Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I...A...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 24 septembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de Creil a autorisé son licenciement par la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères pour inaptitude physique, ensemble la décision implicite de rejet du recours hiérarchique introduit le 13 octobre 2014 et la décision du 9 mars 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1500945 du 9 mai 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères, représentée par la Selarl Delahousse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2017 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de rejeter la demande de M. A...C...devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la partie succombante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B...F..., représentant la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères.
Considérant ce qui suit :
1. M. I...A...C..., né le 27 décembre 1959 et décédé le 25 novembre 2015, avait été embauché sous contrat à durée indéterminée le 6 août 2007 en qualité de chauffeur-dépanneur, statut ouvrier, échelon 3 de la convention collective nationale de services de l'automobile, par la société Sacli, rachetée par la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères. Il exerçait les fonctions de délégué du personnel titulaire, de membre titulaire du comité d'entreprise dans le cadre de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail. La société Le Palais de l'automobile Gueudet frères relève appel du jugement du 9 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 24 septembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de Creil a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, ensemble la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'employeur et la décision du 9 mars 2015 du ministre chargé du travail, rejetant expressément le recours hiérarchique précité.
2. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé. La circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail.
3. Cependant, si l'administration doit ainsi vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail. Ce faisant, la décision de l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, fasse valoir, devant les juridictions compétentes, les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur. Par suite, la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail au motif que l'erreur de droit sur l'origine de l'inaptitude du salarié dès lors qu'il n'appartient pas à l'administration de rechercher l'origine de celle-ci.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...C...et ses ayants droit devant la juridiction administrative.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...C..., après avoir assisté aux réunions du 16 mai 2014 et du 22 juillet 2014 de la délégation unique du personnel de la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères prévues par les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, a été convoqué par l'inspectrice du travail de Creil à l'enquête préalable le 17 septembre 2014. Il a pu, à ces différentes occasions, faire valoir ses observations sur la procédure suivie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tiré du défaut du contradictoire doit être écarté.
6. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 3, l'inspectrice du travail et le ministre chargé du travail n'avaient pas à rechercher l'origine de l'inaptitude physique de M. A...C..., leur contrôle de l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé se limitant à celui du respect de la procédure spécifique de licenciement, à l'examen du caractère réel et sérieux des efforts de reclassement, au contrôle de l'absence de lien entre le mandat et l'autorisation demandée et à la vérification de l'absence de motif d'intérêt général.
7. Il ressort aussi des pièces du dossier, qu'après un second avis médical de reprise rendu en application des dispositions de l'article R. 4624-20 du code du travail, suite à un congé maladie simple, M. A...C...a été reconnu définitivement inapte à ses fonctions le 21 novembre 2013, le médecin du travail concluant : " Confirmation de l'inaptitude définitive au poste de dépanneur chauffeur. Etude de poste faite ce jour. Capacités restantes : poste administratif sans manutention ni efforts physiques importants. Pas de conduite PL ". Après un premier refus d'autorisation de licenciement par l'inspectrice du travail le 27 février 2014 au motif d'efforts de reclassement insuffisant, la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères a procédé à une nouvelle étude de reclassement par la création d'un nouveau poste d'opérateur-spécialiste, échelon 6, rattaché au chef d'atelier, avec pour fonctions : " course et convoyage pour la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères, impliquant des trajets en véhicule léger, sur des distances quotidiennes courtes (banque, déplacement sur les différents établissements de la société), travaux administratifs : facturation additionnelle des prestations complémentaires à l'activité dépannage : facturation encaissement, suivi régulier des encours de facturation, relance téléphonique des factures de l'après-vente aux assurances et organismes d'assistance, classement et archivage de documents relatifs à votre activité. Application des méthodes d'organisation en vigueur dans l'entreprise et des procédures opérationnelles du service ". Le salaire était de 2 000 euros brut assortis de diverses primes. Ce poste a reçu un avis favorable du médecin du travail le 31 mars 2014 et de la délégation unique du personnel le 11 avril 2014. Il est constant que M. A...C...a refusé ce poste.
8. Par des courriers du 28 mai 2014, la société Le Palais de l'automobile Gueudet frères a transmis, aux différentes sociétés et établissements de son groupe, un profil détaillé du poste de M. A...C...en vue de son reclassement, tenant compte de l'avis médical précité, en leur demandant une réponse pour le 4 juin 2014. Il ressort, d'une part, des pièces du dossier que les établissements Deboffe, la société Guedet Sarva et la société Motoculture de l'Oise ont été effectivement interrogées, contrairement aux affirmations de M. A...C.... Les sociétés du réseau Mennetrier ne l'ont pas été, dès lors qu'à la date du licenciement de M. A...C..., celles-ci n'avaient pas encore intégré le groupe Guedet frères. D'autre part, la circonstance que ces demandes de reclassement aient été envoyées à la veille du long week-end de l'Ascension n'est pas de nature à établir qu'il s'agirait d'un reclassement fictif dès lors que ces demandes ont été envoyées le 28 mai 2014 entre 12h28 et 15h05 par messagerie électronique, ce qui permettait des réponses immédiates en retour. Par ailleurs, les postes de carrossier ou de mécanicien n'étant pas compatibles avec la qualification de M. A...C..., celui-ci n'ayant jamais, selon sa fiche de poste de chauffeur-dépanneur, exercé d'activité de mécanicien et le médecin du travail ayant aussi noté, dans l'étude de poste, que M. A...C...ne faisait pas de mécanique. Enfin, ces postes, ainsi que ceux de réceptionnaires après-vente, impliquent des stations debout prolongées incompatibles avec son état de santé et ne lui ont, dès lors, pas été proposés. Par suite, le moyen tiré des efforts insuffisants de reclassement de M. A...C...doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Palais de l'automobile Guedet frères est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 9 mai 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 24 septembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé son licenciement de M. A...C...pour inaptitude physique, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique et la décision du 9 mars 2015 du ministre chargé du travail rejetant expressément le recours hiérarchique précité. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par les ayants-droit de M. A...C...doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Le Palais de l'automobile Guedet frères présentées sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 mai 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...C...devant la juridiction administrative est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Le Palais de l'automobile Guedet frères présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Palais de l'automobile Guedet frères, et à Mme E...K...C..., Mme G...K...C..., M. D...K...C..., Mme H...A...C..., ayants droit de M. I...A...C....
Copie en sera adressée, pour information, au ministre du travail.
1
2
N°17DA01426
1
3
N°"Numéro"