Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2012, par lequel le maire de la commune d'Hénin-Beaumont l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, et de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1303459 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 17 janvier 2019, M. B...C..., représenté par Me A...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 décembre 2012, par lequel le maire de la commune d'Hénin-Beaumont l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois ;
3°) de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- les observations de Me A...E..., représentant M.C..., celles de M. C..., et celles de Me D...F..., représentant la commune d'Hénin-Beaumont.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., attaché territorial, a été employé par la commune d'Hénin-Beaumont à compter du 1er février 2010 pour occuper les fonctions de directeur général des services adjoint, chargé des affaires financières. A la suite d'une altercation avec le directeur général des services le 21 décembre 2012, M. C... a été suspendu de ses fonctions à compter du 28 décembre 2012 pour une durée de quatre mois, par un arrêté du 26 décembre 2012. Le 5 février 2013, M. C...a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision. Par une lettre du 6 avril 2013, le maire a rejeté ce recours. Puis, par une lettre du 3 juin 2013, M. C...a sollicité du maire de la commune d'Hénin-Beaumont la réparation financière du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de sa suspension. M. C... relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2012 et à la condamnation de la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. C...soutient que le tribunal administratif de Lille a omis d'examiner le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée qu'il aurait soulevé dans ses écritures de première instance, il ne ressort toutefois pas de l'analyse de ces écritures qu'un tel moyen aurait été soulevé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, une mesure de suspension de ses fonctions prise à l'encontre d'un fonctionnaire telle que celle en litige est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Dès lors, une telle décision n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur, et aucun autre texte ou principe ne prévoit une obligation de motivation d'une telle décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant et ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ".
5. La suspension prise sur le fondement de ces dispositions est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
6. Eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par ces mêmes dispositions et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte. Par suite, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur des éléments portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, résultant notamment d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice et de témoignages, pour apprécier le caractère suffisant de vraisemblance et de gravité des faits qui lui étaient reprochés alors qu'il appartenait aux premiers juges de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de tenir compte des circonstances postérieures à la décision attaquée dont se prévaut M. C...tirées de ce que le conseil de discipline, réuni le 3 mai 2013, n'a pas proposé de sanction, de ce que le directeur général des services n'aurait pas déposé de plainte pénale à la suite de l'incident du 21 décembre 2012, ou encore des attestations, postérieures à la date de la décision attaquée, de son entourage professionnel faisant notamment état de son calme, de sa courtoisie et de son flegme.
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision en litige, l'adjoint au maire délégué aux ressources humaines s'est fondé sur le fait que " Monsieur B...C..., directeur des affaires financières a, le vendredi 21 décembre 2012, en fin de journée, intenté à l'encontre du directeur général des services " des agressions verbales et physiques " et " que par ce comportement il a manqué à ses obligations statutaires ainsi qu'à la déontologie professionnelle qui lui incombe " pour en déduire " que ces agissements sont qualifiables de faute grave ". Au jour de cette décision, il est constant que l'adjoint au maire délégué aux ressources humaines disposait du rapport du directeur général des services daté du 26 décembre 2012 relatant le déroulement de la vive altercation l'ayant opposé à M. C...le 21 décembre 2012, nonobstant la circonstance que ce rapport ne serait pas visé ou mentionné par cette décision. Il ressort de ce rapport que M. C... s'est présenté dans le bureau du directeur général des services le vendredi 21 décembre 2012, vers 17 h 30, pour évoquer un point de désaccord concernant la présentation du budget communal, à la suite d'un courriel que le directeur général des services lui avait adressé le 19 décembre 2012. Il ressort également de ce rapport qu'invité par le directeur général des services à quitter son bureau à plusieurs reprises, M. C... s'est abstenu de le faire et a, au contraire, tenté de le séquestrer afin d'obtenir des explications sur le projet de non-renouvellement de son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint chargé des affaires financières. Toujours selon ce rapport, M. C... aurait en outre tenu des propos grossiers et insultants et aurait poussé le directeur général des services dans le but de provoquer une confrontation physique à laquelle ce dernier se serait soustrait en interpellant deux autres directeurs présents à l'étage. Ainsi, si les faits relatés par le directeur général des services se sont déroulés dans le huis clos de son bureau et en partie en l'absence de témoins visuels directs, compte tenu de ce qui précède, au vu des informations ainsi portées à sa connaissance dont il disposait effectivement au jour de sa décision, l'adjoint au maire de la commune d'Hénin-Beaumont chargé des ressources humaines a pu estimer que les faits imputés à M. C... revêtaient, à la date de cette décision, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et n'a, par suite, pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en prenant la mesure de suspension en litige.
8. En dernier lieu, si M. C...fait valoir que la décision contestée avait pour seul objet de l'évincer du service, dès lors qu'il avait signalé des dysfonctionnements dans la gestion financière de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette suspension, motivée par le comportement de l'appelant rappelé au point 7, ait été décidée pour de tels motifs, étrangers à l'intérêt du service. Dès lors, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi et le moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnisation :
9. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 3 à 8 que la mesure de suspension contestée n'est pas illégale. Dès lors, aucune faute ne peut être reprochée à la commune d'Hénin-Beaumont pour ce motif. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. C...à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la commune d'Hénin-Beaumont au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Hénin-Beaumont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et à la commune d'Hénin-Beaumont.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°17DA00273 2