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03/07/2019 | FRANCE | N°18DA01982

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 03 juillet 2019, 18DA01982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 15DA01439 du 14 octobre 2016, la cour a annulé, à la demande de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1301221 du 18 juin 2015 par lequel ce tribunal, à la demande de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme, a annulé l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-d

e-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, portant délimitation des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 15DA01439 du 14 octobre 2016, la cour a annulé, à la demande de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1301221 du 18 juin 2015 par lequel ce tribunal, à la demande de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme, a annulé l'arrêté du 28 décembre 2012 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, portant délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie.

Par une décision n° 406169 du 26 septembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015 sous le n° 15DA01439, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 septembre 2015 et 12 août 2016, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la FNSEA et de la FDSEA de la Somme devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) à titre subsidiaire, de moduler dans le temps les effets de l'annulation de l'arrêté attaqué.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal administratif a annulé cet arrêté. Par un arrêt n° 15DA01439 du 14 octobre 2016, la cour, saisie par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a annulé ce jugement et rejeté la demande de la FDSEA de la Somme. Cette dernière a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par une décision n° 406169 du 26 septembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 28 décembre 2012 :

2. Aux termes de l'article R. 211-75 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Il est dressé un inventaire des zones dites vulnérables qui contribuent à la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates et d'autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates d'origine agricole. / Sont désignées comme vulnérables, compte tenu notamment des caractéristiques des terres et des eaux ainsi que de l'ensemble des données disponibles sur la teneur en nitrate des eaux, les zones qui alimentent les eaux définies à l'article R. 211-76 ". Aux termes de l'article R. 211-76 du même code : " I. - Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme atteintes par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ; (...) / II. Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme menacées par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et montre une tendance à la hausse (...) ". Aux termes de l'article R. 211-77 de ce code : " Le préfet coordonnateur de bassin élabore, avec le concours des préfets de département, à partir des résultats obtenus par le programme de surveillance de la teneur des eaux en nitrates d'origine agricole et de toute autre donnée disponible, un projet de délimitation des zones vulnérables en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, des représentants des usagers de l'eau, des communes et de leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l'eau, des associations agréées de protection de l'environnement intervenant en matière d'eau et des associations de consommateurs. / Le préfet coordonnateur de bassin transmet le projet de délimitation des zones vulnérables aux préfets intéressés qui consultent les conseils généraux et les conseils régionaux et, en Corse, la collectivité territoriale, ainsi que les conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et les chambres d'agriculture. / Le préfet coordonnateur de bassin arrête la délimitation des zones vulnérables après avis du comité de bassin (...) ".

3. D'une part, l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger. Le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

4. D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale.

5. Par une circulaire du 22 décembre 2011 relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive n° 91/676/ CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite " directive nitrates ", le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a prescrit aux préfets concernés, au paragraphe 3 de son annexe technique intitulée " Instructions pour réviser les zones vulnérables ", d'utiliser la méthode du " percentile 90 " pour identifier les valeurs des concentrations en nitrates pertinentes. Ces dispositions de la circulaire, qui imposent aux services l'usage d'une méthode qui n'est prévue par aucun texte afin de déterminer les zones vulnérables à la pollution, présentent un caractère réglementaire. Le ministre ne tenant d'aucun texte le pouvoir d'édicter de telles règles, le paragraphe 3 de l'annexe est, dans cette mesure, entaché d'incompétence. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du projet de délimitation des zones vulnérables du bassin Artois-Picardie en date du 21 septembre 2012, que l'arrêté en litige du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, a été pris pour l'application de cette circulaire, notamment en ce qui concerne l'utilisation de la méthode du " percentile 90 ". Dès lors, la FDSEA de la Somme est fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la circulaire du 22 décembre 2011, qui est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté en litige.

En ce qui concerne la modulation dans le temps des effets de l'annulation :

6. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée.

7. L'arrêté en litige a été abrogé et remplacé par un nouvel arrêté du 18 novembre 2016 portant sur la désignation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Il n'est donc plus en vigueur à la date du présent arrêt, de sorte que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondée à se prévaloir de l'intérêt qui s'attacherait à un maintien temporaire de ses effets. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère rétroactif de l'annulation de cet arrêté serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives au regard des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur. Dès lors, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de déroger à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du Bassin Artois-Picardie du 28 décembre 2012.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la FDSEA de la Somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la FDSEA de la Somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région des Hauts-de-France, préfet coordonnateur du Bassin Artois-Picardie.

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