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28/05/2019 | FRANCE | N°17DA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2019, 17DA00385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 37 663,37 euros en indemnisation de ses préjudices liés à la disparition de certains de ses effets personnels.

Par un jugement n° 1407195 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, M.C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;



2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 37 663,37 euros en indemnisation de ses pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 37 663,37 euros en indemnisation de ses préjudices liés à la disparition de certains de ses effets personnels.

Par un jugement n° 1407195 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, M.C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 37 663,37 euros en indemnisation de ses préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...C..., incarcéré depuis 2001, interjette appel du jugement du 29 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis à la suite de la perte, à l'occasion d'un transfert entre deux centres pénitentiaires, d'une montre de marque Rolex et de cravates de marque Hermès.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé des conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre celles-ci en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les parties, contrairement à ce que soutient le requérant, ont été mises en mesure de savoir, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction, que le rapporteur public conclurait au " rejet au fond " de la requête introduite par M. C...devant le tribunal administratif de Lille. Eu égard aux caractéristiques du litige, cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions, citées au point 2, de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est revêtue de la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison du défaut de signature de la minute du jugement doit, par suite, être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de façon suffisante aux différents moyens contenus dans les écritures de M. C...et ont ainsi satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 9 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

7. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreurs de faits relatives au caractère authentique des documents produits par l'administration et d'une contradiction en rejetant ses conclusions indemnitaires alors que l'administration avait reconnu la perte de ses cravates relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. La responsabilité de l'Etat en cas de dommage aux biens des personnes détenues peut être engagée lorsque ce dommage est imputable, en tenant compte des contraintes pesant sur le service public pénitentiaire, à une carence de l'administration dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la protection de ces biens.

9. Dans le cas particulier du transfert d'un détenu, il incombe aux chefs des établissements de départ et d'arrivée de prendre les mesures nécessaires à la protection de ses biens. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article D. 340 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont reprises au IV de l'article 24 de l'annexe à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " Lorsque le détenu est transféré, les objets lui appartenant sont déposés contre reçu entre les mains de l'agent de transfèrement s'ils ne sont pas trop lourds ou volumineux ; sinon, ils sont expédiés à la nouvelle destination du détenu aux frais de ce dernier ou sont remis à un tiers désigné par lui, après accord du chef d'établissement ". Il découle de l'obligation de protéger les biens des détenus qu'en cas de transfert, le reçu, prévu par les dispositions précitées, remis à l'agent de transfèrement ainsi que, le cas échéant, au responsable de l'expédition des objets, doit, sauf urgence, être accompagné de l'inventaire précis de l'ensemble des objets personnels du détenu, dressé contradictoirement avec ce dernier.

10. M. C...soutient qu'une montre de marque Rolex et six cravates de marque Hermès ont été perdues lors de son transfert du centre pénitentiaire sud francilien à la maison centrale de Poissy, au mois de juillet 2012. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, qu'il a été condamné, le 16 avril 2018, par la cour d'appel de Douai, pour avoir sciemment utilisé des documents dont il connaissait le caractère falsifié dans le but d'obtenir frauduleusement une indemnisation à laquelle il ne pouvait prétendre. Il ressort de cet arrêt que les documents produits par M. C...dans la présente instance et portant la mention " montre Rolex " sont des faux. Dans ces conditions, M. C...n'établit ni avoir été propriétaire d'une telle montre, ni que l'administration pénitentiaire avait la charge de la protection de cette montre durant son transfert. D'autre part, M. C...n'établit pas, par la seule production d'un devis émanant d'une boutique Hermès indiquant le prix unitaire d'une cravate de cette marque, et le prix total pour huit cravates, document non nominatif qui ne constitue pas une facture d'achat, avoir été en possession de telles cravates, ni en avoir confié la garde à l'administration. Dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'administration doit être engagée en raison d'une carence fautive dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la protection de ses effets personnels.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

12. L'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement (...) ". L'article 50 de cette même loi dispose que : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. / Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : / (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ". Enfin, l'article 51 de cette même loi dispose que : " (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, M. C...n'établit pas avoir été propriétaire de cravates de marque Hermès et a été condamné, le 7 février 2017 par le tribunal correctionnel d'Arras, puis le 16 avril 2018, par la cour d'appel de Douai, pour avoir sciemment utilisé des documents dont il connaissait le caractère falsifié dans le but d'obtenir frauduleusement une indemnisation à laquelle il ne pouvait prétendre pour la perte alléguée d'une montre Rolex. Il résulte en outre de l'instruction que MeA..., conseil de M. C...dans la présente instance, le représentait également devant le tribunal correctionnel. Dans ces conditions, cette requête présente un caractère abusif au sens des dispositions précitées de l'article 51 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, il y a lieu de retirer à M. C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été octroyé par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : L'aide juridictionnelle accordée à M. C...est retirée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la garde des Sceaux, ministre de la justice et à Me B...A....

4

N°17DA00385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00385
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-28;17da00385 ?
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