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27/06/2019 | FRANCE | N°17DA00434

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 27 juin 2019, 17DA00434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Havre a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme de 435 832,65 euros correspondant aux débours exposés au bénéfice de M. B...A...à la suite de l'infection nosocomiale contractée par ce dernier dans cet établissement public de santé.

Par un jugement n° 1402830 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Havre à verser à la CPAM du H

avre, d'une part, une somme de 326 687,16 euros, d'autre part, une rente annuelle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Havre a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme de 435 832,65 euros correspondant aux débours exposés au bénéfice de M. B...A...à la suite de l'infection nosocomiale contractée par ce dernier dans cet établissement public de santé.

Par un jugement n° 1402830 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Havre à verser à la CPAM du Havre, d'une part, une somme de 326 687,16 euros, d'autre part, une rente annuelle de 6 378,57 euros au titre des frais d'appareillage futurs, dans la limite de la somme totale de 87 824,67 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars 2017 et 18 avril 2019, le centre hospitalier du Havre, représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de la CPAM du Havre ;

3°) de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me D...C..., représentant le centre hospitalier du Havre.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un accident de la circulation survenu le 14 janvier 2002, M. B...A...a été admis au centre hospitalier du Havre où il a subi le 22 janvier 2002 une angioplastie fémorale accompagnée d'une ostéotomie externe du tibia, d'une réparation du plan externe, d'une plastie ligamentaire et d'une réparation du pivot central. Les suites opératoires ont été compliquées par l'apparition de nécroses cutanées le long de la cicatrice externe que n'ont pas permis de maîtriser une opération de revascularisation réalisée le 12 février 2002, ni les très nombreuses autres interventions intervenues entre cette date et le 17 janvier 2003, date à laquelle il a subi une amputation de la cuisse. La CPAM du Havre a demandé au centre hospitalier du Havre le remboursement des débours exposés pour la prise en charge de M.A.... Par un jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande en condamnant le centre hospitalier à verser à la caisse, d'une part, une somme de 326 687,16 euros, d'autre part, une rente annuelle de 6 378,57 euros au titre des frais d'appareillage futurs, dans la limite de la somme totale de 87 824,67 euros. C'est le jugement dont le centre hospitalier du Havre interjette régulièrement appel.

Sur le caractère nosocomial de l'infection contractée par M.A... :

2. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal administratif, que l'infection de la jambe gauche de M. A...à la suite des interventions des 22 janvier et 12 février 2002 par le germe staphylococcus aureus sensible à la méticilline, n'était ni présente, ni en incubation avant la prise en charge de l'intéressé au centre hospitalier du Havre à compter du 14 janvier 2002. Si elle est survenue postérieurement à ces interventions et durant l'hospitalisation de M.A..., il ressort de ce rapport d'expertise médicale, et n'est pas sérieusement contesté par la CPAM du Havre, que cette infection de la jambe gauche a pour origine une nécrose cutanée au niveau de l'ouverture fractuaire initiale exposant l'os sous-jacent au milieu extérieur et que cette nécrose a pour cause l'insuffisance vasculaire préexistante chez l'intéressé à sa prise en charge au centre hospitalier. Le rapport d'expertise relève ainsi que " l'infection est directement liée aux phénomènes nécrotiques inhérents à la gravité du traumatisme initial avec des lésions vasculaires et des tissus mous. La survenue de l'infection n'est pas liée aux soins délivrés (...) ". Le rapport relève également que, à l'origine de l'amputation, " se trouve la nécrose liée à l'anoxie du membre par traumatisme des parties molles lors de l'accident et oblitération vasculaire. L'infection était, dans ce contexte, inévitable et faisait partie, malheureusement, des évolutions prévisibles. C'est le traumatisme initial qui est à l'origine du dommage ". Ces conclusions sont confirmées par les conclusions de l'analyse médicale produite par le centre hospitalier, qui ne sont pas plus sérieusement contestées par la CPAM du Havre, et selon lesquelles la nécrose cutanée est " la conséquence directe de la thrombose de l'artère poplitée qui a eu pour conséquence l'interruption de la circulation artérielle de la zone opératoire. L'évolution naturelle de la nécrose se fait vers l'élimination de la plaque de nécrose. Compte tenu du caractère superficiel du matériel d'ostéosynthèse, celui-ci est alors apparu à nu sous la zone de nécrose. Il est automatiquement et inexorablement contaminé lors de la chute de la plaque de nécrose. Il en résulte que l'infection est directement secondaire aux lésions initiales. Elle n'est pas liée aux soins mais à l'évolution péjorative de lésions initiales gravissimes ". Dans ces conditions, l'infection contractée doit être regardée comme la conséquence inéluctable de l'évolution prévisible de la pathologie vasculaire initiale, et, partant, comme ayant une autre origine que la prise en charge hospitalière à compter du 14 janvier 2002. Elle ne présente, dès lors, pas de caractère nosocomial.

4. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier du Havre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen, après avoir reconnu le caractère nosocomial de l'infection contractée par M.A..., l'a condamné à verser à la CPAM du Havre une somme de 326 687,16 euros et une rente annuelle de 6 378,57 euros au titre des frais d'appareillage futurs, dans la limite de la somme totale de 87 824,67 euros. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance par le centre hospitalier du Havre, de rejeter les conclusions de première instance présentées par la CPAM du Havre.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à hauteur de 1 800 euros, à la charge de la CPAM du Havre.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Havre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CPAM du Havre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la CPAM du Havre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Havre et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la CPAM du Havre devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à hauteur de 1 800 euros, sont mis à la charge de la CPAM du Havre.

Article 4 : La CPAM du Havre versera au centre hospitalier du Havre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Havre, à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et à M. B...A....

4

N°17DA00434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00434
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-27;17da00434 ?
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