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21/03/2019 | FRANCE | N°17DA00274

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17DA00274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 20 mars 2013, par lequel le maire de la commune d'Hénin-Beaumont a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint, à compter du 22 mars 2013, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, d'enjoindre à la commune d'Hénin-Beaumont de le réintégrer dans son emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint dans un délai d'un mois

à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 20 mars 2013, par lequel le maire de la commune d'Hénin-Beaumont a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint, à compter du 22 mars 2013, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, d'enjoindre à la commune d'Hénin-Beaumont de le réintégrer dans son emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser une somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette décision.

Par un jugement n° 1304387 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 mars 2013 du maire de la commune d'Hénin-Beaumont, en tant qu'il prévoit une date d'effet antérieure au 1er avril 2013, ainsi que la décision du 21 juin 2013 de rejet du recours gracieux de M. C..., en tant qu'elle confirme cette même date d'effet, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2017, M. B...C..., représenté par Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 mars 2013, par lequel le maire de la commune d'Hénin-Beaumont a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint, à compter du 22 mars 2013 ;

3°) de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me A...E..., représentant M.C..., celles de M. C..., et celles de Me D...F..., représentant la commune d'Hénin-Beaumont.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., attaché territorial, a été employé par la commune d'Hénin-Beaumont à compter du 1er février 2010 pour occuper les fonctions de directeur général des services adjoint, chargé des affaires financières. A la suite d'une altercation avec le directeur général des services le 21 décembre 2012, M. C... a été suspendu de ses fonctions à compter du 28 décembre 2012 pour une durée de quatre mois, par un arrêté du 26 décembre 2012. Puis, par un arrêté du 20 mars 2013, le maire de la commune d'Hénin-Beaumont a mis fin au détachement de l'intéressé sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint chargé des affaires financières à compter du 22 mars 2013. M. C...a formé un recours gracieux contre cet arrêté, rejeté par le maire le 21 juin 2013. Il a alors saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à l'annulation de ces décisions et à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1304387 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille y a partiellement fait droit en annulant l'arrêté en litige et la décision de rejet du recours gracieux en tant que ces décisions retiennent une date d'effet antérieure au 1er avril 2013, et a enjoint au maire de réintégrer M. C... pour la période du 22 mars au 1er avril 2013. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 :

2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. / Ces dispositions s'appliquent aux emplois : / (...) - de directeur général des services, de directeur général adjoint des services des communes de plus de 2 000 habitants ; / (...) Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois mentionnés ci-dessus, sauf s'ils ont été recrutés directement en application de l'article 47, qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante ".

3. En premier lieu, les dispositions de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 2 régissent entièrement la procédure que doit suivre l'autorité territoriale lorsqu'elle entend mettre fin au détachement d'un agent sur un des emplois fonctionnels qu'elles mentionnent. Ainsi, la consultation de la commission administrative paritaire n'est pas requise avant qu'il ne soit mis fin de manière anticipée au détachement d'un agent occupant un tel emploi. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 pour des motifs tirés de l'intérêt du service. Eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait de se trouver dans une situation ne permettant plus de disposer de la part de l'autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier, pour ce motif, une décharge de fonctions.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision en litige, le maire de la commune d'Hénin-Beaumont s'est fondé " sur la perte de confiance résultant des négligences répétées dans l'exercice des fonctions mettant l'exécutif en difficulté ", et que, pour caractériser les négligences de M. C..., le maire s'est notamment fondé sur une note du 13 janvier 2013 du directeur général des services faisant état, depuis la prise de fonctions de l'intéressé en février 2010, de plusieurs erreurs dans la préparation du budget communal, et notamment de carences en matière de formalisme et de respect des délais pour la préparation des conseils municipaux, le mandatement des factures et la rédaction des bons de commande nécessaires aux différentes directions. Il ressort également d'un courriel du 19 décembre 2012 du directeur général des services adressé à M. C...que le directeur lui a reproché des manquements concernant la préparation du budget devant être discuté au conseil municipal du même jour. En outre, une violente altercation a opposé le directeur général des services à M. C... le 21 décembre 2012, laquelle a justifié la suspension de fonctions de l'intéressé par arrêté du 26 décembre 2012, au vu d'un rapport du directeur général des services de la même date. Il ressort de ce rapport que M. C... s'est présenté dans le bureau du directeur général des services, le vendredi 21 décembre 2012 vers 17 h 30, pour évoquer un point de désaccord concernant la présentation du budget communal à la suite du courriel du 19 décembre 2012 précité. Il ressort également de ce rapport qu'invité par le directeur général des services à quitter son bureau à plusieurs reprises, M. C... s'est abstenu de le faire et a, au contraire, tenté de le séquestrer afin d'obtenir des explications sur le projet de non-renouvellement de son détachement dans l'emploi fonctionnel en cause. Toujours selon ce rapport, M. C... aurait en outre tenu des propos grossiers et insultants et aurait poussé le directeur général des services, dans le but de provoquer une confrontation physique à laquelle le directeur général des services se serait soustrait en interpellant deux autres directeurs présents à l'étage, le directeur des affaires culturelles ainsi que le chef de projet territorial de la direction des projets territoriaux, occupant des bureaux situés au même étage, lesquels déclarent avoir entendu un échange de propos inhabituellement vifs entre M. C...et le directeur général des services et confirment par ailleurs avoir vu l'intéressé à terre, puis se relever et renouer sa cravate. Il ressort également du témoignage écrit de l'assistante du directeur général des services, présente dans un bureau contigu, que M. C... a tenu des propos agressifs. Dès lors, pour l'ensemble de ces motifs, eu égard à l'importance et à la nature particulière des responsabilités incombant à M. C..., le maire de la commune d'Hénin-Beaumont a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation, mettre fin à la situation de détachement de M. C... dans ses fonctions de directeur général des services adjoint, chargé des affaires financières. En tout état de cause, à supposer même que les autres motifs, tirés des erreurs budgétaires et financières reprochées à M. C..., ne seraient pas fondés, et nonobstant la circonstance que le directeur général des services a indiqué dans sa note du 13 janvier 2013, qui ne constitue qu'un avis simple donné au maire, que " cet évènement n'est pas à l'origine de cette perte de confiance ", tout en soulignant toutefois que cet incident " rend difficile toute poursuite de collaboration ", il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif tiré de la violente altercation du 21 décembre 2012 précitée, de nature, à lui seul, à altérer définitivement le lien de confiance entre la municipalité et son agent. Par suite, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

6. En dernier lieu, si M. C...fait valoir que la décision contestée avait pour seul objet de l'évincer du service dès lors qu'il avait signalé des dysfonctionnements dans la gestion financière de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait été fondée sur de tels motifs, étrangers à l'intérêt du service. Dès lors, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi et le moyen doit, par suite, être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

7. Il résulte du jugement n° 1304387 du 29 novembre 2016, définitif sur ce point, que l'arrêté du 20 mars 2013 est entaché d'illégalité en tant seulement qu'il prévoit une date d'effet antérieure au 1er avril 2013. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que M. C...aurait subi une perte de rémunération pour le mois de mars 2013. D'autre part, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 6 que la décision en litige n'est pas illégale pour un autre motif et que le maire de la commune d'Hénin-Beaumont aurait pu légalement prendre la même décision en prévoyant une date d'effet de celle-ci au 1er avril 2013. Dès lors, en l'absence, d'une part, de préjudice pour la période du 22 mars au 1er avril 2013 et, d'autre part, de lien de causalité entre le motif d'illégalité tiré de la rétroactivité partielle et les préjudices dont M. C...demande réparation pour le reste, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la commune d'Hénin-Beaumont au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Hénin-Beaumont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et à la commune d'Hénin-Beaumont.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00274
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Divers.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DE BOUTEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-21;17da00274 ?
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