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25/03/2019 | FRANCE | N°18DA01751

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 25 mars 2019, 18DA01751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1803575 du 17 juille

t 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1803575 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 19 juin 1985, indique être entrée sur le territoire français le 7 avril 2013. Elle a formé, le 22 juillet 2013, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision définitive. Ayant noué une relation avec un compatriote résidant régulièrement en France et un enfant étant né de leur union, Mme C... a sollicité du préfet du Nord son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Toutefois, par un arrêté 28 mars 2018, cette autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C...relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 28 mars 2018 en litige que ceux-ci, qui ne se limitent pas à une suite de citations de dispositions susceptibles de s'appliquer à la situation de Mme C..., comportent, avec une précision et un niveau d'intelligibilité suffisants, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et révèlent, alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant sa situation personnelle, que cette situation a fait l'objet d'un examen particulier et suffisamment attentif. Par suite, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée en la matière par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 dont elles sont issues.

En ce qui concerne la vie privée et familiale :

3. MmeC..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, a indiqué être entrée sur le territoire français le 7 avril 2013, se prévaut de la relation qu'elle a nouée avec un compatriote titulaire d'une carte de résident obtenue en tant que père de trois enfants français. Par une attestation émise le 3 mai 2017 et jointe au dossier de demande de titre de séjour constitué par MmeC..., le compagnon de celle-ci a indiqué que leur vie commune avait débuté le 13 décembre 2014. Si la requérante a produit des justificatifs de domicile portant leurs deux noms, aucun n'est antérieur à cette date. Dans ces conditions, il doit être considéré que la vie commune des intéressés a débuté à peine plus de trois ans avant le 28 mars 2018, date à laquelle l'arrêté en litige a été pris. Mme C...se prévaut, en outre, de ce qu'elle a donné naissance à Lille, le 2 avril 2015, à une fille dont la paternité a été reconnue par son compagnon et du rôle maternel qu'elle joue auprès des trois enfants nés d'une précédente union de ce dernier. Elle ajoute que sa fille est particulièrement attachée à ses demi-frères et à sa demi-soeur, avec lesquels elle vit. Toutefois, il est constant que la requérante a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, puisqu'elle y a laissé des enfants mineurs confiés à des proches, et qu'y réside sa mère. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris. Cette décision n'a, dès lors, pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. S'il est constant que la fille de MmeC..., née en France le 2 avril 2015, a été médicalement prise en charge en raison de sa naissance prématurée de trois mois, il ressort des mentions portées sur le carnet de santé de cette enfant, versé au dossier par la requérante, et des certificats médicaux produits, que sa croissance staturo-pondérale et son développement psycho-moteur se sont ensuite poursuivis dans des conditions normales, sous surveillance médicale. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté, à savoir le 28 mars 2018, l'état de santé de cette enfant, qui avait presque atteint l'âge de trois ans et qui avait été admise en école maternelle, rendait encore nécessaire un suivi spécialisé en pédiatrie. Il n'est, en outre, pas allégué que la fille de Mme C...ne pourrait bénéficier, dans son pays d'origine, de la surveillance médicale dont continuerait de justifier son état de santé. Ainsi, au regard de ces seules considérations invoquées, et alors que l'intéressée ne conteste par la présence de ses deux autres enfants mineurs dans son pays d'origine, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'état de santé de la requérante :

6. S'il est constant que la demande formulée par Mme C...tendait à la seule délivrance d'un titre de séjour en raison des liens personnels et familiaux qu'elle invoquait en France, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet du Nord a examiné d'office si l'intéressée ne pouvait être admise au séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressée peut donc utilement soutenir que ces dispositions auraient été méconnues pour refuser de lui délivrer un titre de séjour.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

8. Pour refuser d'accorder à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, le préfet du Nord a estimé, au vu notamment d'un avis émis le 30 septembre 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration visé par les dispositions précitées, que, si l'état de santé de l'intéressée rendait nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme C...a versé au dossier un unique certificat médical la concernant, émis le 3 mars 2017 par une assistante spécialiste du service de psychiatrie pour adultes du centre hospitalier universitaire de Lille. Ce document atteste seulement que l'intéressée fait l'objet d'un suivi régulier depuis décembre 2013 au sein de cet établissement pour un état de stress post-traumatique qualifié de sévère et qu'une interruption de ce suivi pourrait entraîner un risque de chronicisation. Par ces seules mentions, un tel certificat ne saurait être de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions et en admettant même que, ainsi que l'affirme également ce certificat, un traitement approprié à la prise en charge de l'intéressée ne serait pas disponible en République démocratique du Congo, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'en faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle doivent être écartés.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation Mme C...de quitter le territoire français serait contraire à l'intérêt supérieur de sa fille, tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, alors que l'intéressée n'avance, à son soutien, aucune autre considération que celles précédemment invoquées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

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2

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01751
Date de la décision : 25/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : LOKAMBA OMBA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-25;18da01751 ?
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