Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Les voix des riverains de la Seine ", Mme N...G..., Mme O...D..., Mme I...B..., M. H... P..., M. L...E..., M. J... K...et M. C...F...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 16 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle Rives-en-Seine, ensemble la décision du 16 mars 2016 de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1601553 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2017 et le 8 novembre 2018, l'association " Les voix des riverains de la Seine ", Mme N...G..., Mme O... D..., M. H... P..., M. L...E...et M. C...F..., représentés par Me Q..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2015 et la décision du 16 mars 2016 rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me M...A..., représentant la commune de Rives-en-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de trois délibérations concordantes du 10 novembre 2015, les conseils municipaux des communes de Caudebec-en-Caux, Saint Wandrille-Rançon et Villequier ont demandé au préfet de la Seine-Maritime la création, au 1er janvier 2016, d'une commune nouvelle dénommée Rives-en-Seine résultant de la fusion des trois communes. Par arrêté du 16 décembre 2015, le préfet de la Seine-Maritime a procédé à la création de cette commune nouvelle à compter du 1er janvier 2016. L'association " Les voix des riverains de la Seine ", MmeG..., MmeD..., M.P..., M. E...et M.F..., conseillers municipaux de la commune de Saint Wandrille-Rançon ont formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté qui a été rejeté par une décision du 16 mars 2016. L'association " Les voix des riverains de la Seine ", MmeG..., MmeD..., M.P..., M. E...et M. F...relèvent appel du jugement du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de Rouen rejetant leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen, nouveau en appel, tiré de l'irrégularité tenant à l'absence de consultation préalable du comité technique :
2. Aux termes de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : (...) à la demande de tous les conseils municipaux (...) ". Aux termes de l'article L. 2113-6 du même code : " (...) II. - L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création et en complète, en tant que de besoin, les modalités. " En vertu de l'article L. 2113-10 du même code, la commune nouvelle a seule la qualité de collectivité territoriale.
3. Aux termes de l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; / 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; / 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences ; (...) / Les incidences des principales décisions à caractère budgétaire sur la gestion des emplois font l'objet d'une information annuelle des comités techniques ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'arrêté du représentant de l'Etat décidant de la création d'une commune nouvelle au vu des demandes des conseils municipaux concernés, est subordonné, notamment, à la régularité de chacune des délibérations exprimant cette demande. La consultation du comité technique dans les conditions prévues à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, qui a pour objet en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service d'éclairer les organes compétents, doit obligatoirement intervenir en l'espèce, avant que le conseil municipal d'une commune ne prenne parti sur le principe, la création d'une commune nouvelle résultant de la fusion avec d'autres communes, dès lors qu'un projet de fusion soulève nécessairement des questions sur l'organisation et le fonctionnement des services.
5. Il est constant que la délibération du 10 novembre 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint Wandrille-Rançon a demandé la création d'une commune nouvelle issue de la fusion de cette commune avec celle de Caudebec-en-Caux et de Villequier, n'a pas été précédée de la consultation du comité technique de cette commune.
6. La consultation obligatoire du comité technique préalablement à l'adoption par le conseil municipal d'une délibération demandant la création d'une commune nouvelle, qui a pour objet d'éclairer ce conseil sur la position des représentants du personnel de la commune concernée, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. La circonstance que l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas la consultation du comité technique paritaire ne peut faire obstacle à l'exigence de cette consultation préalable découlant des dispositions précitées de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que le comité technique de la commune nouvelle de Rives-sur-Seine a été réuni sept fois depuis la création de la commune sur l'organigramme, le règlement intérieur, les conditions d'exercice du temps partiel, sur la mise en place du régime indemnitaire et le plan de titularisation des contractuels, ces consultations ne sauraient se substituer aux consultations des comités techniques des communes concernées préalablement à l'adoption des délibérations se prononçant sur la création de la commune nouvelle. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'omission de consultation préalable du comité technique sur le principe de la fusion des communes préalablement à l'adoption de la délibération du 10 novembre 2015, constitue une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 16 décembre 2015. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, l'association " Les voix des riverains de la Seine " et autres sont fondés à demander l'annulation de cet arrêté.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association " Les voix des riverains de la Seine " et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué et de la décision du 16 mars 2016 rejetant leur recours gracieux.
Sur la question de la limitation dans le temps des effets de l'annulation prononcée :
8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produit et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause, de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieur à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
9. Il convient de surseoir à statuer sur la date d'effet de l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a procédé à la création de la commune nouvelle Rives-en-Seine jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y a lieu, en l'espèce, de limiter dans le temps les effets de l'annulation ainsi prononcée.
Sur les frais liés à l'instance :
10. L'association " Les voix des riverains de la Seine " et autres n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance, les conclusions de la commune de Rives-sur-Seine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association " Les voix des riverains de la Seine " et autres d'une somme globale de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601553 du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 16 décembre 2015 est annulé, ensemble la décision du 16 mars 2016 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur la date d'effet de cette annulation, jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y a lieu, en l'espèce, de limiter dans le temps les effets de cette annulation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à l'association " Les voix des riverains de la Seine " et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Rives-sur-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les voix des riverains de la Seine ", à Mme N...G..., à Mme O...D..., à M. H... P..., à M. L... E..., à M. C...F..., au ministre de l'intérieur et à la commune de Rives-en-Seine.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°17DA02371