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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA01433

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2019, 17DA01433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 13 novembre 2014 de la directrice du centre hospitalier de Sambre-Avesnois prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et, d'autre part, de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme totale de 70 000 euros au titre des préjudices subis du fait de ce licenciement illégal, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement conjoint

n° 1500018, 1503262 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 13 novembre 2014 de la directrice du centre hospitalier de Sambre-Avesnois prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et, d'autre part, de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme totale de 70 000 euros au titre des préjudices subis du fait de ce licenciement illégal, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement conjoint n° 1500018, 1503262 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 13 novembre 2014 et rejeté les conclusions indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2017 et le 26 mars 2019, M. C..., représenté par Me A...D..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser la somme totale de 22 690 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à compter du 2 janvier 2013, par contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur des finances et du dialogue de gestion. Par une décision du 13 novembre 2014, la directrice du centre hospitalier a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 21 décembre 2014. M. C...relève appel du jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Lille en tant qu'après avoir annulé cette décision pour un vice de procédure, il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois :

2. L'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs. Le demandeur de première instance qui a obtenu satisfaction n'est pas recevable à faire appel en critiquant les seuls motifs retenus par les premiers juges. Si le centre hospitalier de Sambre-Avesnois fait valoir que M. C...n'est pas recevable à contester le jugement attaqué en tant qu'il a intégralement fait droit à ses conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal administratif de Lille dirigées à l'encontre de la décision du 13 novembre 2014 prononçant son licenciement, cependant, il ressort du dernier état des écritures de M. C...que celui-ci ne fait appel du jugement attaqué qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois :

3. L'illégalité de la procédure mise en oeuvre par l'administration pour procéder au licenciement d'un agent, si elle est fautive, n'a pas, par elle-même, pour effet d'ouvrir à cet agent un droit à réparation. Il appartient au juge, lorsqu'il est saisi d'une demande indemnitaire au titre d'une décision de licenciement pour insuffisance professionnelle prise à l'issue d'une procédure illégale, de vérifier si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

4. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

5. Pour prononcer le licenciement de M.C..., la directrice du centre hospitalier de Sambre-Avesnois s'est fondée sur les difficultés récurrentes rencontrées par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions durant l'année 2014 malgré la décharge du traitement de certains dossiers qui lui avait été accordée à sa demande. Il est reproché à M. C...des difficultés à prioriser ses dossiers, des erreurs et anomalies d'imputation, des insuffisances en matière d'élaboration des documents financiers prévisionnels, le non-respect de nombreux délais vis-à-vis de l'agence régionale de santé, et enfin des problèmes de management et relationnel de l'intéressé avec ses collègues.

Sur la matérialité des faits :

6. En premier lieu, s'agissant de la priorisation des dossiers, il résulte de l'instruction que si par une lettre du 28 avril 2014, il a été demandé à M. C...de traiter en priorité cinq dossiers dont la clôture budgétaire de l'exercice de l'année 2013, le plan prévisionnel de trésorerie, la situation de trésorerie et la priorisation des mandats et le dossier " Copermo ", il ressort des échanges de courriels produits par M. C...et de la réponse apportée par ce dernier à cette lettre, d'une part, que l'intéressé a organisé un calendrier de travail de sa direction en collaboration avec l'ensemble des autres directions fonctionnelles, en particulier, celle chargée de la logistique et celle des ressources humaines ainsi qu'avec des services de soins sur l'ensemble des documents, en amont des échéances fixées pour la remise des documents finalisés par la direction des finances en ce qui concerne notamment le rapport d'activité, la statistique annuelle d'activité 2013, comme en témoignent les courriels des 17 décembre 2013, 19 février, 26 février et 19 mars 2014, et que, d'autre part, M. C...avait finalisé une partie des documents en cause à la date du 28 avril ou avait engagé le travail avant ce courrier de rappel. Par suite, la matérialité de ce manquement ne peut être regardée comme établie.

7. En deuxième lieu, s'agissant des erreurs, anomalies d'imputation, le centre hospitalier fait valoir des anomalies d'imputation sur le budget annexe EPHAD du Moulin, des incohérences dans la balance d'entrée des stocks 2013, une erreur sur le crédit du compte du Trésor 515 indiqué dans le plan prévisionnel de trésorerie adressé à l'agence régionale de santé. Ces erreurs ne sont pas sérieusement contestées par M. C...qui se borne à soutenir qu'il a été expert régional pour le déploiement de la comptabilité analytique hospitalière. Par suite, la matérialité de ces manquements peut être regardée comme établie.

8. En troisième lieu, s'agissant des retards, les courriels émanant en février 2014 de la caisse primaire d'assurance maladie et en juin 2014 de l'agence régionale de santé, font état de retard respectivement dans la saisine des dépenses d'un EPHAD, et dans le retraitement comptable au titre de l'année 2013. Il ressort également d'autres courriels que des documents de suivi financier (RIA) n'étaient pas remis à temps. M. C...soutient que l'ensemble des documents financiers de l'établissement ont été finalement validés et que la direction des affaires financières est tributaire, pour l'élaboration de ces documents, des données fournies par les autres services de l'hôpital lesquels ne respectent pas les délais de transmission. Il admet néanmoins le retard pris dans la saisine des dépenses de l'EPHAD, lequel doit être regardé comme relevant de sa seule responsabilité. Par suite, la matérialité de ce retard peut être regardée comme établie.

9. En quatrième, et dernier lieu, si le centre hospitalier s'est également fondé dans les motifs du licenciement sur des difficultés de management et des problèmes relationnels, les faits évoqués ne ressortent d'aucune autre pièce du dossier que du courrier du 22 octobre 2014 de la directrice des ressources humaines adressé quelques jours avant la décision de licenciement à la directrice de l'hôpital. Dès lors, la matérialité du manquement ainsi allégué ne saurait être tenue pour établie.

Sur l'erreur d'appréciation :

10. Il résulte de l'instruction que la direction des affaires financières, service composé de quatre personnes dont un attaché d'administration hospitalière, a été privée de cet agent entre janvier et octobre 2014. Pour faire face à cette difficulté, et aux absences ponctuelles des agents administratifs de ce service, la direction de l'hôpital a mis en place des mesures destinées à permettre à M. C...de faire face à ses missions, en faisant appel à la société KPMG, au centre hospitalier du pays d'Avesnes et à l'hôpital départemental de Felleries-Liéssies. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier de Sambre-Avesnois, M. C...avait établi une liste de tâches pour lesquelles il souhaitait une aide dans un courriel du 12 mai 2014 qui n'a reçu aucune réponse. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que M. C...ait pu bénéficier des soutiens du cabinet KPMG et du centre hospitalier du pays d'Avesnes. Si M. C...devait être aidé pour la gestion du budget annexe de l'institut de formation en soins infirmiers par l'hôpital de Felleries-Liéssies, il résulte de l'instruction, et notamment du courriel qu'il a adressé le 18 juillet 2014 à la directrice de l'hôpital, que cette aide a été très limitée et l'a contraint à reprendre la quasi-totalité des saisies du compte financier de ce budget.

11. Par suite, alors que M. C...avait donné toute satisfaction l'année précédente, les manquements ponctuels de celui-ci confronté à une surcharge de travail occasionnée par l'absence pendant dix mois d'un agent de catégorie A, ne permettent pas d'établir son inaptitude à exercer les fonctions pour lesquelles il avait été engagé. En conséquence, M. C...est fondé à soutenir que le centre hospitalier de Sambre-Avesnois a commis une erreur d'appréciation en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices :

12. En premier lieu, si M. C...soutient qu'il a subi un préjudice financier qu'il évalue à 1 345 euros brut par an correspondant à la différence entre le traitement perçu au centre hospitalier et celui perçu dans son emploi actuel à la commune de Maubeuge, les bulletins de salaire qu'il produit ne permettent pas d'établir la réalité de ce préjudice.

13. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subi en allouant à M. C...la somme de 3 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas la partie perdante, verse au centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme au titre de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Sambre-Avesnois le versement à M. C...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Sambre-Avesnois est condamné à verser à M. C... une somme de 3 000 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Sambre-Avesnois versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1500018,1503262 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Lille est réformé en qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au centre hospitalier de Sambre-Avesnois.

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N°17DA01433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA01433
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-28;17da01433 ?
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