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04/04/2019 | FRANCE | N°17DA00703

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 avril 2019, 17DA00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 juillet 2014 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions et de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la sanction prononcée à son encontre, les sommes de 150 000 euros correspondant à la rémunération dont il estime avoir été privé entre la date de sa suspension et la date de sa révocation et de 100 0

00 euros correspondant au préjudice moral .

Par un jugement n° 1403867 du 14 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 juillet 2014 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions et de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la sanction prononcée à son encontre, les sommes de 150 000 euros correspondant à la rémunération dont il estime avoir été privé entre la date de sa suspension et la date de sa révocation et de 100 000 euros correspondant au préjudice moral .

Par un jugement n° 1403867 du 14 février 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2017, M.C..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juillet 2014 du ministre de l'intérieur ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros au titre à la rémunération dont il estime avoir été privé entre la date de sa suspension et la date de sa révocation et la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de mettre la somme de 15 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 29 juillet 1881 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;

- le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., né le 3 août 1968, entré en 1989 dans la police nationale, était brigadier-chef affecté à la circonscription de sécurité publique d'Amiens. Il était le chef de la brigade anti criminalité de jour, lorsque, à la suite d'incidents intervenus dans la nuit du 1er au 2 février 2008 dans un bar d'Amiens, M. C...a été suspendu de ses fonctions le 8 février 2008 puis placé à demi-traitement par un arrêté du 29 juillet 2008. Il a aussi été mis en examen le 9 février 2008 du chef de provocation à la discrimination et à la haine ou à la violence en raison de l'origine d'une personne ou de son appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée. M. C...a été réintégré à la circonscription de sécurité publique d'Amiens par un arrêté du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2013, à compter du 7 février 2014. Il a ensuite été placé en disponibilité pour convenance personnelle du 12 février 2014 au 11 février 2015. Par un jugement du 3 mai 2011 du tribunal correctionnel d'Amiens, M. C...a été condamné à 1 000 euros d'amende pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et à 1 euro de dommages et intérêts à chaque partie civile, condamnation portée à six mois de prison avec sursis et 500 euros de dommages et intérêts à chaque partie civile par un arrêt du 12 décembre 2014 de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens. Le pourvoi en cassation contre cet arrêt a été rejeté. Le conseil de discipline, saisi par un rapport du 17 décembre 2013 du préfet de la Somme, s'est enfin réuni le 11 mars 2014 et le 19 mai 2014. M. C... relève appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2014 du ministre de l'intérieur le révoquant de ses fonctions et tendant au versement d'une somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices nés de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. M. C...soutient, tout d'abord, que le tribunal a omis de répondre au grief selon lequel il avait quitté son service, qui ne figurait pas dans le rapport du 17 décembre 2013. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce grief constituait l'un des éléments des faits reprochés au requérant, constitués par la finalisation de la vente de son véhicule à un délinquant, qu'il savait démuni de permis de conduire. Cette vente était visée dans le rapport de saisine du 17 décembre 2013 qui relevait à ce sujet ses " explications confuses sur les circonstances de la négociation ". Or, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. C...dans le cadre de sa requête, s'est prononcé sur ce moyen, invoqué par le requérant à l'appui de ses conclusions.

3. Ensuite, si M. C...soutient aussi que le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'absence de numérotation des pièces de son dossier, de la partialité du président du conseil de discipline lors de la réunion du 11 mars 2014, du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet lors de sa réintégration et du détournement du pouvoir, les points 2, 6, 15, 25 et 29 du jugement y répondent. Par suite, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation et, par suite, d'irrégularité.

Sur la légalité de la procédure de saisine du conseil de discipline :

4. La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et dispose qu'aucune procédure disciplinaire ne pourra désormais être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu effectivement connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe, ou de condamnation. Toutefois, ces dispositions ne sont, en l'espèce, pas applicables au litige dès lors que la décision attaquée a été prise le 24 juillet 2014, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016. A la date de la décision contestée, aucun texte applicable ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé, l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 1, d'une part, le ministre de l'intérieur n'est pas resté inactif antérieurement à la saisine du conseil de discipline, saisissant l'Inspection générale de la police nationale d'une enquête disciplinaire, en suspendant M. C...de ses fonctions puis en prononçant sa réintégration, et, en tout état de cause, à supposer applicables les dispositions nouvelles issues de la loi du 20 avril 2016, les poursuites pénales exercées à son encontre ont suspendu le délai de saisine du conseil de discipline. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'aurait pas respecté un délai raisonnable pour le sanctionner en dépit du fait que le conseil de discipline n'ait été saisi que cinq ans et demi après les faits reprochés.

5. Les dispositions de l'article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires d'Etat en vertu desquelles, lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal, ne trouvent à s'appliquer qu'après que le conseil de discipline ait été effectivement saisi. M. C...ne peut, par suite, utilement soutenir que le ministre de l'intérieur se serait substitué au conseil de discipline en décidant d'attendre la décision du tribunal correctionnel avant d'engager la procédure disciplinaire.

6. La contestation, par un fonctionnaire, de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Par suite, un tel litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C...ne peut, dès lors, utilement soutenir que la décision du 17 décembre 2013 de saisine du conseil de discipline méconnaitrait ces stipulations du fait de son caractère imprécis ou de son absence de loyauté.

Sur le déroulement du conseil de discipline :

7. Aux termes de l'article 8 du décret précité n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. (...) ".

8. Ainsi qu'il est dit au point 1, le conseil de discipline chargé d'examiner la situation de M. C...a été réuni le 11 mars 2014. Mais, son président ayant été appelé en urgence à l'extérieur, celui-ci a dû interrompre sa réunion, qui a été reprise le 14 mai 2014. S'il ressort du procès-verbal de la seconde réunion que deux membres de la première séance n'étaient pas présents lors de la seconde réunion, il résulte des dispositions précitées que les droits de la défense n'ont pas été méconnus du fait de cette circonstance, dès lors qu'il n'est pas contesté, s'agissant des suites devant être réservées à la procédure disciplinaire engagée, que les votes sur les propositions de sanction n'avaient pas encore eu lieu lors de la première réunion, que les membres présents ont bien été régulièrement convoqués et que le quorum était atteint lors des deux réunions. En outre, la circonstance que le secrétaire-adjoint de séance, qui ne faisait pas partie des membres du conseil de discipline, ait été cité comme témoin, dans le volet pénal du dossier de M.C..., est sans effet sur l'avis rendu par le conseil de discipline.

9. Il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, que le conseil de discipline, qui ne rend qu'un avis et n'est pas une instance judiciaire, soit tenu de répondre point par point à un mémoire qui lui est soumis par le fonctionnaire mis en cause. Il est constant que le conseil de discipline du 11 mars 2014 a examiné le mémoire déposé le 10 mars 2014 par le conseil de M.C..., dont le président a donné lecture, et qu'il a voté sur la seule première demande qui était celle d'un report de la séance à une audience ultérieure. En l'absence de majorité pour le report, l'examen de l'affaire s'est poursuivi. Par suite, le moyen tiré de l'absence de réponse aux moyens du mémoire du 10 mars 2014 doit être écarté.

10. Aux termes de l'article 1er du décret précité n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés ".

11. Si M. C...soutient que son dossier administratif était incomplet, du fait de l'absence de document relatif à la proposition de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) de lever la suspension dont il faisait l'objet, élément visé dans l'arrêté du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2013 le réintégrant ainsi que l'absence de document relatif à la proposition du directeur général de la police nationale de le révoquer, élément visé dans l'arrêté contesté du 24 juillet 2014, l'absence de ces éléments, au demeurant non formalisés, n'a pas été de nature à le priver d'une garantie ou d'avoir été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. De plus, la décision contestée n'est pas fondée sur ces éléments. Enfin, la seule absence de numérotation des pièces du dossier ne peut établir le caractère incomplet du dossier administratif du requérant.

12. Aux termes de l'article 7 du décret précité n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " S'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, ordonner une enquête ".

13. M.C..., dont le conseil a, au demeurant, versé l'ensemble de deux procédures pénales à la procédure disciplinaire, a pu faire valoir ses observations écrites et orales devant le conseil de discipline. Il ne peut utilement soutenir que cette instance aurait dû décider d'ordonner un supplément d'enquête au motif que le dossier dont elle était saisie ne serait que parcellaire dès lors qu'une enquête complémentaire ne constitue pas une obligation pour le conseil de discipline. La circonstance que le procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 14 mai 2014 mentionne de manière inexacte que M. C...n'avait pas relevé appel du jugement du 3 mai 2011 du tribunal correctionnel d'Amiens le condamnant à 1 000 euros d'amende, n'est pas de nature à établir l'illégalité de l'avis rendu, dès lors que ce document signalait par ailleurs que le Parquet avait relevé appel de ce jugement.

14. La circonstance que le président du conseil de discipline, lors de la réunion du 11 mars 2014, ait observé que le mémoire du conseil de M. C..." comporte des contradictions qui rendent sa démarche incohérente " et ait affirmé que les faits reprochés au mis en cause étaient établis, ne caractérise pas un manquement à l'obligation d'impartialité, faute pour cette autorité d'avoir manifesté une animosité personnelle à l'égard du fonctionnaire ou fait preuve de partialité et alors, au demeurant, que le conseil de discipline n'a rendu aucun avis lors de cette réunion. Dès lors, le moyen tiré l'accusation de partialité du président de discipline le 11 mars 2014 doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté de révocation du 24 juillet 2014 :

15. Aux termes de l'article 221-1 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " L'inspection générale de la police nationale intervient sur instruction du ministre de l'intérieur ou, sous son autorité, du directeur général de la police nationale (...) Chargée de veiller au respect, par les personnels cités à l'article 1er des dispositions liminaires de l'arrêté portant présent règlement général d'emploi, des lois et règlements, des dispositions du code de déontologie de la police nationale et de celles dudit règlement général, elle exerce la mission de contrôle qui lui est assignée par l'article 19 du code de déontologie précité ". Aux termes de l'article 221-2 de ce texte : " L'inspection générale de la police nationale peut être saisie d'enquêtes par les autorités judiciaires dans le cadre des dispositions du code de procédure pénale ".

16. L'arrêté contesté se fonde sur les constatations de l'enquête administrative de l'inspection générale de la police nationale pour établir la matérialité des faits reprochés à M. C... dans la nuit du 1er au 2 février 2008. Ainsi qu'il est dit au point 6, la contestation, par un fonctionnaire, de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Par suite, un tel litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C...ne peut, par suite, utilement soutenir que le droit au procès équitable et la jurisprudence relative à l'exigence d'impartialité des enquêteurs aurait été méconnu par les enquêteurs de l'IGPN.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. C...a été réintégré à la circonscription de sécurité publique d'Amiens à compter du 7 février 2014 avant d'être placé en disponibilité pour convenance personnelle du 12 février 2014 au 11 février 2015. Il a été affecté du 8 février 2014 au 11 février 2014 au service gestion opérationnelle, bureau de la logistique. Eu égard à la très courte durée de cette affectation, il ne peut sérieusement soutenir que celle-ci constituerait une sanction du 3ème groupe, une rétrogradation ou serait constitutive de harcèlement moral dès lors qu'il a effectué diverses activités correspondant aux missions de soutien de ce service et conformes à celles des fonctionnaires de police du corps d'encadrement et d'application auquel il appartient. De même, le retard dans la transmission de cet arrêté de réintégration, pour regrettable qu'il soit, ne peut établir la réalité du harcèlement moral allégué.

18. L'arrêté contesté qui reproche notamment à M. C...de s'être affranchi des règles déontologiques exigeant des policiers un comportement digne en toute circonstance, vise les circonstances et de fait et droit qui en constituent le fondement et notamment le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale et le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale. Le moyen tiré du défaut de motivation doit par suite être écarté.

S'agissant de la matérialité des faits reprochés :

19. L'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne s'attache qu'aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire des jugements définitifs et statuent sur le fond de l'action publique. Une décision rendue en dernier ressort présente, à cet égard, un caractère définitif, même si elle peut encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou est effectivement l'objet d'un tel pourvoi et si, par suite, elle n'est pas irrévocable.

20. L'arrêt du 12 décembre 2014 de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens condamnant M. C...à six mois de prison avec sursis et 500 euros de dommages et intérêts à chaque partie civile pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence en raison de l'origine d'une personne ou de son appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée est devenu irrévocable du fait du rejet du pourvoi en cassation. Cet arrêt juge, page 26, que les cinq prévenus, dont M. C...et deux de ses subordonnés, dans la soirée du 1er au 2 février 2008, " ont tenu les propos " Sieg heil ", " Heil Hitler " et " Mort aux Juifs " tandis qu'un ou plusieurs d'entre eux, demeurés non identifiés, ont dit qu'il fallait " rouvrir les fours crématoires ". Même si ce mode d'expression n'est pas énoncé par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, il est également établi que tous ont appuyé leur propos du salut nazi, notamment au moment de trinquer puis ont pratiqué ce qu'un témoin a nommé de " mini saluts nazis ". Enfin, Fabrice C...est, en outre, dénoncé par plusieurs témoins comme étant l'individu qui s'est revendiqué à plusieurs reprises du " White power ". Ces propos ont été non seulement proférés dans un lieu public, ouvert à toute clientèle, sans restriction, et sans invitation particulière, mais encore ont été tenus à voix haute, de manière à être entendus si ce n'est de l'ensemble des consommateurs de l'établissement, en tout cas du plus grand nombre possible d'entre eux. En effet, les témoins rapportent que ces propos ont été prononcés suffisamment forts pour couvrir le bruit ambiant, sur un ton virulent et provocateur et qu'ils ont été accompagnés d'un salut hitlérien ostensible qui était destiné à attirer l'attention des personnes présentes. Cet objectif ayant été manifestement atteint puisque plusieurs personnes scandalisées ont quitté l'établissement. FabriceC..., lors de sa sortie du bar, a tout aussi ostensiblement marché au milieu de la chaussée en faisant le salut nazi, en criant " Sieg heil " et en se revendiquant du " White power ".

21. L'arrêt précité du 12 décembre 2014 relève également, en page 16, que " lors de la perquisition effectuée dans le vestiaire de Fabrice C...au commissariat, quatre cartes d'identité, deux permis de conduire et une carte de paiement de la Banque populaire, au nom de sept personnes différentes ont été découverts et ont donné lieu à une saisie incidente. De même, la perquisition réalisée à son domicile a amené à la découverte de deux photos le représentant avec d'autres personnes, lui-même tendant la main, ce geste pouvant être interprété comme un salut hitlérien. Il a spontanément déclaré que sur la première photo, il faisait signe au photographe de parler plus fort, en faisant l'imbécile, et sur la seconde, il se trouvait avec des camarades en train de chanter " Maréchal, nous voilà !". M.C..., ne peut, par suite, soutenir que l'arrêté contesté, qui énumère ces faits, serait entaché d'erreur quant à leur matérialité.

S'agissant du caractère fautif des faits reprochés à M. C...et du choix de la sanction :

22. Le ministre de l'intérieur, dans son arrêté du 24 juillet 2014, fonde la révocation de M. C...sur les faits constatés aux points 20 et 21 et sur le fait qu'il a quitté son service sans autorisation hiérarchique pour finaliser la vente de son véhicule personnel, au profit d'un individu défavorablement connu des services de police. Suite à l'interpellation de ce dernier, démuni notamment de permis de conduire, M. C...avait demandé à l'agent verbalisateur de lui accorder une indulgence. L'ensemble de ces faits constitue des fautes disciplinaires.

23. Il y a toutefois lieu de ne pas considérer comme constituant une faute disciplinaire, la découverte, au domicile de M.C..., des deux photographies sur lesquelles il faisait un salut nazi, ces faits ayant été commis dans un cadre privé, hors service, et la publicité donnée à leur sujet n'étant pas le fait du requérant.

24. Les faits reprochés à M.C..., bien que commis en dehors du service, constituent des manquements particulièrement graves et caractérisés aux obligations de loyalisme des fonctionnaires envers les institutions républicaines. Ils constituent également des manquements de même nature aux obligations de réserve, de probité, d'obéissance, d'exemplarité et de dignité auxquelles sont astreints les fonctionnaires de police. Ils ont été commis par un fonctionnaire expérimenté, exerçant une fonction d'encadrement, qui a entraîné deux de ses subordonnés dans ses errements. Leur très large médiatisation a aussi été de nature à jeter un discrédit réel sur l'ensemble de la police nationale. M. C...persiste dans le déni complet, sept ans après les faits, et malgré des témoignages accablants. Par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre de l'intérieur a pu prononcer la révocation de M.C....

Sur le détournement de pouvoir :

25. En dépit de la saisine tardive du conseil de discipline, le détournement allégué de pouvoir n'est pas établi.

Sur les conclusions indemnitaires :

26. Du fait de l'absence d'illégalité de l'arrêté du 24 juillet 2014, les conclusions indemnitaires de M. C...fondées sur la faute de l'Etat doivent être rejetées.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 14 février 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

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N°17DA00703

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00703
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : TRIOMPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-04;17da00703 ?
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