Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2014 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours assortie d'un sursis de dix jours.
Par un jugement n° 1400696 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 1er juin 2018, M. B...C..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 janvier 2014 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé, à son encontre, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours assortie d'un sursis de dix jours ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 313 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...a été titularisé le 1er septembre 1996 dans le grade de contrôleur des impôts de 2ème classe. Du 1er septembre 2007 au 31 août 2010, il était affecté au centre des impôts " Porte océane " du Havre en secteur d'assiette. A compter du 1er septembre 2010, il a exercé ses fonctions à la cellule accueil du service des impôts des particuliers " Le Havre Océane ". Le 1er septembre 2011, il a été reclassé dans le corps des contrôleurs des finances publiques de 2ème classe. Par un arrêté du 2 janvier 2014, le directeur général des finances publiques a prononcé, à son encontre, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours assortie d'un sursis de dix jours. M. C... relève appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
2. Il résulte de l'instruction que les conclusions par lesquelles M. C...demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 313 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, qui n'ont pas été présentées devant les premiers juges, sont nouvelles en appel et, dès lors, irrecevables. Elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois ". Ces dispositions, qui permettent au fonctionnaire poursuivi d'obtenir une fois le report de la séance du conseil de discipline à laquelle il a été convoqué, n'interdisent nullement à l'autorité qui a déclenché la procédure disciplinaire et qui conduit cette procédure, de modifier la date à laquelle le conseil de discipline est appelé à se réunir. Le moyen tiré de ce que cette date aurait été modifiée à deux reprises par l'administration en violation des dispositions précitées doit, par suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du même décret : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'il est procédé à une enquête. / Les délais susindiqués sont prolongés d'une durée égale à celle des reports des réunions du conseil intervenus en application du deuxième alinéa de l'article 4 du présent décret ou du deuxième alinéa de l'article 41 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 susvisé. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline, qui a rendu son avis lors de sa séance du 21 novembre 2013, a été saisi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire à l'égard de M.C..., c'est-à-dire le directeur général des finances publiques, par un rapport daté du 4 novembre 2013. Dès lors, le délai d'un mois imparti par les dispositions précitées au conseil de discipline pour se prononcer, qui court à compter du jour où celui-ci a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, n'a pas été méconnu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait et doit être écarté.
5. En troisième lieu, M. C...soutient que s'il a été informé dès le 13 janvier 2012, qu'une procédure disciplinaire allait être engagée à son encontre, la sanction en litige n'est toutefois intervenue que le 2 janvier 2014, soit au-delà d'un délai raisonnable en vertu du principe de bonne administration selon lequel, dans le cadre d'une procédure susceptible d'aboutir à l'adoption d'une sanction, l'administration est tenue d'éviter les retards anormaux et de s'assurer que chaque acte de la procédure intervienne dans un délai raisonnable. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'administration n'est pas restée inactive durant ces deux années. L'année 2012 a été consacrée à une phase d'enquête et d'audit interne, qui s'est achevée par un rapport du 3 décembre 2012 adressé par le directeur régional de finances publiques au directeur général des finances publiques, lui proposant l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de l'intéressé. Ensuite, par un courrier du 19 mars 2013, dont il a accusé réception le 22 mars 2013, M. C... a été avisé qu'une procédure disciplinaire était engagée à son encontre et qu'il disposait d'un délai de quinze jours pour consulter son dossier, désigner un défenseur et présenter des observations. Il a alors consulté son dossier le 26 mars 2013 et adressé des observations le 5 avril 2013. Puis, par une note du 25 avril 2013 adressée au directeur général des finances publiques, le directeur régional de finances publiques a préconisé la poursuite de la procédure disciplinaire. Ensuite, le conseil de discipline a été convoqué, ce dont M. C... a été informé. Si la réunion du conseil de discipline, initialement prévue le 9 septembre 2013, a été reportée à deux reprises, ce qui n'était pas irrégulier ainsi qu'il a été dit au point 3, et ce dont M. C... a aussi été informé, le conseil de discipline s'est finalement réuni le 21 novembre 2013, soit dans un délai raisonnable. Il s'ensuit que le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires inséré par l'article 36 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du militaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Pour les mêmes motifs, ce délai ne peut s'appliquer rétroactivement aux procédures achevées avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il s'ensuit que les faits reprochés à M. C..., datés du mois de novembre 2009, pouvaient encore être régulièrement invoqués dans le cadre de la procédure engagée en 2012, qui a abouti à la sanction en litige prononcée par arrêté du 2 janvier 2014. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ces faits étaient prescrits à la date de l'arrêté attaqué.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis. ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il exerçait les fonctions de contrôleur de secteur d'assiette au centre des impôts du Havre " Porte océane ", M. C...a reconnu, dans le cadre de son audition du 26 janvier 2010, avoir apposé sa signature sur soixante-dix demandes gracieuses adressées par des contribuables de manière " mécanique " sans avoir procédé au préalable à un contrôle de l'instruction pour s'assurer du bien-fondé de ces demandes. Le rapport d'audit du 16 juillet 2010 relève également que, lors de ses auditions, M. C...a notamment reconnu qu'il a " signé sans regarder car [il] n'avait pas le temps " et conclut " qu'il ressort clairement des contrôles effectués qu'aucun examen au fond n'a été effectué : absence d'annotation sur la situation du contribuable, absence de motivation manuscrite ou d'inscription sur le bloc note d'Iliad, pas de désagrafage des documents, remise totale et systématique de l'impôt dont la remise est sollicitée ". Si M. C...soutient qu'il a agi de la sorte pour satisfaire la demande de sa hiérarchie de traiter les dossiers en souffrance, cela ne le dispensait pas d'effectuer le contrôle requis pour chaque demande gracieuse. En outre, s'il fait également valoir que ces faits n'ont pas donné lieu à une poursuite disciplinaire immédiate à la suite de leur révélation, ils n'étaient pas pour autant prescrits à la date de l'arrêté attaqué, ainsi qu'il a été indiqué au point 6. Enfin, la circonstance tirée d'une réorganisation interne du service qui aurait entraîné du retard dans le traitement des dossiers, celle tirée de ses notations élogieuses malgré ces faits, ou encore celle tirée de ce que l'administration n'aurait pas démontré un préjudice financier du fait de ses agissements, ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits, nonobstant la circonstance relevée par le rapport d'audit précité selon laquelle " rien ne permet d'affirmer qu'il s'agisse de dégrèvements de complaisance et qu'il y ait eu malversation ".
10. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d'audition de M. C...des 3 et 13 janvier 2012, qu'alors qu'il exerçait ses fonctions à la cellule accueil du service des impôts des particuliers " Le Havre Océane " depuis le 1er septembre 2010, des investigations menées en décembre 2011 et janvier 2012 sur l'ordinateur professionnel qui lui avait été affecté ont révélé que les comptes " administrateurs " avaient été supprimés et que cet ordinateur avait été débranché, empêchant ainsi la réalisation des opérations de maintenance et de sécurité informatique notamment la mise à jour du logiciel anti-virus, des virus ayant d'ailleurs été diagnostiqués sur cet ordinateur. S'il soutient qu'une autre personne a pu y avoir accès, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été le dernier à se connecter à cet ordinateur le 23 décembre 2011 à 17 h 12 avant son départ en congés. S'il soutient également que les agents chargés de l'entretien des locaux seraient à l'origine du débranchement de cet ordinateur, il ne l'établit pas. En outre, il ressort du procès-verbal du 13 janvier 2012 que M. C...a reconnu utiliser des clefs " USB " contenant des logiciels " reconnus comme présumés malveillants par le système ", et les investigations menées sur cet ordinateur ont révélé la présence d'un grand nombre de fichiers étrangers aux fonctions occupées par M.C..., notamment des fichiers vidéos et musicaux, occupant un volume total de 13 gigaoctets. S'il est vrai qu'un volume de 65 gigaoctets demeurait toutefois disponible comme il le fait valoir, le stockage d'un nombre très important de fichiers personnels, d'ailleurs imbriqués avec des fichiers professionnels comme le relève notamment le rapport du directeur régional des finances publiques du 3 décembre 2012, dépasse la tolérance admise par les usages rappelés par la charte ministérielle d'usage des technologies de l'information et de la communication. La circonstance que M. C...ne disposait pas d'ordinateur personnel et celle tirée de ce qu'il n'est pas établi qu'il aurait consulté ou stocké des fichiers de nature à porter atteinte à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou aux obligations déontologiques, à les supposer même établies, ne sont pas non plus de nature à remettre en cause la matérialité de ces faits. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que, parmi les fichiers enregistrés sur le disque dur de l'ordinateur de M.C..., figurait un grand nombre de dossiers professionnels traités par ses collègues, dont certains dossiers confidentiels, notamment relatifs à des entreprises contrôlées, alors que, par ses fonctions, M. C... n'avait pas l'usage de tels dossiers.
11. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des pièces du dossier que la matérialité des faits qui lui sont reprochés est établie. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté.
12. Les faits relatés aux points 9 et 10 constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Compte tenu de leur accumulation et de leur gravité, la sanction disciplinaire du deuxième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours assortie d'un sursis de dix jours n'est pas disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat alors au demeurant que la présente instance n'a entraîné aucuns dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.
N°17DA00639 6