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29/05/2019 | FRANCE | N°18DA01097

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 18DA01097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a décidé son transfert aux autorités allemandes et l'arrêté de la même date par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1801042 du 3 avril 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

, enregistrée le 30 mai 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2018, M.A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a décidé son transfert aux autorités allemandes et l'arrêté de la même date par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1801042 du 3 avril 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2018, M.A..., représenté par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a décidé de son transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et d'enregistrer sa demande d'asile dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son avocat, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, subsidiairement, en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre la même somme à la charge de l'Etat à son bénéfice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen, entré en France en novembre 2017, a demandé l'asile auprès du préfet de l'Eure le 20 novembre 2017. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées au Danemark, en Suède, et en Allemagne. Le 23 novembre 2017, le préfet de l'Eure a saisi les autorités de ces trois Etats d'une demande de reprise en charge, en application du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités allemandes ont ensuite accepté cette reprise en charge, le 29 novembre 2017. M. A...relève appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mars 2018 ordonnant son transfert aux autorités allemandes et de l'arrêté de la même date ordonnant son assignation à résidence.

Sur la légalité de la décision de transfert :

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : /a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à la suite de la décision du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, même formé par l'autorité préfectorale, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a décidé le transfert de M. A...aux autorités allemandes est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour sa reprise en charge, et par suite, avant l'expiration du délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai toutefois a été interrompu par l'introduction du recours présenté par M. A... contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce délai a recommencé à courir à la suite du jugement du tribunal administratif de Rouen du 3 avril 2018 qui a rejeté la demande de M.A.... Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, qui n'a pas présenté d'observations à réception du moyen d'ordre public susvisé, aurait décidé de porter à un an le délai de remise après avoir constaté que l'intéressé aurait été emprisonné ou de le porter à dix-huit mois après avoir constaté qu'il aurait pris la fuite. En conséquence, la décision de transfert est devenue caduque dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune décision de prorogation, et n'a pas été matériellement exécutée. Il appartient donc au préfet compétent de délivrer une attestation de demande d'asile au requérant dès lors que la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile. La caducité de la décision de transfert, qui est intervenue postérieurement à l'introduction de la requête de M. A...devant la cour, a pour effet de priver d'objet ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence :

7. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté n° SCAED-18-7 du 26 février 2018, publié le même jour au recueil spécial n° 27-2018-026 des actes administratifs de la préfecture de l'Eure, le préfet de l'Eure a donné délégation à Mme F...C..., adjointe à la cheffe du bureau " Migration et intégration " de la préfecture de l'Eure, à l'effet de signer, notamment, la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :

8. L'arrêté en litige mentionne les dispositions du 1° bis de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013. La décision indique également que le requérant a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités allemandes et que son transfert auprès de celles-ci, qui ont donné leur accord, demeure une perspective raisonnable. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de transfert :

9. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

10. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé, auprès des autorités françaises, une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

11. L'arrêté du 26 mars 2018 en litige vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et précise les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de M. A...sur le territoire français. Il énonce que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités danoises, suédoises et allemandes, et que ces autorités ont été saisies le 23 novembre 2017 d'une demande de reprise en charge, en application du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. L'arrêté contesté précise également que les autorités danoises ont refusé de reprendre en charge le demandeur le 30 novembre 2017 et que les autorités suédoises ont également refusé cette reprise en charge le 7 décembre 2017, mais que les autorités allemandes ont fait connaître leur accord explicite à la reprise en charge le 29 novembre 2018, sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du même règlement. Ces motifs permettent d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet de l'Eure a entendu faire application pour désigner l'Allemagne comme le pays vers lequel M. A...pourra être transféré. Par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté sont suffisamment précis pour permettre à l'intéressé de bénéficier du recours effectif mentionné au paragraphe 1 de l'article 27 du règlement, et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige qui est ainsi suffisamment motivée.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel.5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ", et aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. Les Etats membres veillent à ce qu'elles disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, notamment, pour répondre dans les délais prévus aux demandes d'informations, ainsi qu'aux requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs. / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) ".

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié d'un entretien individuel le 20 novembre 2017 dans des conditions garantissant la confidentialité, qui s'est déroulé en langue française, et à l'occasion duquel il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées au Danemark, en Suède et en Allemagne, et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. A...a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier, en toute connaissance de cause, la portée de ces informations avant le 26 mars 2018, date à laquelle le préfet de l'Eure a décidé son transfert aux autorités allemandes, et de la possibilité de formuler des observations. En outre, en l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, le seul fait que ce compte rendu ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien ne peut suffire à établir que cet agent n'aurait pas été mandaté à cet effet par le préfet de l'Eure après avoir bénéficié d'une formation appropriée, et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, si M. A...se borne à soutenir, de façon générale, que la manière dont les entretiens individuels sont menés révèle un manque de formation des agents quant à leur mission de détermination de l'État responsable d'une demande d'asile en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que l'analyse de la teneur du compte rendu de l'entretien mené montre au contraire qu'il a été interrogé et a pu s'exprimer sur les aspects pertinents de sa situation de demandeur d'asile, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les dispositions précitées de l'article 35 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 auraient été méconnues. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 5 et 35 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. D'autre part, si M. A...soutient que le paragraphe 4 de l'article 4 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui impose aux Etats membres de former les agents qui instruisent les demandes d'asile et de s'assurer qu'ils disposent des connaissances appropriées s'agissant de la mise en oeuvre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas fait l'objet, dans le délai imparti, d'une transposition suffisante en droit interne, faute de dispositions nationales précisant que l'entretien individuel est mené par une " personne qualifiée en vertu du droit national " disposant " des connaissances appropriées " ou ayant reçu la " formation nécessaire pour remplir ses obligations ", les articles 5 et 35 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 citées au point 5 comporte des dispositions identiques qui sont directement applicables en droit interne. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

15. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 11, la décision de transfert est fondée sur le b) de l'article 18 du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du même règlement est inopérant et ne peut, par suite, qu'être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement du 26 juin 2013, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. M. A...se borne à alléguer que lors de son passage en Allemagne, les autorités allemandes auraient décidé de son transfert au Danemark. A la supposer même établie, cette circonstance n'est pas de nature à justifier que la France examine sa demande de protection internationale alors même que son examen ne lui incombe pas. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées en ne faisant pas usage de la faculté qu'elles ouvrent de procéder à l'examen de sa demande d'asile, et le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 doit, dès lors, être écarté.

17. Il résulte des points 9 à 16 que la décision de transfert n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision d'assignation à résidence, doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

19. La présente décision, compte tenu de sa portée, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M.A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation du jugement n° 1801042 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 mars 2018 décidant son transfert aux autorités allemandes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur, et à Me B...E....

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

N°18DA01097 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01097
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Étrangers - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-29;18da01097 ?
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