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26/06/2019 | FRANCE | N°18DA01067

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 26 juin 2019, 18DA01067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée qu'elle a conclu le 4 octobre 2012 avec le syndicat mixte de la vallée de l'Oise pour le transport et le traitement des déchets ménagers et, en conséquence, d'enjoindre à ce syndicat mixte de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

2°) de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'annuler la décision du 20

mars 2015 par laquelle le président du syndicat mixte de la vallée de l'Oise a prononcé son licenciemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée qu'elle a conclu le 4 octobre 2012 avec le syndicat mixte de la vallée de l'Oise pour le transport et le traitement des déchets ménagers et, en conséquence, d'enjoindre à ce syndicat mixte de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

2°) de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le président du syndicat mixte de la vallée de l'Oise a prononcé son licenciement ;

4°) de condamner ce syndicat mixte à lui verser, à titre principal, la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 2 345,58 euros correspondant au troisième mois de préavis, la somme de 6 276,43 euros représentant la part d'indemnité de licenciement dont elle estime avoir été illégalement privée et, à titre subsidiaire, la somme de 7 818,64 euros en réparation de son préjudice financier.

Par un jugement n° 1502198 du 23 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2018, MmeF..., représentée par Me C...E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 mars 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 20 mars 2015 ainsi que ses conclusions indemnitaires;

2°) d'annuler la décision du 20 mars 2015 prononçant son licenciement ;

3°) d'enjoindre au syndicat mixte de la vallée de l'Oise de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner le syndicat mixte de la vallée de l'Oise à lui verser la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, la somme de 6 276,43 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement et la somme de 7 818,64 euros au titre de la perte de rémunérations ;

5°) de mettre à la charge du syndicat mixte de la vallée de l'Oise la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...B...représentant le syndicat mixte de la vallée de l'Oise.

1. Mme F...a été engagée par le syndicat mixte de la vallée de l'Oise, devenu syndicat mixte du département de l'Oise, en qualité de chargée de mission " prévention des déchets ", par contrat à durée déterminée du 15 avril 2008 au 15 avril 2011. Elle a ensuite été recrutée par plusieurs contrats de courte durée en qualité de " webmaster ", puis en qualité d'" infographiste-webmaster ", pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015. Par lettre du 20 mars 2015, puis par arrêté du 13 mai 2015, le président du syndicat mixte a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Mme F...a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'un recours tendant notamment à l'annulation de la décision de licenciement du 20 mars 2015 et à la condamnation du syndicat mixte à lui verser, à titre principal, la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 6 276,43 euros représentant la part d'indemnité de licenciement dont elle estime avoir été illégalement privée et la somme de 7 818,64 euros au titre de la perte de rémunération consécutive à son licenciement. Par un jugement du 23 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. Mme F...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions mentionnées ci-dessus.

Sur la régularité du jugement

2. Mme F...soutient que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du harcèlement moral sans procéder à des mesures d'instruction qui auraient permis de confirmer l'existence de ce harcèlement. Toutefois, le tribunal administratif n'était pas tenu de procéder à de telles mesures, dès lors qu'il a estimé, en se fondant sur les seules pièces du dossier, que la requérante n'avait pas été victime d'agissements de harcèlement moral.

3. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983, selon lequel " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité ", dès lors qu'il a jugé que l'absence de rigueur dans la tenue de son dossier individuel n'était pas, en tout état de cause, établie. Mme F...soutient également que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision de licenciement méconnaissait les dispositions du deuxième alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, selon lesquelles aucune mesure concernant la discipline ne peut être prise en considération du fait qu'il a refusé de subir des agissements de harcèlement moral. Toutefois, les premiers juges ont estimé que la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle était suffisamment justifiée par les motifs autres que celui tiré de ce qu'elle avait accusé à tort sa supérieure hiérarchique de harcèlement moral. Par suite, il n'était pas utile, pour les premiers juges, de statuer sur la légalité, au regard de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, de ce dernier motif. Ainsi, le moyen manque en fait.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 20 mars 2015 :

4. Le président du syndicat mixte a justifié le licenciement pour insuffisance professionnelle par une inaptitude relationnelle, en relevant que " Mme F...dénigrait sa responsable hiérarchique et ses collègues du service chargé de la communication, qu'elle manifestait des difficultés à respecter la hiérarchie, qu'elle a formulé une accusation infondée de harcèlement moral à l'encontre de sa responsable hiérarchique, et que son attitude engendrait un climat de tension permanent au sein du service chargé de la communication faisant obstacle à un traitement serein des dossiers ".

5. Mme F...soutient que son licenciement s'explique uniquement par sa dénonciation du harcèlement moral dont elle a fait l'objet de la part de sa supérieure hiérarchique directe. Toutefois, s'il est constant que c'est à la suite de cette dénonciation que l'administration a diligenté une enquête administrative interne, cette enquête a confirmé, au vu des témoignages recueillis, des difficultés récurrentes dans les relations de la requérante avec sa hiérarchie et ses collègues et aussi une tendance à exercer ses fonctions de manière excessivement autonome. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le président du syndicat mixte aurait pris la même décision de licenciement en se fondant sur ces seuls motifs. Cette décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité du motif de licenciement tiré de la dénonciation infondée, par MmeF..., d'un prétendu harcèlement moral. Ainsi, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, Mme F...n'est pas fondée à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices causés par le licenciement :

6. La décision de licenciement du 20 mars 2015 n'étant pas entachée d'illégalité, elle ne présente aucun caractère fautif et n'est pas, par suite, de nature à engager la responsabilité du syndicat mixte du département de l'Oise. Les conclusions par lesquelles Mme F...demande la condamnation de celui-ci à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur le harcèlement moral allégué :

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêt un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. Si Mme F...fait valoir que l'organigramme 2012 ne la qualifie plus " d'adjointe communication " et qu'il se borne à indiquer qu'elle est chargée des " documents de communication-site internet ", il ne résulte pas de l'instruction que des fonctions d'" adjointe " lui auraient été reconnues au sein du service de la communication. Aucun élément du dossier ne corrobore les affirmations de la requérante selon lesquelles elle aurait été " mise au placard " ou ostracisée. Les instructions données par sa supérieure hiérarchique, notamment celle de ne pas emporter son disque dur portatif à son domicile, n'ont pas excédé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique et étaient justifiées par l'intérêt du service. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que Mme F...aurait fait l'objet d'une discrimination du fait de son statut de travailleur handicapé. Il n'est pas établi que le dossier de MmeF..., notamment un compte rendu d'évaluation, aurait été falsifié par l'administration. Enfin, la circonstance que la supérieure hiérarchique aurait avoué avoir " égaré " deux évaluations annuelles, pour les années 2011 et 2012, ne peut, à elle seule, caractériser un harcèlement moral.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du harcèlement moral doit être écarté et que la responsabilité du syndicat mixte du département de l'Oise ne peut être engagée à ce titre.

Sur le montant de l'indemnité de licenciement :

10. Aux termes de l'article 46 du décret du 15 février 1988 : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. / En cas de rupture avant son terme d'un engagement à durée déterminée, le nombre d'années pris en compte ne peut excéder le nombre des mois qui restaient à courir jusqu'au terme normal de l'engagement. / (...) ". Mme F...a été recrutée par contrat du 4 octobre 2012 pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, soit pour une durée de trois ans. Elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle alors que la durée restant à courir de son contrat était de trois mois. Dès lors, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, elle n'est pas fondée à soutenir que l'indemnité de licenciement qu'elle a perçue aurait dû être calculée sur une période de 7 ans et qu'un montant complémentaire de 6 276,43 euros lui serait dû.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fins d'annulation et l'ensemble de ses conclusions indemnitaires. Ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par le syndicat mixte du département de l'Oise.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte du département de l'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au syndicat mixte du département de l'Oise.

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N°18DA01067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01067
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL VAUBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-26;18da01067 ?
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