sont pas fondés à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article 1er de cet arrêté du 26 août 2011, en ce qu'elles imposent uniquement le démantèlement des câbles dans un rayon de 10 mètres autour des aérogénérateurs et des postes de livraison, ni, par suite, à soutenir que le préfet, tenu d'écarter l'application de ces dispositions, aurait dû prévoir dans son arrêté le démantèlement des câbles au-delà de 10 mètres autour des aérogénérateurs.

En ce qui concerne la distance minimale d'éloignement avec les constructions à usage d'habitation :

52. Aux termes de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, aujourd'hui repris à l'article L. 515-44 du même code : " (...) La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur au 13 juillet 2010 et ayant encore cette destination dans les documents d'urbanisme en vigueur, cette distance étant, appréciée au regard de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres. (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement dispose que : " L'installation est implantée de telle sorte que les aérogénérateurs sont situés à une distance minimale de : / 500 mètres de toute construction à usage d'habitation, de tout immeuble habité ou de toute zone destinée à l'habitation telle que définie dans les documents d'urbanisme opposables en vigueur au 13 juillet 2010 (...) / Cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur ".

53. Cet arrêté du 26 août 2011 précise l'élément de l'installation à partir duquel doit être mesurée la distance minimale d'éloignement fixée par les dispositions de l'article L. 515-44 ci-dessus reproduites, lesquelles n'exigent pas, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, que cette distance soit mesurée à partir de l'extrémité des pâles. Dès lors, les demandeurs ne sont pas fondés à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article 3 de cet arrêté du 26 août 2011, en ce qu'elles prévoient que cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur, ni, par suite, à soutenir que l'autorisation en litige est illégale compte tenu de ce que la distance qui sépare l'extrémité des pâles de l'aérogénérateur E5 et les bâtiments utilisés par l'association Emmaüs pour l'hébergement d'une dizaine de personnes est inférieure à 500 mètres.

En ce qui concerne les conséquences à tirer du seul vice entachant d'illégalité les arrêtés en litige :

54. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable à compter du 31 mars 2017 : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

55. Les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

56. En l'occurrence, l'illégalité relevée au point 25 peut être régularisée par la consultation, s'agissant du projet présenté par la société " Parc éolien Nordex III ", d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Hauts-de-France.

57. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la MRAE du CGEDD compétente pour la région Hauts-de-France n'a pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la MRAE sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Hauts-de-France ou celui de la préfecture de l'Aisne, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.

58. Dans l'hypothèse où le nouvel avis mentionné au point 56 indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 27 mai 2013, le dossier de création du parc éolien envisagé par la société " Parc éolien Nordex III " est assorti d'une étude d'impact de bonne qualité permettant la prise en compte des enjeux environnementaux et paysagers du projet, le préfet de l'Aisne pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité commise le 27 mai 2013. Le préfet pourra procéder de manière identique en cas d'absence d'observations de l'autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point 55.

59. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la MRAE diffèrerait substantiellement de celui qui avait été émis le 27 mai 2013, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête organisée comme indiqué précédemment, le préfet de l'Aisne, pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique.

60. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 58, le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la MRAE avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de l'Aisne ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

61. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 59, le préfet devrait organiser une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de l'Aisne ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'enquête publique.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement :

62. La cour s'étant prononcée, par le présent arrêt, sur les conclusions d'appel des parties, les conclusions par lesquelles la société " Parc éolien Nordex III " demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas de lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement nos 1501459,1600209 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens.

Article 2 : Le jugement n os 1501459,1600209 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur les demandes présentées par M. et Mme W...et autres devant le tribunal administratif d'Amiens jusqu'à ce que le préfet de l'Aisne ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 56 à 61 du présent arrêt, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 60 et jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois lorsque, à l'inverse, l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 61.

Article 4 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société " Parc éolien Nordex III ", au ministre de la transition écologique et solidaire, au préfet de la région Hauts-de-France, au préfet de l'Aisne, et à M. et Mme A...W..., qui ont été désignés à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience publique du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Boulanger, président de chambre,

- M. Michel Richard, président-assesseur,

- M. Jimmy Robbe, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : J. ROBBE Le président de la 1ère chambre,

Signé : Ch. BOULANGER

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

Nos17DA02173,17DA02174,18DA00041 21


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02173,17DA02174,18DA00041
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL ; CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL ; CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL ; MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-09;17da02173.17da02174.18da00041 ?
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