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26/06/2019 | FRANCE | N°18DA01601

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 26 juin 2019, 18DA01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la société Résina à lui verser la somme de 105 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014.

Par un jugement n° 1600677 du 1er juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Résina à verser au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 105 200 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter

du 4 mars 2016. Il mit à la charge de la société Résina les frais d'expertise, liquidés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la société Résina à lui verser la somme de 105 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014.

Par un jugement n° 1600677 du 1er juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Résina à verser au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 105 200 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016. Il mit à la charge de la société Résina les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 17 079,40 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 23 novembre 2018, la société Résina, représentée par Me H...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) subsidiairement, de condamner l'Etat à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, présidente-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me D...A..., représentant la société Résina.

- et les observations de Me F...B...substituant Me E...G..., représentant le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt.

1. Par un marché public de travaux signé le 26 mars 2002, le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt (Aisne) a confié à la société Résina la rénovation d'un château d'eau situé sur le territoire de la commune de Versigny. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été assurée par l'Etat (direction départementale de l'équipement). Les travaux ont été réceptionnés avec effet au 5 décembre 2003. A la suite de l'apparition de désordres, le syndicat des eaux a saisi, en 2013, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, aux fins de désignation d'un expert, puis a saisi ce tribunal d'un recours tendant à la condamnation de la société Résina à lui verser, au titre des travaux nécessaires à la reprise de l'ouvrage, la somme de 105 200 euros. Par un jugement du 1er juin 2018, le tribunal administratif a estimé que la responsabilité contractuelle de la société Résina était engagée et a condamné celle-ci à verser au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 105 200 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016, ainsi que les frais d'expertise, d'un montant de 17 079,40 euros. Le tribunal administratif a rejeté les conclusions par lesquelles la société Résina appelait l'Etat en garantie, puisque l'ex direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Aisne était le maître d'oeuvre de l'opération, en jugeant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la maîtrise d'oeuvre. La société Résina relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Contrairement à ce que soutient la société Résina, le syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt a indiqué, devant le tribunal administratif, que son action était fondée sur le non-respect, par le titulaire du marché, de son engagement contractuel à assurer la garantie de l'étanchéité et de l'imperméabilité de l'ouvrage pendant dix ans. Ainsi, et quand bien même le syndicat des eaux n'a pas mentionné les stipulations précises du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoyant cette garantie contractuelle spécifique, d'une durée de dix ans, et s'est référé par erreur à la jurisprudence relative à la garantie décennale prévue par le code civil, la demande de première instance était recevable.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Résina :

3. La société Résina soutient, en premier lieu, que les désordres en cause n'entrent pas dans le champ de la garantie prévue par les articles 9.6 et 9.7 du CCAP. Selon l'article 9.6 du CCAP : " Garanties particulières d'étanchéité : l'entrepreneur garantit le maître d'ouvrage contre tous défauts de l'étanchéité des cuves pendant un délai de dix ans à partir de la date d'effet de la réception des travaux correspondants ... ". L'article 9. 7 du CCAP prévoit que : " Garanties particulières d'imperméabilisation : L'entrepreneur garantit le maître d'ouvrage contre tous défauts de l'imperméabilisation réalisée sur les parties extérieures des cuves, de la tour ou des vannes de chaque ouvrage pendant un délai de dix ans à partir de la date d'effet de la réception des travaux correspondants ". Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres correspondent, en premier lieu, à une dégradation de l'enduit pelliculaire d'étanchéité à l'intérieur de la cuve, sous la forme de décollages partiels de cet enduit. Quand bien même aucune fuite de l'eau contenue dans la cuve n'a été constatée, ces désordres doivent être regardés, compte tenu des risques qu'ils comportent sur un tel ouvrage, comme des " défauts d'étanchéité " au sens des stipulations précitées. Les désordres correspondent, en second lieu, à une dégradation de la protection appliquée sur le dôme du château d'eau, en vue de l'imperméabiliser et d'éviter les infiltrations d'eaux de pluie. Ils doivent ainsi être regardés comme un " défaut d'imperméabilisation " au sens des stipulations précitées de l'article 9.7 du CCAP. Ainsi, la société Résina n'est pas fondée à soutenir que les articles 9.6 et 9.7 du CCAP ne seraient pas applicables en l'espèce.

4. La société requérante critique, en second lieu, les conclusions de l'expert selon lesquelles les désordres résultent exclusivement, d'une part, d'une mauvaise application de l'enduit pelliculaire d'étanchéité à l'intérieur de la cuve et, d'autre part, de l'inadaptation du revêtement appliqué sur le dôme du château d'eau.

5. S'agissant de l'enduit d'étanchéité à l'intérieur de la cuve, l'absence de décollement généralisé sur l'ensemble de la surface intérieure de la cuve n'infirme pas, à lui seul, les conclusions de l'expert. La société ne conteste toujours pas, en cause d'appel, n'avoir appliqué le produit d'étanchéité qu'à raison d'une seule couche, alors que son fabricant prescrit une application du produit en deux à trois couches, à raison d'une consommation de trois à six kilogrammes par mètre carré, et que le cahier des clauses techniques particulières du marché imposait, à son point 1.3.3.4, que la mise en oeuvre des produits d'étanchéité sur la paroi intérieure de la cuve soit effectuée conformément aux directives du fournisseur. Si la société requérante soutient, comme en première instance, que ces préconisations du fabricant ne concerneraient que " les cuves immergées " et qu'il serait d'usage, lorsque l'ouvrage n'est pas immergé, d'appliquer un revêtement plus mince, elle n'apporte aucun élément complémentaire à l'appui de sa contestation du rapport d'expertise sur ce point.

6. S'agissant de l'inadaptation du revêtement appliqué sur le dôme du château d'eau, il résulte de l'instruction que ce dôme était de très faible pente, inférieure à 1 %, ce qui limitait considérablement l'évacuation naturelle des eaux pluviales et impliquait une étanchéité efficace du dôme. Or, la société Résina admet elle-même avoir appliqué une simple imperméabilisation, alors que le point 1.3.3.7 du CCTP relatif à la réparation et la reconstitution de l'étanchéité extérieure de la coupole prévoyait expressément, notamment, " la mise en place d'un revêtement étanche type asphalte, multicouche, ou résine " et que la société a mentionné, tant dans l'offre de prix que dans le décompte définitif du marché, l'utilisation d'un revêtement d'étanchéité de résine acrylique souple. La société Résina n'apporte en outre aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles l'application d'un simple produit d'imperméabilisation résulterait d'une demande expresse du maître d'oeuvre, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Aisne ou, à tout le moins, d'une validation par celui-ci du choix de ce produit.

7. Pour contester les conclusions de l'expert, la société Résina soutient par ailleurs que les désordres résulteraient en réalité d'un phénomène de condensation pendant les périodes de gel, ce phénomène provoquant selon elle l'expansion du béton en l'absence d'une ventilation suffisante du dôme. Elle reproche à l'expert de n'avoir effectué des prélèvements que sur les parties dégradées ou, à tout le moins, de ne pas avoir exploité correctement les prélèvements effectués, le cas échéant, sur des parties saines. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise que l'expert a procédé à de tels prélèvements. La circonstance que, malgré une épaisseur de revêtement identique, ce revêtement ait mieux résisté à certains endroits qu'à d'autres ne suffit pas non plus à infirmer les conclusions de l'expert. La société ne produit, en appel comme en première instance, aucune analyse émanant d'une autre entreprise spécialisée ou d'un autre expert. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'écarter les conclusions de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, devant lequel la société Résina a pu faire valoir ses arguments. Par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la responsabilité contractuelle de la société Résina est engagée.

Sur le préjudice subi par le syndicat des eaux :

8. L'expert a détaillé les travaux à accomplir pour remédier aux désordres et a estimé le montant de ces travaux à la somme de 105 200 euros. La société Résina soutient que cette somme, supérieure au montant du marché, excède la stricte réparation des désordres, améliore l'ouvrage initialement prévu et conduit à un enrichissement du maître d'ouvrage. Toutefois, il ne résulte pas du rapport d'expertise que l'expert aurait préconisé l'ajout d'éléments non prévus par le marché, notamment dans le but d'améliorer la ventilation ou l'isolation thermique du château d'eau. Par ailleurs, la société Résina se borne, en cause d'appel comme en première instance, à se prévaloir de son propre devis, établi en 2012, d'un montant de 42 030,82 euros toutes taxes comprises, sans produire aucun autre document établi par une entreprise tierce. Dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par le syndicat des eaux en retenant le montant proposé par l'expert, soit la somme de 105 200 euros.

Sur les conclusions de la société Résina tendant à obtenir la garantie de l'Etat :

9. La société Résina conteste également le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions appelant l'Etat en garantie, au titre de la mission de maîtrise assurée alors par la direction départementale de l'équipement de l'Aisne. Toutefois, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, les désordres doivent être regardés comme entièrement causés par des défauts d'exécution, la société requérante ne saurait reprocher à la maîtrise d'oeuvre des erreurs de conception. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que, lors des travaux, la direction départementale de l'équipement aurait été tenue informée de la nature exacte des produits effectivement utilisés par la société Résina et du mode précis d'application de ceux-ci. Dès lors, la responsabilité de l'Etat ne saurait davantage être engagée à raison d'une carence de la direction départementale de l'équipement dans la surveillance de l'exécution des travaux.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Résina n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 105 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Résina le versement au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Résina est rejetée.

Article 2 : La société Résina versera au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Résina et au syndicat des eaux de Versigny, Fressancourt et Rogecourt.

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N°18DA01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01601
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MMD et ASOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-26;18da01601 ?
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